Le blogue de Richard Hétu

Avant de fonder la société d’investissement Affinity Fund l’an dernier, Jared Kushner ne revendiquait aucune expérience comme dirigeant d’une telle entreprise. Sa spécialité est l’immobilier, et son fait d’armes – l’acquisition du 666 Fifth Avenue pour 1,8 milliard de dollars – s’est avéré un fiasco financier. Qu’à cela ne tienne : Kushner a convaincu le principal fonds souverain saoudien à investir 2 milliards de dollars dans sa société en juillet 2021. Ou plutôt il a convaincu le prince héritier Mohammed Ben Salmane, révèle le New York Times.

Le Times précise qu’un groupe chargé d’examiner les investissements du fonds saoudien s’était opposé à cette transaction l’été dernier. Ce groupe de quatre personnes est composé notamment du PDG du géant pétrolier saoudien Aramco et du vice-président de la banque centrale saoudienne. On ne parle pas de sales gauchistes. Or, les quatre membres du groupe ont conseillé au fonds de ne pas investir dans la société de Kushner pour plusieurs raisons, comme l’explique le Times, qui a obtenu des documents liés à ce débat :

« Ces objections comprenaient : “l’inexpérience de la direction de l’Affinity Fund” ; la possibilité que le royaume soit responsable de “la majeure partie de l’investissement et du risque” ; la diligence raisonnable sur les opérations de la jeune entreprise qui les a trouvées “insatisfaisantes dans tous les aspects” ; une proposition de frais de gestion d’actifs qui “semble excessive” ; et des “risques de relations publiques” découlant du rôle antérieur de M. Kushner en tant que conseiller principal de son beau-père, l’ancien président Donald J. Trump, selon le procès-verbal de la réunion du panel le 30 juin dernier. »

Le prince héritier a ignoré l’avis du groupe et donné le feu vert à l’investissement saoudien dans Affinity Fund, dont les actifs se chiffrent aujourd’hui à 2,5 milliards de dollars, bien en deçà des 7 milliards visés, selon le Times.

La transaction soulève plusieurs questions. L’investissement saoudien constitue-t-il un retour d’ascenseur pour les services rendus par un ancien conseiller présidentiel ? Après tout, Kushner a joué un rôle important pour défendre MBS après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi ainsi que pour protéger les ventes d’armes à l’Arabie saoudite remises en question par le Congrès après la catastrophe humanitaire engendrée par les bombardements saoudiens au Yémen.

Ou les 2 milliards de dollars représentent-ils une sorte d’acompte pour assurer la bienveillance de Kushner au cas d’un retour de Donald Trump au pouvoir?

Jared Kushner, faut-il préciser, n’est pas accusé d’avoir enfreint la loi en recevant ce cadeau, euh… cet investissement saoudien. Mais il y a quelque chose de profondément troublant dans cette transaction conclue quelques mois seulement après un séjour à la Maison-Blanche au cours duquel l’ex-conseiller a noué une relation étroite avec MBS, allant même jusqu’à communiquer avec lui via WhatsApp. Imaginez un peu quelle aurait été la réaction du New York Post et de Fox News si Hunter Biden avait réussi le même coup après avoir conseillé son père de président.

(Photo Reuters)