Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

Les États-Unis peuvent-ils aider l’Ukraine à défendre la démocratie en Europe ou isoler la Chine et son régime autoritaire en Asie sans forger de liens plus étroits avec l’Inde ? Dans un certain sens, Joe Biden a répondu à cette question cette semaine en déroulant le tapis rouge à la Maison -Blanche pour accueillir Narendra Modi, premier ministre de l’Inde, dont les penchants autocratiques sont dénoncés dans son pays et ailleurs, y compris au sein même du Parti démocrate. Or, comme le souligne la journaliste du New Yorker Susan Glasser, il est loin d’être certain que l’hospitalité du président américain changera la position de Modi vis-à-vis de ces pays ou de la démocratie.

Une chose est sûre, cependant, après cette visite couronnée par un dîner d’État somptueux : les discours de Joe Biden sur la primauté de la démocratie sur l’autocratie sonnent de plus en plus creux ou faux, comme l’a souligné l’ancien diplomate américain David Aaron Miller dans un tweet publié jeudi : « Avec Modi, le nouveau meilleur ami du président, et MBS qui le sera bientôt, le fait que Biden ait mis en sourdine ses critiques en matière de droits de l’homme et de démocratie nécessite un pivot hypocrite qui explose la tête. Qualifier le Chinois Xi de dictateur (il n’y a pas de mots plus vrais) en nécessitera un autre lorsqu’ils s’embrasseront. »

Certains diront que ce pivot est le reflet d’un monde complexe. On pourrait ajouter à cette complexité le fait que Modi se demande sans doute si l’un de ses plus grands admirateurs aux États-Unis, Donald Trump, ne remplacera pas bientôt Joe Biden à la Maison-Blanche.

(Photo Getty Images)





18 réflexions sur “« Un pivot hypocrite qui explose la tête »

  1. Toile dit :

    On est toujours dans la même dynamique: on espère que le nouvel allié sera moins pire ( qu’il agira comme rempart) que l’autre que l’on disqualifie. Diplomatie de courte de vue avec thème «  moins pire que ». Des lectures pas si heureuses et qui vous desservent plus souvent qu’autrement. Normal, tu évites ou contournes les vrais bobos.

  2. Guy LB dit :

    Ne dit-on pas des bons principes,
    qu’à force de s’appuyer dessus, ils finissent par céder ? Biden a grimpé en politique américaine en mettant ce dicton à l’épreuve. Pourquoi s’en étonner maintenant ? Quand en plus on se rappelle que les états n’ont pas de principes, mais que des intérêts, il va de soi que les chefs de ces états se plient à cette nécessité.

    Hypocrisie ? Un peu, quand même. Mais nécessité surtout, et contraignante, quand, comme Biden, on est à la tête d’un pays qui se voit comme le meilleur, le plus grand, le plus puissant.

  3. peu importe le nom du Président, peu importe le pays démocratique, c’est toujours le même modèle qui prévaut.

    L’exploitation exige de la main d’oeuvre bon marché et docile…
    La surconsommation exige de la main d’oeuvre bon marché et docile…

    les pays occidentaux profitent de tout en feignant l’indignation quand des pays sous dictature deviennent des alliés…
    Les citoyens sont aussi pires que les dirigeants.

    Nous sommes aussi lâches et hypocrites que nos dirigeants que nous jugeons… car nous profitons largement de bébelles pas chères à surconsommer et à foutre dans l’environnement….

    Nous avons exploiter la Chine… ce sera l’Inde maintenant… nos vêtements, appareils électroniques, gadgets arriveront des Indes, ne réglant rien à la surconsommation et à l’utilisation des énergies fossiles et nous en seront heureux pour préserver notre « qualité de vie » et notre niveau de vie…
    On jettera notre contenant de yogourt dans le bac à recyclage, convaincu de faire notre part et on critiquera les chefs d’états qui fraient avec les dictateurs pour se donner bonne conscience….

    on le disait avant…. Consommer c’est voter.
    Alors pour qui votons-nous depuis 50 ans???
    En regardant autour de nous, on a notre réponse…

    58 000 feux de forêt actuellement sur Terre.. canicule en Chine… on vote pour ça depuis 50 ans…

    Biden envoie un message à la Chine…
    Modi mange dans toutes les mains tendues… pétrole russe, argent usa …

    toujours la même stratégie avec d’autres acteurs… on peut prédire la suite…

    1. Aube 2005 dit :

      Tout à fait d’accord avec vous.
      Les milliardaires, autrefois les tzars ou rois, se foutent de la planète pourvu que leur satiété à l’argent continue a rapporter toujours plus,
      Le pays au sud de nos frontières qui se dit le plus démocratique et le plus exemplaire sur notre petite planète, est le plus hypocrite de tout l’univers.

  4. NStrider dit :

    Le billet m’a amené à creuser un peu dans mes vieux souvenirs et le web.

    Il m’a amené à me poser la question est-ce que Biden est de l’école de l’art du possible ou de la realpolitik?

    La citation de Gambetta, « la politique c’est l’art du possible », souligne que la politique est une activité qui consiste à trouver des solutions pratiques à des problèmes concrets. Cela implique que les politiciens doivent souvent faire des compromis pour atteindre leurs objectifs, même si cela peut ne pas être idéal ou conforme à leurs principes moraux et éthiques fondamentaux.
    D’autre part, la notion de « realpolitik » est une approche de la politique qui met l’accent sur la poursuite des intérêts nationaux et la puissance politique plutôt que sur les principes moraux ou idéologiques. Elle implique souvent l’utilisation de tactiques pragmatiques et de la force pour atteindre les objectifs de l’État.
    Si j’ai bien compris, la différence entre les deux concepts réside dans l’approche morale et idéologique de la politique. Tandis que l’approche de Gambetta met l’accent sur la recherche de solutions pratiques et la nécessité de faire des compromis, la realpolitik est plus axée sur la poursuite des intérêts nationaux, même si cela peut nécessiter des tactiques qui ne sont pas moralement ou idéologiquement justifiables.
    Cependant, les deux concepts ont en commun l’idée que la politique doit être pragmatique et orientée vers la résolution des problèmes. Ils soulignent également que les politiciens doivent être capables de naviguer dans des situations complexes et souvent contradictoires pour atteindre leurs objectifs.
    Je crois que dans ce cas ci, Biden est dans « la realpolitik  » et la protection des intérêts nationaux des États-Unis.

    1. xnicden dit :

      Je me demande, pourrait-on dire que M. Biden applique l’approche de l’art du possible en politique intérieure et la realpolitik pour les relations internationales?

      1. NStrider dit :

        Avec ma compréhension limitée de toutes les subtilités des deux approches, j’aurais tendance à dire que par définition ce que vous dites est généralement vrai.

        Biden, tout au long de sa carrière politique, a souvent adopté une approche pragmatique et réaliste, combinant à la fois l’art du possible et la realpolitik.

        Le premier exemple qui me vient en tête: lors de sa campagne présidentielle en 2020, Biden a promis de rétablir les relations diplomatiques et les accords internationaux que les États-Unis avaient abandonnés sous l’administration précédente. Peu après son entrée en fonction, il a ramené les États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, réaffirmant ainsi l’engagement du pays à lutter contre le changement climatique. Cette décision s’inscrit dans une approche pragmatique cherchant à mobiliser la communauté internationale autour d’un problème mondial urgent.
        Je n’arrive pas à placer dans une case cette décision.

        Et même si je m’intéresse plus à la politique au sud de notre frontière depuis le début du nouveau millénaire, je ne connais pas suffisamment le passé de Biden pour être très catégorique. Il serait, je pense, important de prendre en compte l’ensemble de sa carrière et les décisions spécifiques prises à différentes époques pour obtenir une image complète de son approche politique.

        En conclusion, je dirais qu’entre les deux son cœur balance.

  5. Pierre s. dit :

    ————————————

    On recherche de la chair à consommation, de la main d’œuvre qui coute rien
    pour alimenter le monstre capitaliste. Pour que des épais puisse continuer de se faire
    imploser dans des voyages débiles à 250 000 $

  6. Gilles Morissette dit :

    L’inde est en train de devenir une puissance dont il ne faudra pas sous-estimer l’influence surtout dans un contexte où les USA essaient de supplanter la Chine.

    Vaut mieux l’avoir de son bord qu’être contre elle.

    Le président Biden a donc fait un pacte avec le Diable. Pour le meilleur et pour le pire.

    Cynisme? Désillusion? Opportunisme? Déception?

    OUI tout ça et plus encore. Pour paraphraser une expression utilisée par le blogueur « Guy LB » (10:03)

    « En matière de relations internationales, les États n’ont pas d’alliés, juste des intérêts communs ».

    On peut le déplorer, s’indigner, protester, cela ne changera en rien cette dynamique.

    Bienvenue dans la nouvelle réalité

    1. gl000001 dit :

      Les USA sont également diabolique. Il ne faut pas l’oublier 😈

  7. Anizev dit :

    Je ne fais pas confiance à l’Inde. Si ma mémoire est bonne l’Inde n’a pas condamné l’invasion russe en Ukraine, et même continue par la porte d’en arrière de faire du commerce avec la Russie.

  8. Haïku dit :

    « En politique le choix est rarement entre le bien et le mal,
    mais entre le pire et le moindre mal. »
    (Machiavel).

  9. Alexander dit :

    Le principe de base n’est pas nécessairement de protéger les droits de la personne au sens occidental mais de préserver l’équilibre des forces et éviter les dérapages meurtriers comme l’Ukraine.

    Si le fait de se rapprocher de l’Inde permet de se donner une porte de sortie face à la Chine voisine, ça permet de maintenir un certain équilibre avec XI et de peut-être éviter qu’il lui prenne la folle envie d’envahir Taïwan, un peu comme Poutine le fait avec l’Ukraine.

    La Chine va y penser deux fois avant d’affronter son principal client de front. Et les chinois sont calculateurs. Ils vont penser à leur intérêt avant de trop s’avancer avec des opérations spéciales.

    Si ça aide à calmer le jeu, ben coup donc, c’est déjà ça de gagné. Toujours le fragile équilibre des forces.

    On voit un peu la même chose avec l’Arabie, Israël et l’Iran pour la domination au Moyen-Orient. Personne là-dedans ne s’aime d’amour tendre, mais si ça peut à terme éviter de se tirer des bombes et que chacun se sente souverain chez lui, ça fait ça de gagné.

    Ceci étant dit, les valeurs humaines sont tellement fondamentales que les gens vont aspirer à un meilleur respect individuel et collectif, chose que l’on retrouve bien moins dans les régimes autocratiques et dictatoriaux.

    On peut critiquer Biden ou même Trump, mais, ultimement, faut éviter les excès et les bombes qui tuent des innocents et ravagent les pays.

    D’abord préserver les vies humaines des bombes, ensuite plus de liberté individuelle.

    Biden est-il parfait? Non. Hypocrite? Je ne pense pas. Il priorise, c’est tout.

  10. Kelvinator dit :

    C’est la montée de la « cancel culture » dans le monde diplomatique en somme…

    Il faut toujours avoir une voie de dialogue en politique internationale et en diplomatie. Plus on se coupe, moins nos remontrances ont de portée. Il faut trouver le juste équilibre.

  11. Claude Vaillancourt dit :

    Nous les occidentaux n’avons exploité personne dans la globalité des choses. Donnez-moi un exemple de peuple dans l’histoire qui est passé de la pauvreté générale à la prospérité du jour au lendemain. Ce n’est jamais arrivé, même les peuples des pays occidentaux dits riches aujourd’hui, sont passés par une phase « d’explotation » dans la première moitié de l’ère industrielle. C’est le chemin et le prix à payer pour sortir de la pauvreté généralisée. Ainsi fonctionne le capitalisme.

    Demandez à la Chine, elle a été « exploitée », alors que ce fut en fait le plus grand cadeau que l’occident pouvait lui faire. Aujourd’hui, cette Chine exploite des pays africains comme l’Éthiopie, et ça va aller en augmentant. Aussi, les vilains occidentaux exploiteurs sont ceux qui ont inventés des vaccins et des médicaments qui mènent depuis 50 ans à un boom démographique dans ces pays « exploités », et je ne parle même pas de toute la technologie accessible aux « exploités », du téléphone cellulaire aux résultats de la biotechnologie agricole qui permet de nourrir tout ce beau monde dont le nombre ne cesse d’augmenter. Les pays qui ont doublé, triplé, voire quadruplé leurs populations depuis 50-60 ans le doivent à la science occidentale. Le problème c’est que ces pays ne se sont pas adaptés et ont toujours des taux de natalité d’un temps où la mortalité infantile était très élevée. Il n’y a pas à dire, ils sont bien vilains ces occidentaux exploiteurs…

    1. Grenouillage dit :

      Claude Vaillancourt dit :
      23/06/2023 à 11:49

       » Les pays qui ont doublé, triplé, voire quadruplé leurs populations depuis 50-60 ans le doivent à la science occidentale. Le problème c’est que ces pays ne se sont pas adaptés et ont toujours des taux de natalité d’un temps où la mortalité infantile était très élevée.  »

      Il faut croire que la science occidentale n’a pas trouvé la réponse au déclin de la population des occidentaux. 🙂
      https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381396

  12. Grenouillage dit :

    L’Inde, tout comme la Turquie aime jouer sur plusieurs tableaux en même temps. Par exemple:

    1) l’Inde alliée de la Chine dans les BRICS mais alliée des USA contre la Chine.  »

    2) Les deux dirigeants mondiaux ont promis des accords commerciaux et de défense visant à limiter l’influence de la Chine dans le monde.

    3) L’Inde demeure cependant un partenaire important de la Russie, et n’a pas l’intention de changer sa position à court ou moyen terme, au grand dam des américains.

    4) L’Inde est très largement dépendante de la Chine, notamment pour les équipements électriques et électroniques, les matières premières et les fertilisants.

    De plus, les relations entre l’Inde et le Pakistan (grand allié des américains) sont mauvaises.
    Depuis la partition en 1947, les différents conflits ont entravé les échanges entre les deux nations, l’importance des échanges dans les économies nationales est passé de plus de 50 % des échanges à moins de 1 % aujourd’hui.
    Sans compter le litige avec le Cachemire.

    On discute actuellement d’élargir le conseil de sécurité afin d’intégrer de nouvelles puissances émergentes, et d’avoir une meilleure représentativité qui couvrirait l’ensemble des continents. Par exemple, avoir un représentant de l’Afrique.

    À suivre….

  13. jeanfrancoiscouture dit :

    Les dictatures (Russie, Chine, Iran, Arabie Saoudite) ainsi que les «démocratures» (Inde, Turquie) ainsi que quelques satellites, se livrent à une version moderne, à la fois politique, économique, technologique, communicationnelle -et manifestement concertée- calquée sur le très moyenâgeux travail de sape de la démocratie.

    Et le plus enrageant, c’est que jusqu’à présent, cela semble plutôt bien fonctionner. C’est d’autant plus inquiétant considérant la possibilité que Trump ou un «copycat» se hisse au pouvoir même en ne remportant pas le vote populaire, merci à un système électoral désuet et totalement dysfonctionnel.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Sape

    .

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