Le blogue de Richard Hétu

« Le premier amendement a érigé un mur entre l’Église et l’État. Ce mur doit être maintenu haut et infranchissable. Nous ne pourrions accepter la moindre brèche », écrivait le juge de la Cour suprême Hugo Black dans l’arrêt de 1947 « Everson vs Board of Education ». En moins d’une semaine, la nouvelle majorité de la Cour suprême a créé deux brèches importantes dans ce mur censé assurer le régime de laïcité américain.

Mardi dernier, par 6 voix contre trois, le plus haut tribunal américain s’est rangé du côté de deux familles qui contestaient un programme d’aide à la scolarité du Maine qui excluait les écoles religieuses privées. Ce lundi matin, la même majorité a statué que le premier amendement protège le droit d’un entraîneur adjoint de football de s’agenouiller et de prier au milieu du terrain après les matchs locaux de l’équipe portant les couleurs de l’école publique qui l’emploie.

« Une entité gouvernementale a voulu punir un individu pour une pratique religieuse brève, calme et personnelle », a écrit le Juge Neil Gorsuch, auteur de l’opinion majoritaire, en faisant référence à Joseph Kennedy, employé d’une école de Bremerton, dans l’État de Washington, jusqu’en 2015. « La Constitution n’impose ni ne tolère ce genre de discrimination. »

Or, pour les juges progressistes de la Cour suprême, la prière de Joseph Kennedy n’avait rien de « personnelle ». Dans une opinion dissidente, Sonia Sotomayor a affirmé que plusieurs joueurs avaient pris part au fil des ans aux prières de leur entraîneur, dont le rôle, public par définition, lui conférait autorité et influence.

« Kennedy invitait constamment les autres à se joindre à ses prières et, pendant des années, il a dirigé les étudiants-athlètes dans la prière », a-t-elle écrit, allant même jusqu’à publier des photos pour étayer sa thèse.

Mais la nouvelle majorité de la Cour suprême est déterminée à élargir les droits religieux, peu importe les faits, n’en déplaise à Hugo Black ou aux Pères fondateurs qui ont défini le concept du « mur de séparation ».

De commenter la juge Sotomayor : « La décision d’aujourd’hui est particulièrement malavisée parce qu’elle élève les droits religieux d’un responsable scolaire, qui a volontairement accepté un emploi public et les limites que celui-ci implique, au-dessus de ceux de ses élèves, qui sont obligés d’aller à l’école et dont cette cour reconnaît depuis longtemps qu’ils sont particulièrement vulnérables et méritent d’être protégés. Ce faisant, la Cour nous engage plus avant sur une voie périlleuse en forçant les États à s’empêtrer dans la religion, avec tous nos droits dans la balance. »

(Photos Getty Images et AP)