Le blogue de Richard Hétu

En novembre dernier, les électeurs d’Alabama ont adopté un amendement à la constitution de cet État du Sud qui reconnaît «le caractère sacré de la vie à naître et les droits des enfants à naître». Dans la foulée de cet amendement, un juge d’Alabama a conclu qu’un homme de 19 ans pouvait intenter une poursuite pour mort injustifiée contre la clinique et la compagnie pharmaceutique qui ont fourni une pilule abortive à sa copine.

On peut lire cette histoire dans un article fascinant de Farah Stockman sur la réaction de citoyens de Pleasant Grove à la décision d’un grand jury d’inculper une femme du coin, Marshae Jones, pour homicide involontaire. Enceinte de cinq mois, Jones a été atteinte par balle au ventre lors d’une dispute avec Ebony Jemison, une collègue de travail. Le foetus n’a pas survécu.

Le grand jury a conclu que Jemison, rouée de coups de poing, avait agi en état de légitime défense en ouvrant le feu et que Jones, instigatrice de la dispute, devait assumer la responsabilité de la mort du foetus.

«Dans l’État d’Alabama, un bébé à naître a les mêmes droits qu’un enfant vivant», a déclaré une femme, résumant une position répandue dans cet État où la vénération des armes à feu rivalisent rivalise avec la sacralisation du foetus. Avant même l’adoption de l’amendement constitutionnel de novembre dernier, des centaines de femmes ont été poursuivis par l’État pour avoir exposé un foetus à des substances illégales. Les médecins estiment que cette approche répressive dissuade plusieurs femmes enceintes à demander de l’aide pour traiter leur addiction.

Dans le cas de Marshae Jones, il faut noter que la procureure du comté de Jefferson, Lynneice Washington, n’a pas encore décidé si elle acceptera la décision du grand jury. Elle pourrait laisser tomber l’inculpation dès cette semaine. En 2016, elle est devenue la première procureure afro-américaine de district de l’État, par seulement 300 voix.

En attendant la décision de la procureure, Marshae Jones est atterrée. Elle a perdu son emploi, sa maison (à cause d’un incendie accidentel) et son foetus, auquel elle a donné un nom – Marlaysia Jones – avant de placer ses cendres dans une urne, comme s’il s’agissait d’une personne.