Le blogue de Richard Hétu

Dire que les républicains – et la droite américaine en général – ont problème avec l’électorat noir est une litote. En 2016, seulement 14% des hommes afro-américains ont voté pour Donald Trump. Chez les femmes, le pourcentage s’est réduit à pratiquement 0%. Lors des élections de mi-mandat de 2018, c’est seulement 22% des Noirs qui ont voté républicain. Au Congrès, cela se traduit par zéro élu noir à la Chambre des représentants et un seul au Sénat. Dans un tel contexte, Candace Owens, 29 ans, nouvelle égérie de la droite dure, détonne.
La jeune Afro-Américaine est la tête d’affiche de Turning Point USA, un organisme voué à la dénonciation des professeurs universitaires jugés trop à gauche ou des universités qui ne font pas assez de place au point de vue conservateur. Remplie de contradiction, elle multiplie depuis quelques mois les interventions sur Fox News et dans les rassemblements conservateurs. Un de ses arguments typiques : le racisme est chose du passé car elle n’a jamais été une esclave. Elle a pourtant gagné une poursuite contre son ancienne école secondaire après s’être plainte d’avoir été la cible de menaces racistes.

Jusqu’à maintenant, son fait d’armes aura été de créer le concept de #Blexit. Elle encourage ainsi les Afro-Américains à quitter le Parti démocrate en faisant valoir que leur soutien infaillible à cette formation a fait en sorte que leur situation ne s’améliore pas. Elle dénonce en outre les mouvements Black Live Matters et #moiaussi. Et elle prétend que la brutalité policière n’est pas un problème pour la communauté noire.

Candace Owens a par ailleurs fréquenté les médias conspirationnistes comme Infowars ou Breitbart et refusé de les critiquer. Elle n’hésite d’ailleurs pas à propager elle-même des théories du complot impliquant des musulmans ou des démocrates connus. Son influence n’est pas négligeable : elle a été citée comme source d’inspiration par le tueur de la tuerie de Christchurch.

Voici une de ses déclarations les plus célèbres et fumeuses, qu’elle a répétée à quelques mots près dans plusieurs entrevues:

« Je n’ai pas de problème avec le mot ‘nationalisme’, Je pense que la définition a été empoisonnée par les élites qui veulent le mondialisme. Le mondialisme, c’est ce que je ne veux pas… Dès que quelqu’un dit le mot ‘nationalisme’, du moins en Amérique, la première personne à qui les gens pensent, c’est Hitler. Il était un national-socialiste. Mais si Hitler avait voulu juste rendre sa grandeur à l’Allemagne et faire en sorte que les choses fonctionnent, ça aurait été bien. Le problème, c’est qu’il rêvait au-delà de l’Allemagne. Il voulait mondialiser. Il voulait que tous soient Allemands, que tous parlent l’allemand. Pour moi, ce n’est pas du nationalisme.

Le propos est d’un simplisme alarmant, car il évacue l’ascension d’Hitler par la force et la terreur, de même que l’idéologie nazie et l’Holocauste. Bref, elle utilise les arguments qu’elle veut, comme elle veut et quand elle veut.

Candace Owens aura-t-elle plus de succès avec son #Blexit que Teresa May avec son Brexit? Pour le moment, il est difficile de croire qu’elle aidera les républicains à faire une percée chez les électeurs afro-américains. Lors des rassemblements auxquels elle participe, les Afro-Américains sont très minoritaires. Mais l’attention qu’on lui porte montre toute la mauvaise foi d’un groupe qui n’hésite pas à exploiter tous les arguments pour arriver à ses fins.

(Photo Getty Images)