Le blogue de Richard Hétu

Tout en pressant Israël de reporter une invasion de Gaza pour permettre la libération du plus grand nombre possible d’otages, l’administration Biden soulève des questions de moins en moins discrètes sur la stratégie militaire israélienne pour éliminer le Hamas. Selon le New York Times, elle « s’inquiète du fait qu’Israël n’a pas d’objectifs militaires réalisables à Gaza et que les forces de défense israéliennes ne sont pas encore prêtes à lancer une invasion terrestre avec un plan efficace ».

Ces inquiétudes ne sont pas seulement relayées par le secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin à son homologue israélien Yoav Gallant, mais également par le lieutenant-général James Langley, du corps des Marines, qui fait partie d’un groupe d’officiers américains dépêchés en Israël pour conseiller les Israéliens.

Le général Austin a une expertise dans les combats urbains qui lui confèrent une autorité certaine. Il était à la tête du commandement central des États-Unis lorsque les troupes américaines ont appuyé les forces kurdes et irakiennes dans la campagne de 2016 et 2017 pour libérer la ville irakienne de Mossoul des combattants du groupe armé État islamique.

« La première chose que tout le monde devrait savoir, et je pense que tout le monde le sait, c’est que le combat urbain est extrêmement difficile », a déclaré Austin dimanche à l’émission d’ABC This Week. Il a dit avoir « encouragé » Gallant de « mener ses opérations conformément au droit de la guerre ».

« Les responsables américains sont de plus en plus préoccupés par le fait qu’une invasion terrestre à Gaza pourrait entraîner d’énormes pertes de vies civiles », note le Times. Ils disent aussi ne pas avoir vu depuis le 7 octobre de plans réalisables pour atteindre l’objectif de Benyamin Nétanyahou d’éradiquer le Hamas.

Et l’on ne parle même pas de l’autorité qui remplacerait le Hamas dans la bande de Gaza.

Joe Biden a exprimé ces inquiétudes de façon diplomatique en s’adressant aux Israéliens lors de sa visite à Tel Aviv la semaine dernière. « J’ai pris des décisions en temps de guerre, et je sais que les choix ne sont jamais clairs ou faciles. Il y a toujours des coûts qui doivent être examinés, qui nécessitent de poser des questions très difficiles, qui nécessitent de clarifier les objectifs et de se demander honnêtement si la voie que l’on suit permettra d’atteindre ces objectifs », a-t-il dit.

Un expert cité par le Times rappelle que l’EI avait eu deux ans pour préparer la défense de Mossoul, alors que le Hamas s’y affaire depuis 15 ans. Si les responsables américains considèrent la campagne pour libérer Mossoul comme un succès, malgré des milliers de morts civiles, ils souhaitent qu’Israël évite de répéter le scénario de Falloujah, où les troupes américaines ont été engagées dans la bataille la plus sanglante de la guerre d’Irak, en 2004.

Pendant ce temps, en Israël, les « querelles intestines, le chaos et la paralysie » règnent au sein du gouvernement d’unité nationale. Et l’opération terrestre à Gaza ne semble plus aussi imminente qu’elle l’était il y a quelques jours à peine. Des alliés de Nétanyahou ont d’ailleurs lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour rappeler que la vie des soldats israéliens passe en premier et nécessite de donner plus de temps à l’armée de l’air pour détruire le réseau de tunnels dangereux du Hamas avant que les troupes ne pénètrent dans la bande de Gaza.

(Photo Getty Images)