Le blogue de Richard Hétu

Donald Trump ne peut être élu à la présidence des États-Unis en vertu d’une disposition de la Constitution américaine qui interdit aux personnes ayant participé à une insurrection de tenir une fonction gouvernementale. C’est du moins ce que font valoir deux éminents juristes conservateurs rattachés à la Federalist Society dans un long article savant qui sera publié l’année prochaine dans la Revue juridique de l’Université de Pennsylvanie et dont le New York Times fait état ici.

Signé par deux professeurs de droit constitutionnels, William Baude de l’Université de Chicago et Michael Stokes Paulsen de l’Université St. Thomas, l’article n’incitera certainement pas l’ancien président à mettre fin à sa campagne. Mais il pourrait pousser des candidats ou des électeurs ordinaires à lancer des actions en justice pour le disqualifier.

Fait intéressant, l’article s’appuie sur une lecture « originaliste » de la section 3 du 14e amendement, ce qui pourrait séduire les juges les plus conservateurs de la Cour suprême. Adoptée après la guerre civile, cette disposition interdit à ceux qui ont prêté serment « de soutenir la Constitution des États-Unis » d’occuper un poste s’ils « se sont engagés dans une insurrection ou une rébellion contre celle-ci, ou s’ils ont apporté aide ou réconfort à ses ennemis ».

Dans leur article, les professeurs Baude et Paulsen prennent soin de redonner aux termes « insurrection » et « rébellion » le sens qu’ils avaient aux États-Unis lorsqu’ils ont été inscrits dans la Constitution. Or, selon eux, des « preuves abondantes » montrent que Donald Trump a participé à une insurrection en cherchant à inverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020, en tentant de modifier le décompte des voix par la fraude et l’intimidation, en encourageant de fausses listes de grands électeurs concurrents, en faisant pression sur le vice-président pour qu’il viole la Constitution, en appelant à la marche sur le Capitole et en restant silencieux pendant des heures au cours de l’attaque proprement dite.

Le professeur Baude a confié au Times : « Lorsque nous avons commencé, aucun de nous n’était sûr de la réponse. Les gens parlaient de cette disposition de la Constitution. Nous nous sommes dit : “Nous sommes des constitutionnalistes et il s’agit d’une question constitutionnelle importante. Nous devrions comprendre ce qui se passe réellement ici.” Et plus nous creusions la question, plus nous nous rendions compte que nous avions quelque chose à ajouter. »

Le professeur a résumé ainsi la conclusion de l’article : « Donald Trump ne peut pas être président – il ne peut pas être candidat à la présidence, il ne peut pas devenir président, il ne peut pas exercer ses fonctions – à moins que les deux tiers du Congrès ne décident de lui accorder une amnistie pour sa conduite du 6 janvier. »

Selon un autre professeur de droit cité par le Times, il s’agit d’une question que la Cour suprême voudrait entendre et trancher d’ici l’élection présidentielle de 2024. Rappel : La Federalist Society, dont les signataires de l’article sont membres, est ce terreau de juristes conservateurs dont sont issus plusieurs des juges actuels de la Cour suprême.

L’un des fondateurs de cette organisation, Steve Calabresi, professeur de droit à Northwestern et Yale, a qualifié l’article de ses collègues de « tour de force ». Il a précisé que chacun des 50 secrétaires d’État chargé de l’administration des élections dans son État pourrait être poursuivi pour avoir imprimé sur des bulletins de vote le nom d’un candidat inéligible, en l’occurrence Donald Trump.

(Photo AP)