Le blogue de Richard Hétu

« Cracheur de feu », « lanceur de bombes », « lance-flammes », les expressions utilisées par les médias américains au fil des ans pour décrire Jim Jordan donnent une idée de la situation incongrue et invraisemblable dans laquelle se trouve la chambre basse du Congrès. À la suite d’un scrutin interne, le représentant d’Ohio est devenu ce vendredi LE candidat républicain pour succéder à Kevin McCarthy au poste de président de la Chambre des représentants. Il a récolté 124 votes contre 81 pour son collègue de Géorgie Austin Scott, qui s’était lancé dans la course au lendemain de la décision de Steve Scalise de retirer sa candidature, faute d’appuis suffisants.

Mais les lecteurs assidus de ce blogue connaissent une expression encore plus évocatrices ayant déjà été utilisée pour définir Jim Jordan : « terroriste législatif ». L’ancien président de la Chambre John Boehner s’en était servi après avoir été forcé à la démission par Jordan et les autres croisés du Freedom Caucus, le groupe ultraconservateur dont il est l’un des fondateurs. À l’époque, l’ancien champion et entraîneur de lutte olympique se plaisait à mettre en échec les dirigeants de son propre parti, prélude à ses attaques contre les institutions démocratiques de son pays au profit de Donald Trump, qui lui a décerné la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute décoration civile des États-Unis, lors d’une cérémonie privée tenue moins d’une semaine après l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.

Cet homme pourrait donc devenir président de la Chambre. Et si un malheur arrivait en même temps à Joe Biden et Kamala Harris, il pourrait aussi devenir président des États-Unis, le président de la Chambre étant deuxième dans l’ordre de succession présidentielle.

Obtiendra-t-il les 217 votes requis pour succéder à Kevin McCarthy (si tous les démocrates sont présents et votent contre lui) ? Rien n’est moins sûr. Lors d’un deuxième scrutin interne pour juger ses appuis, plus de 50 représentants républicains ont refusé de l’appuyer. Certains d’entre eux ne veulent pas donner à la frange extrémiste de leur parti la victoire que représenterait pour eux l’élection de Jordan.

« Le fait est que si vous récompensez les mauvais comportements, vous en aurez d’autres », a déclaré le représentant républicain du Nebraska Don Bacon.

Les partisans de Jordan affirment de leur côté que Jordan n’est plus le « terroriste » dont se plaignait Boehner. « Il a changé », a déclaré un de ses collègues d’Ohio. « Il est beaucoup plus un joueur d’équipe maintenant ; il travaille à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur du groupe. Je pense que le pari de McCarthy de le déplacer à l’intérieur de la tente et de lui donner le rang de président de la commission judiciaire a porté ses fruits. »

N’empêche : l’élection au poste de président de la Chambre n’illustrerait pas seulement la trumpification du Parti républicain mais également celle du Congrès américain. En Israël, certains analystes ont établi un lien entre les lacunes de la sécurité nationale et le noyautage du gouvernement et des institutions par les forces les plus extrémistes du pays. Est-ce le sort qui attend les États-Unis ?

Les républicains se réuniront à nouveau lundi pour déterminer si Jordan a amassé assez d’appuis pour justifier un vote en séance plénière.

P.S. : Rappel de la déclaration récente de Liz Cheney au sujet de Jordan : « Jim Jordan a participé à la conspiration de Trump pour voler l’élection et s’emparer du pouvoir ; il a insisté pour que Pence refuse de compter les votes électoraux légaux. Si les républicains nomment Jordan à la présidence de la Chambre, ils abandonneront la Constitution. Ils perdront la majorité à la Chambre et ils le mériteront. »

(Photo Getty Images)