Le blogue de Richard Hétu

À 15 ans, Yusef Salaam a été injustement accusé et condamné à une peine d’emprisonnement avec quatre autres adolescents de Harlem pour le viol et la tentative de meurtre d’une joggeuse blanche de 28 ans à Central Park. Disculpé avec les autres en 2002 après la confession du vrai coupable (et les résultats de nouveaux tests d’ADN), le conférencier motivateur et membre de l’Innocence Project a revendiqué mardi soir la victoire dans une primaire démocrate pour le siège de Central Harlem au Conseil municipal de New York. Aujourd’hui âgé de 49 ans, ce père d’une famille recomposée de dix enfants est assuré de la victoire à l’occasion de l’élection générale de novembre.

« Je suis ici parce que Harlem a cru en moi. Harlem a parlé », a déclaré Salaam devant ses partisans mardi soir. «Cette campagne a porté sur la communauté de Harlem qui a été poussée en marge de la vie et à qui l’on a fait croire qu’elle était censée être là. Ce qui s’est passé au cours de cette campagne m’a redonné la foi sur le fait que je suis né pour cela. »

« Je suis le rêve le plus fou de mes ancêtres », a ajouté celui qui a passé sept ans de sa vie en prison pour un crime qu’il n’a pas commis et qui a raconté sa vie dans un best-seller intitulé Better, Not Bitter.

Salaam a récolté 50,14 % des suffrages, atteignant probablement les 50 % nécessaires pour éviter de passer à des tours supplémentaires de vote par ordre de préférence. Mais la situation ne sera pas tout à fait claire tant que les bulletins restants n’auront pas été dépouillés. Il devance par 2 776 voix Inez Dickens, qui représente une grande partie des environs à Albany et qui jouissait de l’appui du maire démocrate Eric Adams et de l’establishment politique de Harlem.

Salaam a retenu l’attention en avril dernier en réagissant à l’inculpation de Donald Trump à New York par un mot sur Twitter : « Karma. » Après l’agression contre la joggeuse de Central Park, Trump avait acheté des publicités pleine page dans les journaux de New York pour exprimer sa haine des « braqueurs », des « meurtriers » et des « criminels » et réclamer le rétablissement de la peine de mort dans l’État de New York. Il participait ainsi à un véritable lynchage médiatique contre les cinq adolescents arrêtés – quatre Noirs et un Hispanique, âgés de 14 à 16 ans -, dont le traitement a jeté une lumière crue sur les injustices du système pénal américain.

Le jour de la mise en état d’arrestation de Trump, Salaam a ajouté dans un message publié sur ses réseaux sociaux :  « Maintenant que vous avez été inculpé et que vous devez répondre à des accusations criminelles, je n’ai pas recours à la haine, aux préjugés ou au racisme – comme vous l’avez fait par le passé. J’espère que vous exercerez pleinement vos libertés civiles et que vous obtiendrez ce que les Cinq Exonérés n’ont pas obtenu : la présomption d’innocence et un procès équitable. »

J’ai signé un article dans La Presse sur Salaam fin avril.

(Photos The New York Times et Netflix)