Le blogue de Richard Hétu

Le site d’information ProPublica continue ses révélations sur les problèmes éthiques des juges de la Cour suprême des États-Unis. Après Clarence Thomas, c’est au tour de Samuel Alito d’attirer son attention. Dans un article mis en ligne tard lundi soir, ProPublica affirme que le juge ultra-conservateur a accepté en 2008 une place gratuite à bord de l’avion privé du milliardaire républicain Paul Singer (à droite dans la photo qui coiffe ce billet) pour se rendre en Alaska, où il a taquiné le saumon. « Si le juge avait affrété l’avion lui-même, le coût aurait pu dépasser 100 000 dollars pour un aller simple », précise le site.

Or, le juge Alito n’a pas inscrit ce vol dans sa déclaration financière pour l’année 2008. Selon ProPublica, il aurait ainsi vraisemblablement violé une loi fédérale qui oblige les juges à dévoiler la plupart des cadeaux qu’ils reçoivent. Le site ajoute que le juge Alito ne s’est pas récusé par la suite quand des affaires impliquant Singer ont été débattues devant la Cour suprême. ProPublica mentionne notamment une cause opposant le gestionnaire de fonds spéculatifs à l’Argentine, cause qui a permis au financier américain de récupérer 2,4 milliards de dollars.

« Les experts ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas identifier un cas où un juge a statué sur une affaire après avoir reçu un cadeau coûteux payé par l’une des parties », a écrit ProPublica avant de citer Charles Geyh, professeur de droit à l’université de l’Indiana et grand spécialiste des récusations. Ce dernier a déclaré, en faisant allusion à la relation entre Alito et Singer : « Si vous étiez de bons amis, que faisiez-vous en statuant sur cette affaire ? Et si vous n’étiez pas de bons amis, que faisiez-vous en acceptant [un vol en jet privé] ? »

Le juge Alito a refusé de répondre aux questions de ProPublica. Mais il a donné sa version des faits dans une tribune publiée lundi soir par le Wall Street Journal avant même la mise en ligne de l’article du site. Il a écrit qu’il avait été invité à monter à bord de l’avion de Singer peu de temps avant le voyage en Alaska et que le siège « aurait été vacant autrement ».

Et il a défendu le fait qu’il n’avait pas inscrit ce voyage dans ses déclarations financières en affirmant que les juges « interprétaient communément » les exigences de divulgation comme n’incluant pas « l’hébergement et le transport pour des événements sociaux ».

Comme l’avait déjà démontré le cas de Clarence Thomas, les juges de la Cour suprême américaine ne sont pas assujettis aux mêmes règles éthiques que tous les autres juges ou employés fédéraux. En gros, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Ainsi, lors de son voyage de pêche en Alaska, le juge Alito a également séjourné à l’oeil dans un pavillon de pêche commerciale appartenant à un autre important donateur conservateur. Leonard Leo, alors à la tête de la Federalist Society, groupe de juristes conservateurs, était l’un des organisateurs de ce voyage.

(Photo ProPublica)