Le blogue de Richard Hétu

En réagissant aux révélations récentes du site ProPublica selon lesquelles il a effectué de nombreux voyages de luxe à bord de l’avion privé et du yacht de Harlan Crow, Clarence Thomas avait noté que le milliardaire texan, généreux donateur républicain, et sa femme comptaient « parmi nos amis les plus chers ». Le problème ne tenait pas seulement au fait qu’un juge de la Cour suprême avait accepté de tels cadeaux mais qu’il ne les avait pas rapportés dans ses déclarations financières. Or, dans un nouvel article, ProPublica nous apprend ce jeudi que Thomas a caché au moins un autre exemple de la générosité de Crow à son égard.

Le site d’information révèle que Crow a payé pour l’éducation d’un petit-neveu de Thomas que ce dernier dit avoir élevé « comme un fils ». ProPublica a obtenu un chèque de 6 200 $ signé par le milliardaire et remis à un pensionnat de Géorgie où le parent du juge, Mark Martin, a étudié pendant un an, en 2008. Le montant de 6 200 $ correspondait aux frais pour un mois. Selon Cristopher Grimwood, ex-administrateur au pensionnat, Crow a payé pour l’année entière que Martin y a passé.

Grimwood a également confié à ProPublica que Crow lui avait dit avoir payé pour la scolarité du petit-neveu de Thomas dans des écoles privées avant et après son année au pensionnat de Géorgie. Or, jamais Thomas n’a inscrit ces cadeaux dans ses déclarations financières, comme il aurait dû le faire en vertu d’une loi adoptée dans la foulée du scandale de Watergate. Le juge n’a pas répondu aux questions de ProPublica. Des représentants de Crow ont réagi dans une déclaration écrite :

« Harlan Crow est depuis longtemps passionné par l’importance d’une éducation de qualité et par le fait de rendre service aux moins fortunés, en particulier aux jeunes à risque. Il est décevant que des personnes ayant des intérêts politiques partisans tentent de faire de l’aide aux jeunes à risque en matière de frais de scolarité quelque chose d’infâme ou de politique. »

ProPublica résume ainsi tous les cadeaux et avantages financiers offerts à Thomas par Crow, héritier d’un empire immobilier qui a cherché à influencer le cours de la politique et de justice américaines, notamment en contribuant au financement de la Federalist Society, terreau de juristes conservateurs : « Le mois dernier, ProPublica a révélé que M. Thomas avait accepté des voyages de luxe de M. Crow pratiquement chaque année pendant des décennies, notamment des croisières internationales sur des superyachts et des vols en jet privé dans le monde entier. Selon ProPublica, Crow a également versé de l’argent à Thomas et à ses proches dans le cadre d’une transaction immobilière non divulguée. Après avoir acheté la maison où vit la mère de M. Thomas, M. Crow a investi des dizaines de milliers de dollars dans l’amélioration de la propriété. Il y a une quinzaine d’années, M. Crow a fait don d’une grande partie du budget d’un groupe politique fondé par l’épouse de M. Thomas, qui lui versait un salaire de 120 000 dollars. »

De commenter Richard Painter, ancien conseiller de la Maison-Blanche en matière d’éthique : « C’est tout à fait hors norme. C’est bien plus que tout ce que j’ai vu. »

Le président de la commission judiciaire du Sénat Dick Durbin a invité récemment le président de la Cour suprême John Roberts à une audition publique pour discuter de l’opportunité d’adopter un code de conduite plus restrictif pour les juges de la plus haute instance américaine. Ceux-ci ne sont pas assujettis aux mêmes règles éthiques que les juges fédéraux d’instances inférieures. Roberts a envoyé promener poliment le sénateur démocrate d’Illinois.

Outre Thomas, le juge Neil Gorsuch s’est également retrouvé dans l’eau chaude récemment après les révélations de Politico selon lesquelles il a vendu une propriété au Colorado au patron d’un cabinet juridique qui plaide régulièrement des causes devant la Cour suprême. Gorsuch n’a pas dévoilé l’identité de l’acheteur dans sa déclaration financière.

(Photos AP)