Le blogue de Richard Hétu

J’ai entendu la question qui coiffe ce billet beaucoup trop souvent à mon goût à l’approche du 20e anniversaire des attentats terroristes du 11 septembre 2001. La question est soulevée avec une pointe d’inquiétude ou de regret. Elle tient pour acquis qu’un pays divisé comme les États-Unis le sont aujourd’hui n’aurait pas été capable d’affronter une telle tragédie et de relever ses nombreux défis. Ça me pompe l’air.

C’est vrai que les États-Unis ont connu un rare moment d’unité après les attentats. Même le quartier new-yorkais où j’habite, East Village, longtemps connu pour son attitude marginale et rebelle, s’est mis à accrocher la bannière étoilée à ses fenêtres et à saluer respectueusement policiers et pompiers, qui avaient démontré un si grand courage en tentant de sauver des vies avant l’écroulement des tours jumelles.

Un mois plus tard, cette unité se reflétait dans un sondage réalisé par le Pew Research Center. L’étude indiquait notamment que 60% des Américains faisaient confiance au gouvernement fédéral pour faire ce qui est juste « la plupart du temps ou tout le temps » – un niveau qui n’avait pas été atteint au cours des trois décennies précédentes et qui n’a pas été approché au cours des deux décennies suivantes.

C’était l’époque où George W. Bush répétait que les attentats étaient une attaque contre la « civilisation », la « liberté », l’« humanité » et le « monde libre ». C’était aussi l’époque où l’ancien gouverneur du Texas, fort de la plus haute cote de popularité de sa jeune présidence, lançait une guerre contre le terrorisme dont la face plus ou moins bien cachée – les prisons secrètes de la CIA, la torture à Abou Ghraib et à Guantanamo, les assassinats ciblés, la surveillance illégale, etc – allait bafouer les valeurs qu’elle était censée défendre.

C’était aussi l’époque où le président républicain, influencé par son sombre vice-président et une cabale néo-conservatrice, envahissait le premier des deux pays où les États-Unis devaient s’enliser au-delà même de ses deux mandats pour des motifs irréalistes ou mensongers.

L’unité n’a pas duré. Mais elle a duré assez longtemps pour être exploitée par des dirigeants qui ont adopté les pires choix sur presque toutes les questions liées à l’après 11-Septembre. Vingt ans plus tard, on peut certes douter que les États-Unis de 2021 seraient en mesure d’offrir de meilleures réponses à des attentats semblables. Mais, nonobstant l’absence d’une répétition du 11-Septembre depuis 2001, pourraient-ils vraiment faire pire? Vous pouvez tenter de me convaincre du contraire.

Et paix aux âmes des victimes.

(Photo AP)