Le blogue de Richard Hétu

La Chambre des représentants à majorité républicaine tiendra un vote ce jeudi ou la semaine prochaine pour interdire à la représentante démocrate du Minnesota Ilhan Omar du siéger au sein de la prestigieuse commission des Affaires étrangères de la Chambre. Il faut voir dans ce vote une volonté de la part des républicains de se venger de votes tenus par la Chambre à majorité démocrate en 2021 pour dépouiller de leurs sièges au sein de commissions de la Chambre les représentants Marjorie Taylor Greene et Paul Gosar à la suite de la publication de messages et d’images de nature violente sur leurs réseaux sociaux.

Que reprochent les républicains à Ilhan Omar, l’une des deux représentantes musulmanes de la Chambre, et la seule à porter le foulard ? La résolution visant à la priver de son siège au sein de la commission des Affaires contient plusieurs griefs, dont les propos jugés antisémites qu’Omar a tenus après son entrée à la Chambre, en 2019. L’élue progressiste a notamment déclaré sur Twitter que les alliés américains d’Israël étaient influencés par « les Benjamin », une allusion aux billets de 100 $. Elle a par la suite présenté des « excuses sans équivoque » pour ce qui est considéré comme un stéréotype antisémite. Elle a aussi rétracté ses propos dénonçant les « crimes contre l’humanité » et les « atrocités » commis par « les États-Unis, le Hamas, Israël, l’Afghanistan et les talibans ».

Le vote contre la représentante Omar intervient au moment où Marjorie Taylor Greene poursuit son ascension spectaculaire au sein du GOP. La représentante de Géorgie est évidemment connue pour ses propos concernant les « lasers spatiaux juifs » qui auraient causé des incendies en Californie. Elle a également rivalisé d’islamophobie avec sa collègue du Colorado Laura Boebert, qui a répété devant des partisans que l’élue musulmane était membre de la « jihad squad ». De son côté MTG a accusé Omar d’être « assoiffée de sang », « pro-al-Qaïda » et « essentiellement une apologiste des terroristes islamistes ». Donald Trump a également attaqué à de nombreuses reprises cette native de la Somalie, arrivée aux États-Unis en tant que réfugiée et élue trois fois dans sa circonscription de Minneapolis.

En somme, Ilhan Omar est probablement la représentante qui a fait l’objet de la haine la plus féroce en raison de ses opinions, de sa couleur et de sa religion. Les menaces de mort à son endroit sont si nombreuses que la police du Capitole lui a procuré une protection spéciale le 6 janvier 2020, une exception à la règle pour une élue de son niveau. Elle est en outre la seule représentante à avoir accompagné les chefs de file démocrates et républicains du Congrès dans un abri spécial pendant l’insurrection.

Au début de la semaine, il semblait qu’une poignée de représentants républicains avaient l’intention voter contre la résolution visant Omar. Ce scénario semble avoir été écarté. N’empêche : le représentant républicain de Floride Matt Gaetz pourrait tenir tête à Kevin McCarthy en refusant d’infliger ce châtiment à sa collègue démocrate. Lors d’une interview télévisée, il a déclaré que les républicains veulent la punir « parce qu’ils n’aiment pas ce qu’elle a à dire ».

Le journaliste Peter Beinart, qui est aux antipodes de Gaetz sur le plan politique, est arrivé à la même conclusion dans un article où il évoque le travail de la représentante Omar au sein de la commission des Affaires étrangères. Travail qui la conduit souvent à être la seule à souligner la distance – et parfois le gouffre – entre les idéaux américains et la politique étrangère des États-Unis.

« Les détracteurs de Mme Omar pourraient dire que tout cela reflète son anti-américanisme, écrit Beinart. Ils ont tort. Mme Omar parle avec idéalisme de “l’autorité morale que les États-Unis exercent sur la scène mondiale lorsqu’ils défendent les droits de l’homme”. Elle reconnaît simplement – comme beaucoup de gens dans le monde – que les États-Unis n’exercent pas cette autorité morale aussi souvent que nos dirigeants le prétendent. »

(Photo CNN)