Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

Dans la foulée du meurtre de Floyd George à Minneapolis, l’État de Californie a mis sur pied, via une loi promulguée par le gouverneur Gavin Newsom, un groupe de travail pour envisager des réparations concrètes aux citoyens noirs pour remédier aux effets économiques durables de l’esclavage et du racisme. Pendant plusieurs mois, le groupe de travail a recueilli des témoignages qui lui ont permis de produire un rapport de 600 pages qui sera remis au parlement californien au début de 2023. Devraient s’y retrouver des recommandations pour des réparations.

Certaines localités ont déjà entrepris un travail semblable, mais la Californie est le premier État à le faire. L’une des recommandations du groupe de travail devrait porter sur une restitution pour remédier à des décennies de discrimination raciale en matière d’habitation. Dans un rapport préliminaire publié cette année, le groupe de travail a déjà expliqué comment les Noirs réduits à l’esclavage ont été forcés de venir en Californie à l’époque de la ruée vers l’or et comment, dans les années 1950 et 1960, les clauses restrictives à caractère racial et le redlining ont forcé les Californiens noirs à vivre dans des ghettos dans la plupart des grandes villes de l’État.

Or, au cours des derniers jours, les médias ont fait état du montant des réparations calculé par le groupe pour remédier à la discrimination en matière d’habitation : 223 000 $ par personne éligible. Ce montant a été obtenu en examinant les écarts en matière de logement et en estimant le montant approximatif de la richesse perdue entre 1933 et 1977. Selon le groupe d’experts de l’État, les Noirs californiens ont perdu 5 074 $ par an sous l’effet des politiques de logement discriminatoires.

Tous les Noirs de Californie ne seraient pas éligibles à des réparations. Le groupe de travail a limité les personnes éligibles aux descendants des Noirs libres ou réduits à l’esclavage qui se trouvaient aux États-Unis à la fin du 19e siècle. Il étudie par ailleurs la manière dont les réparations devraient être distribuées – certains sont favorables à des bourses d’études et des aides au logement, tandis que d’autres souhaitent des paiements directs en espèces.

Des réparations pourraient également être versées pour remédier aux effets de l’incarcération massive des Noirs, les saisies immobilières injustes, la dévalorisation des entreprises et les soins de santé de moindre qualité. Le montant total des réparations pourrait s’élever à 569 milliards de dollars.

Le sujet des réparations aux Noirs pour remédier aux effets de l’esclavage et du racisme est énormément controversé aux États-Unis. Rien ne garantit que le parlement de Californie donnera suite aux recommandations du groupe du travail. Mais ce débat n’est plus que théorique.

(Photo The New York Times)

17 réflexions sur “Des réparations pour les Noirs de Californie ?

  1. Mona dit :

    L’Amerique avec toutes ses contradictions et sa morale en grand écart…
    Merci quand même de cette info @Richard Hetu.
    La simple reconnaissance serait un bon en avant colossal suivi d’égalité de droit et de chances …
    Je rêve !

  2. probert dit :

    La « réparation » la plus réaliste et la plus souhaitable est d’assurer une opportunité égale de réussite aux communautés noires et blanches. Et la meilleure façon d’y parvenir est par le système d’éducation. Faire en sorte que les concernés puissent avoir accès à l’éducation collégiale et universitaire à un coût abordable pour eux.

  3. Apocalypse dit :

     » 223 000 $ par personne éligible…. »

    Envoyer un chèque de ce montant à « DES » membres de cette communauté, pas certain que ce soit une bonne idée; on peut se demander si cela ne va pas créer plus de problèmes que d’en régler?

    Je suis bien d’accord avec ‘Mona – 09:45’: « La simple reconnaissance serait un bon en avant colossal suivi d’égalité de droit et de chances … » serait un bon pas.

    On pourrait faciliter l’accès au logement, à la propriété, aux études supérieures avec des programmes financés par l’Etat. 🤔

    1. MarcB dit :

      Bien d’accord! Donner un gros chèque plutôt que d’investir dans les infrastructures ou bourses scolaires est un cadeau empoisonné. Au Québec, on peut penser aux Lavigueurs qui, ayant gagné 7.5M$ à la loterie, ont dépensé sans compter, et se sont retrouver sans le sous quelques années plus tard.

      223k$ c’est beaucoup, mais en même temps c’est peu. Cet argent peut servir pour une mise de fond pour une maison ou entreprise, pour étudier dans les meilleures écoles. Mais ce n’est pas assez pour passer une vie d’oisiveté. Et combien de gens vont simplement gaspiller cette somme dans « un gros pickup full equipped » et en party 24/7?

      Et de faire une distinction entre les noirs descendants d’esclaves, et les noirs « fraichement arrivés » en Californie qui ont eux aussi subit la discrimination du siècle dernier risque de créer deux classes de citoyens basé sur des ancêtres qu’ils n’ont jamais connu.

      1. Richard Hétu dit :

        J’ai ajouté une phrase concernant la façon dont les réparations pourraient être distribuées : «Il (le groupe de travail) étudie par ailleurs la manière dont les réparations devraient être distribuées – certains sont favorables à des bourses d’études et des aides au logement, tandis que d’autres souhaitent des paiements directs en espèces. »

  4. POLITICON dit :

    Il faut s’attaquer au racisme systémique bien encré dans plusieurs états afin d’éviter que le passé revienne. De Santis et d’autres gouverneurs ont commencé par passer des lois et vider les bibliothèques scolaires qui contiennent certains mots. Recul pour les femmes dans plusieurs états. Évidemment, les woke ne sont pas les bienvenus.

    S’il y a enfin réparation pour les citoyens noirs, que se passera t-il pour les premières nations? Le racisme systémique, c’est aussi privilégier un groupe de victimes plutôt qu’un autre. Lorsqu’une population s’attaque au remord de conscience collective, elle doit s’assurer d’une certaine équité dans un premier temps.

  5. Gilles Morissette dit :

    Envoyer du fric aux membres des communautés noires est certes un geste louable qui compensera (un peu) pour les injustices subis.

    Cependant, il faudra aller plus loin, beaucoup plus loin si on veut vraiment s’attaquer aux sources du problèmes.

    Mettre fin au racisme systémique, aux injustices sociales dont sont victimes les Afro-Américains ainsi que d’autres comunautés (ex. les autochtones) par des actions législatives comme une réforme des institutions dont la police, les services publics, le système d’éducation, etc.

    Ne pas faire comme en Floride où on cache aux jeunes, enfants les histoires pas très glorieuyses sur le racisme et où on expurge des bibliothèques, des livres, des mots qui pourraient « offenser » certaines oreilles sensibles.

    Dire et montrer la réalité, même si elle n’est pas toujours belle, afin que l’on puisse apprendre de nos erreurs et ne pas les répéter, serait déjà un bon début.

    C’est certes un travail de longue haleine qui demandera temps, argent et énergie mais il faut bien commencer quelque part.

    C’est, à mon avis, la seule façon d’y arriver.

  6. garoloup dit :

    L’enfer est pavé de bonnes intentions.
    Ce projet sera inapplicable pour plusieurs raisons, dont la difficulté à départager deux catégories de Noirs, soit ceux dont les aïeux ont habité la Californie des autres venant des divers États depuis moins de temps. Il y a aussi les montants faramineux de réparation qui causeront des chicanes et des jalousies entre diverses classes de citoyens…
    Pourquoi ne pas améliorer les conditions de ces gens en favorisant l’accès gratuit à l’éducation jusqu’à l’université? …et faire des prêts sans intérêt sur l’achat d’une maison?

    1. xnicden dit :

      👍

  7. Planifier de réparations alors que des personnes lésées sont toujours vivantes et que les dommages sont assez faciles à évaluer semblent être une bonne chose. Mais on est ici en terrain glissant. Jusqu’où recule-t-on ? Les enfants, petits-enfants de personnes lésées vont aussi vouloir un dédommagement. Et que faire des peuples autochtones à qui on a volé le territoire. Les asiatiques ont aussi servi de main d’œuvre bon marché pour la construction du rail vers le Pacifique.

    J’ai la même réserve pour la discrimination positive, quand on commence on ne sait plus où arrêter. Même si à la base c’est un principe pour améliorer la justice. Mettre un quota de femmes, noirs, c’est un début. Mais quand on pousse la logique, il faudra mettre dans la balance tous les groupes — LGBTQ+, races, origines ethniques, etc. — ça devient un casse-tête impossible à résoudre. Par exemples, avoir un corps policier ou une chambre de politiciens qui représentent exactement les groupes qu’ils desservent demeure une utopie.

    Drôle de pays qui a des états qui travaillent à des lois réparatrices et d’autres s’acharnent à brimer ce qui semble être un acquis fondamental, le droit de vote.

    1. xnicden dit :

      J’ai des réserves similaires aux vôtres.

  8. Louise dit :

    C’est un gros, gros problème auquel s’attaque le gouverneur Newsom.
    Mais comme on dit, on mange un éléphant une bouchée à la fois, il faut bien commencer quelque part.
    Cependant je ne suis pas certaine que la solution proposée par la Californie soit la meilleure. Elle m’apparaît plutôt comme une source de chicanes à n’en plus finir qui va retarder ou même annuler les actions qui ont pour but la réparation des injustices faites aux noirs. À mon avis, le modèle proposé va encore créer de la discrimination.
    Je souscris à la solution proposée par garoloup:
    « Pourquoi ne pas améliorer les conditions de ces gens en favorisant l’accès gratuit à l’éducation jusqu’à l’université? …et faire des prêts sans intérêt sur l’achat d’une maison?

  9. xnicden dit :

    « Le groupe de travail a limité les personnes éligibles aux descendants des Noirs libres ou réduits à l’esclavage qui se trouvaient aux États-Unis à la fin du 19e siècle. »

    Juste vérifier qui rencontre ces critères serait un immense casse-tête…Avec les déménagements à travers tout le pays au fil du temps, retracer qui habitait où et quand ne sera pas une sinécure…La classe moyenne pourra se payer des spécialistes en généalogie mais sans doute pas les pauvres.

  10. Toile dit :

    S’il fallait chiffrer une somme compensatoire pour la communauté noire sur la base du sang versé, de lynchages, d’exploitation, d’esclavage en lien avec la contribution à la richesse du pays, on remonte à quand ? A la constitution du pays? Ils y etaient. Et ma foi, leur part devrait être supérieure. Oublions l’effet de l’intérêt composé. Sans dénigrer pour autant, à ce compte faudrait aussi inclure l’extermination des communautés indiennes, présentes sur le territoire avant tout le monde. Mais est ce une bonne avenue pour assurer une paix ? J’en doute. La reconnaissance d’un discrimination systémique avec mesures concrètes dans l’education, la santé et surement la justice me semble plus garantes. Le hic, c’est ces communautés de segrationistes qui foisonnent actuellement, une montée en puissance partout dans le monde. C’est déjà ca de pris.

  11. Manno dit :

    Tous les commentaires évoqués nous mènent vers des pistes de solutions. Toutefois, je me demande comment peut-on réparer des décennies d’injustices subies par la communauté noire qui ont eu des conséquences désastreuses sur des familles entières?… Je crois que l’on doit donner des moyens à ces familles pour se sortir de la pauvreté et ça prend de l’argent. Les familles vont pouvoir vivre décemment et envisager de briser le cycle de la pauvreté. En ayant aussi les mêmes possibilités que les enfants blancs américains, les enfants afroamericains peuvent espérer un meilleur avenir pour leurs futurs progénitures…

  12. sousmarin dit :

    Cela va créé tout simplement un niveau de discrimination supplémentaire entre les noirs qui ont droit aux réparations et les autres (pas seulement les noirs mais les autochtones, ainsi que les autres minorités).
    Et pourquoi commencer à 1933 ?
    Et les noirs qui ont « réussi » professionnellement, on leur donne également la prime ?
    Après, on peut également dire que naître dans telle ou telle famille, ou tel ou tel quartier, est particulièrement discriminatoire (mauvais environnement, mauvaises écoles, parents absents, indifférents, voire drogués et (ou) violents ou pires encore…) !
    Enfin et surtout, ce n’est pas les discriminés que l’on indemnise mais les enfants, les petit-enfants, voire les arrière-petit-enfants des discriminés, et, parmi eux, ceux qui ont déjà bénéficié de la discrimination positive…

    La Californie ferait bien mieux de mettre cet argent dans des programmes sociaux afin d’aider ceux qui en ont besoin maintenant.
    Et puis, puisque l’état a besoin d’argent, on pourrait faire l’inverse, afin de financer les programmes sociaux, et faire payer ceux qui ont tout eu sur un plateau d’argent depuis leur enfance ; une forme de discrimination négative !

    1. garoloup dit :

      Dans un pays « normal », les plus riches financent par leurs taxes et impôts élevés une bonne partie des mesures sociales.
      Mais ux USA, les plus riches ne payent souvent qu’un impôt minime.. et là je pense à un gros lard au toupet orange.

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