Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

George Whitlow est la vedette de mon voisinage, Columbia Heights. À toute heure de la journée, on peut le voir circuler sur son vélo aux lumières LED multicolores. Il parle à tout le monde. Il sourit. On se demande où l’homme prend toute cette énergie. Mais, avant même de voir ses lumières stroboscopiques, on entend de très loin ses haut-parleurs.

On associe souvent nuisance sonore et jeunes. Mais George, même s’il reste discret sur son âge, a plus de 60 ans. Possiblement 70.

Au printemps dernier, j’avais glissé dans un billet les manifestations organisées à Washington après qu’on ait voulu taire la musique d’un commerce local. On y jouait de la musique go-go, un type de funk typique de la région et apprécié d’une population afro-américaine plus âgée.

Si tous les gens ne sont pas aussi visibles que George, il est fréquent que des personnes âgées mettent leur stéréo à fond sur les places publiques du quartier. Ce matin, sur la petite place, à la sortie du métro, une dame dansait avec sa marchette, encouragée par d’autres sexagénaires.

Pour beaucoup de nouveaux résidants des édifices modernes, c’est une nuisance.

Assis sur un banc, Remy Jones, un retraité n’est pas d’accord. Il y a une décennie, plusieurs familles afro-américaines et latinos habitaient les maisons de ville de mon voisinage. À ce moment, il était fréquent de se rassembler sous le porche des maisons colorées pour écouter de la musique, boire une bière et faire griller de la viande sur le BBQ.

Puis, lorsque les prix ont monté et que plusieurs familles n’arrivaient même plus à payer leur compte de taxe, le quartier s’est rapidement peuplé de nouveaux visages au portefeuille mieux garni. Plusieurs moins nantis ont bougé dans l’extrême banlieue washingtonienne.

Entre les maisons de ville, des immenses HLM aux loyers contrôlés. Comme celui de Remy. Pour plusieurs personnes âgées, déménager veut dire abandonner un loyer modique. Ces locataires, qui jadis pouvaient sortir de leur isolement pour aller voir leurs voisins, se retrouvent désormais isolés dans des appartements mal entretenus, dont les propriétaires attendent leur décès pour revendre et mettre fin au statut modique.

La musique go-go, c’est un peu un dernier pied de nez à l’embourgeoisement. S’il n’y a plus les BBQ et les amis avec leur porche chaleureux, il reste la musique. C’est pourquoi George et une panoplie de voisins grisonnants militent. Derrière la musique go-go, c’est aussi le drame de toute une génération qui est née dans le quartier et dont la trace sera bientôt effacée.

(Photo DCList)

18 réflexions sur “Marchette et musique go-go

  1. gl000001 dit :

    La musique adoucit les moeurs !!
    Ou « Le moujik adoucit les morses » pour les plus vieux qui se rappellent de Symphorien et Ephrem !!

    1. Haïku dit :

      gl000001
      Bon rappel. 😉

  2. A.Talon dit :

    «dont les propriétaires attendent leur décès pour revendre et mettre fin au statut modique.»

    La loi de la jungle accorde toujours priorité aux «Vraies Affaires» sur les petites gens. Suffit de bien enrober de sucre la pilule toxique pour la faire avaler aux plus démunis de la société.

    https://www.ledevoir.com/politique/quebec/401649/ensemble-on-s-occupe-des-vraies-affaires-le-nouveau-slogan-du-plq

  3. MarcoUBCQ dit :

    Petite précision pour tous: LED (Light Emitting Diode); en français: DEL (Diode Électro-Luminescente).

  4. gigido66 dit :

    L’embourgeoisement d’un quartier détruit le tissu social de la vie de vieilles communautés de gens sans beaucoup de revenus. Comme il est écrit, après que ce phénomène s’est installé, viennent les plaintes pour le bruit qui ne correspond plus à la nouvelle culture qui s’y est imposée. Les nouveaux maîtres des lieux veulent façonner leur environnement à leur goût. Les nouveaux propriétaires savent qu’à un moment donné, ils obtiendront ce qu’Ils désirent.
    À un autre niveau, le même phénomène se produit quand les citadins décident de s’installer en campagne et se plaignent, par la suite, des odeurs de fumier!🤷‍♀️La campagne finit par ratatiner.

    1. kintouai dit :

      Pas que les odeurs de fumier. D’aucuns cherchent même des noises à des coqs parce qu’ils chantent trop tôt. Témoin ce procès hallucinant en France, dont l’accusé était un coq appelé Maurice :https://www.youtube.com/watch?v=6GxpFx6mbN4

  5. lisois dit :

    Que sont devenus les petites gens de mon enfance, ceux qui se berçaient sur leur perron et placoter avec leurs voisins qui passaient. .

  6. treblig dit :

    Une recherche éclair sur internet permet de savoir qu’un loyer de 900 pi2 coûte en moyenne 2 500$ usd ( 3 200 $ can. approx) au centre de Washington soit entre le double ou le triple des appartements \ condos du centre de Montréal construits dernièrement.

    Alors oui, sans larme de crocodile, l’embourgeoisement est une réalité incontournable. San Francisco, forme ultime de l’embourgeoisement, est un paradis de logements à 2 millions ou les pauvres (et les moins pauvres ) sont éjectés loin dans la banlieue.

    L’offre et le demande, ressort du capitalisme, est la loi.

    1. Lecteur-curieux dit :

      Pour les économistes libéraux néoclassiques, les problèmes viennent beaucoup plus dans leur vision réductionniste, des interventions gouvernementales mal avisées que des marchés et ils n’ont pas complètement tort bien que c’est juste une partie du bien-être commun mesuré sur leurs graphiques et qu’ils présentent comme le tout. Les médias suivent leur vision maintenant quand c’est plus s’opposer aux tarifs douaniers de Trump mais pas en habitation.

      Leur vision est quoi ? Plutôt que des règlementations pour contrôler les loyers et avoir aussi des logements à loyers modiques par règlements il faut plutôt leur verser une allocation au logement et/ou avoir un programme de revenu minimum garanti.

      Autre version du capitalisme mais là renouvelé ? Il faudrait beaucoup plus de coopératives d’habitation plutôt que des logements gouvernementaux ou encore ceux avec des propriétaires privés agissant pour se conformer à la loi mais qui veulent s’en défaire et c’est pareil en protection du patrimoine ils acquièrent le bâtiment et ne l’entretien ment pas du tout ou au minimum et en laissant le terrain prendre de la valeur. Le gouvernement qui se dit à gauche et en fait un complice des spéculateurs et des affairistes et même les militants mais eux plus involontairement. Forcer quelqu’un à agir contre son intérêt cela ne fonctionne pas ou assez peu.

      Pour une coopérative qui fonctionne ? Il faut vraiment une véritable implication et de plusieurs. Ce véritable esprit ne semble durable que dans des exceptions sinon c’est plus temporaire. Et même que ce serait temporaire cela peut la peine de tenter le coup ?

      Dans les années ’70 mon père allait dans une coopérative de consommateurs et il était membre et faisait du bénévolat . On a vu des coopératives de travailleurs aussi dans des restaurants et bars. Alors que la coopérative étudiante au Cégep ou à l’université, c’est trop gros et on perd de l’esprit et que dire de Desjardins ? Il y en a encore un peu dans les caisses locales mais sinon ?

      Quelle vision est la bonne ? L’affairisme n’est pas le capitalisme et encore moins les corporate bums s’enrichissant avec la très grande complicité de l’ État.

      Le marché n’est même pas en situation de concurrence. L’ État aide la création de rentes économiques plutôt que la concurrence devrait faire disparaître.

      Les monopoles et les oligopoles sauf pour les situations inévitables ne sont pas le modèle de la concurrence.

      Le hic ? Aucun modèle ne correspond à la réalité suffisamment. Voilà pourquoi il faut tous les regarder plutôt que choisir son camp en idéologue ou en partisan politique.

      Ah… Des plans pour rester qu’un éternel étudiant et/ou n’avoir qu’une faible influence ou avoir des gens d’accord mais disant que ce serait trop beau pour être vrai.

      Des coopératives d’habitation il doit y en avoir pareil qui réussissent et aux États-Unis aussi ?

      Le milieu qui réussit à se prendre en main plutôt qu’attendre un sauveur ou bien une action de l’ État. Parfois il n’y a rien à faire, l’inévitable va se produire alors ils montrent qu’ils sont encore là et existent toujours. Nos anciens petits commerçants aussi.

      Et étant pour certains plus des quasi-artisans. Donc c’est une culture qui se perd et parfois renaît sous une autre forme des décennies plus tard. Hey les jeunes des aïeux seraient fiers de vous.

  7. V-12 dit :

    En 1991, j’avais été voir le film Boyz N the Hood et cette scène me revient à l’esprit parce qu’elle m’avait marqué;

    https://m.youtube.com/watch?v=yOd6xWF7p7k

    Surtout aux USA, on a laissé pourrir beaucoup de villes depuis le milieu des années ’80. Certaines, comme Détroit, Chicago, pourissent toujours, d’autres, comme New York, Atlanta, ont graduellement remonté la pente. Le prix à payer était de gentrifier la ville pour en sortir les pauvres. C’en est devenu une mode qui continue toujours. Purifier la ville de sa « racaille »…

    Si vous aller voir le petit vidéo, portez attention à la phrase ou il parle de l’Iowa, ca vous en dira beaucoup sur l’attitude derrière cette putréfaction volontaire des villes.

  8. 430a dit :

    C’est ainsi qu’on peut se retrouver exilé dans son propre pays. Réfugiés économiques, climatiques ou politiques. Des centaines de millions.

  9. Haïku dit :

    Le yé-yé du « British Invasion » ?

  10. Haïku dit :

    « Si on considėre le rapport poids/décibel, le rendement sonore d’une mouche surpasse celui d’un avion « Air Force One. »

  11. Lecteur-curieux dit :

    Cette gentrification ou embourgeoisement est probablement inévitable mais…

    Il n’y a aucun esprit communautaire ou de respect pour la culture.

    Ce n’est pas nouveau ce que plusieurs voient comme une manifestation du capitalisme.

    Voyez aussi un phénomène lié et il y a 50 ans disons, les supermarchés entraînant la disparition des épiciers-restaurateurs, petits épiciers de quartier ou encore juste vus comme des dépanneurs mais ensuite ce sera juste des grosses chaînes. La vie de quartier change.

    Dans cette vision de l’homme économique du libéralisme néoclassique, l’individualisme n’en est un que de façade et dire que des gens dénoncent l’individualisme alors qu’il y en a moins… Cela isole et standardise.

    Des anciens sans appuyer le disaient plus fatalement :  » les gros mangent les petits.  » Des capitalistes eux alors disent donc que c’est la nature mais pas vraiment ou juste une part. Les humains sont tous de la même espèce et pour les animaux, le comportement des espèces est en bout de piste respectueux de l’écosystème.

    La version du capitalisme appliquée reposant sur une vision réductionniste détruit l’environnement et le social.

    Les nouveaux venus ne connaissent pas le quartier ni sa culture, ils regardent les prix et la proximité avec des services. Habitent-ils, vivent-ils vraiment dans le quartier ?

    Et pour la destruction de la vie de quartier, on revient encore à l’automobile et son usage intensif. Un symbole de liberté ? Au départ ou comme des anciens n’ayant qu’une voiture à la préretraite ou à la retraite pour les loisirs. L’homme n’était pas un habitant du plateau mais un ouvrier en région. Lui locataire toute sa vie et déménagé dans le Montréal métropolitain et là avec sa voiture il y a des 40 ans.

    Les petits commerces qui disparaissent aussi… C’est arrivé dans plein de villes et même avant le Dix30. Et juste caché du Dix30 cachées par les quelques arbres vous avez des maisons patrimoniales de Brossard. Peu de gens semblent connaître leur existence ou s’en soucier mais aux dernières nouvelles, elles y étaient toujours.

    Autre illustration ? La Soupe aux choux au début des années ’80 avec Louis de Funès et Jean Carmet. Et on voit le promoteur immobilier. Cela vient avec le progrès économique ? Un véritable progrès ? En partie si seulement cela se faisait de façon plus respectueuse et avec une transition.

    Le tissu social n’est plus dans la vie de quartier et au Québec le cœur des villes étaient proches de leur église ou la plus grosse.

    Autre manifestation? Les centre-ville des plus petites villes se vidant. Et les Colocs le chantaient déjà.

    Des phénomènes donc existant depuis des décennies et ce n’est qu’une autre de ces formes. Et parfois c’est l’ État qui arrive avec un gros projet et chamboulant la vie de beaucoup de gens.

  12. Lecteur-curieux dit :

    Ces gens devenus âgés pour nous étaient archi-cools bien que dans une culture différente mais pour ceux plus de la communauté noire on en rencontrait à Montréal au Terminus Voyageur. Sinon George peut être plus jeune ou du même âge qu’un enseignant au primaire décédé cela ne fait qu’un an et quelques mois.

    Des pieds de nez lui aux injustices de la vie il savait en envoyer. Un enseignant plus jeune l’ayant eu comme mentor appelait cela du cynisme positif. En 1982 nos enseignants avaient pareil fait la grève.

    Le cynisme positif n’est pas du fatalisme négatif, c’est d’accepter que certaines choses on ne les changera pas et trouver un moyen de passer au travers ou de faire un pied de nez ou d’avoir un sens de l’humour redoutable donc avec un côté rebelle. L’enseignant plus jeune pense à son mentor nous notre ex- enseignant et il retrouve son courage. Sans humour et sans parfois ne pas suivre les règles à la lettre cela va être le burn-out.

    Évidemment les enseignants ne peuvent pas prendre les mêmes libertés qu’à l’époque comme fumer une gitane en classe.

    Tous des gens vus comme cools versus mes parents plus de la génération silencieuse et qui auraient autour de 80 ans. N’empêche que des membres de cette génération et parfois même les parents eux-mêmes étaient moins conformistes que les suivants tout en restant dans la tradition ou pas.

    C’est comme mon oncle plus âgé né allez en 1939 versus celui né en 1949. Le plus indépendant d’esprit était celui né en 1939. N’a jamais mis les pieds dans un McDo par exemple, jamais il n’allait encourager cela. Une cabane à patates locale là oui et le bowling là cela faisait partie d’eux et une femme les fréquentait aussi. Toute une joueuse de bowling et dédiant sa vie au hockey sur glace.

  13. Lecteur-curieux dit :

    Les gens peuvent être décédés mais il reste toujours des traces ou fragments pour ceux s’intéressant à l’Histoire.

    Et cela peut inclure les immeubles toujours débours. C’était un ancien cinéma cet endroit et des élèves s’y rendaient à pied toute la classe ensemble.

    Voyez ici cette pierre de béton dans le sol ? C’était l’entrée d’un magasin ici.

    Voyez tel endroit… Avez-vous connu tel homme en région ? Il était toujours à vélo et même début des années ’70 il se promenait avec son cheval et un petit buggy disons. Auparavant cet homme était laitier et avec un cheval. Dans les années ’50 ou même ’40 ?

    Les transformations économiques et sociales ne sont pas nouvelles mais on ne pourrait pas les faire plus en douce ?

    Le Dix30 ne n’allume pas moi mais d’autres ont de l’emploi grâce à ce centre. Bien ils pourraient travailler ailleurs aussi mais eux c’est là. Le plus vieux comme moi continue d’aller au Mail Champlain et parfois à Place Portobello. Pour les petits commerçants c’est la génération avant que le lien était plus fort.

    Mais cela prend tiens une société historique. Pour garder quelque chose du passé et en être fier et avec le bon et le moins bon.

    Non pas vivre dans le passé mais le respecter et en tirer des leçons.

  14. P-o Tremblay dit :

    Je comprends le drame des personnes qui doivent quitter leur logement et aller vivre dans des HLM mal entretenu mais la musique go-go narrangera rien. Qu’ils militent pour de meilleur logement pas pour pouvoir écouter de la musique.

    A noter aussi que même si c’est beau et d’un certain romantisme, c’est pas pcq à l’époque ils faisaient ça sans le quartier qu’il faut automatiquement respecter ça. Les gens qui achètent des maisons dans ces quartiers ont le droit au quartier version 2019 et non à un lointain souvenir qui justifie de les attaquer à la pollution sonore. J’ai une petite famille et moi sa m’emmerderais. Si cela avait été la norme je n’aurais juste pas acheter dans ce quartier, mais là… pour moi ça n’a pas sa place.

    N’oubliez jamais que l’embourrgeoisement c’est pas la faute des locataires, mais bien des promoteurs. Les gens qui y vivent eux, ont juste acheter une maison ou louer un espace qui leurs semblaient bien pour eux et leur famille, comme nimporte qui.

  15. Apocalypse dit :

    HS – Très intéressant, et troublant, article de M. Hétu dans La Presse ce matin:

    https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201909/08/01-5240378-apartheid-scolaire-a-new-york.php

    Encore une fois aux Etats-Unis, l’art de se tirer dans le pied.

    Il serait intéressant d’avoir un billet pour échanger sur le contenu de cet article.

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