Le blogue de Richard Hétu

Un document des services de renseignement américains ayant apparemment fait l’objet d’une fuite révèle que le président de l’Égypte Abdel Fatah El-Sisi, l’un des plus proches alliés des États-Unis au Moyen-Orient et l’un des principaux bénéficiaires de l’aide américaine, a récemment ordonné à ses subordonnés de produire jusqu’à 40 000 roquettes destinées à être expédiées clandestinement à la Russie. Le Washington Post affirme avoir déniché le document sur la plateforme Discord, où d’autres documents du Pentagone ayant apparemment fait l’objet d’une fuite ont été publiés récemment.

Le document concernant l’Égypte aurait été préparé le 17 février dernier par les renseignements américains et fait référence à une conversation du président égyptien remontant au 1er février. On y apprend que l’allié prétendu des États-Unis a précisé à son subalterne que la production des roquettes devait rester secrète « pour éviter des problèmes avec l’Occident ». Peine perdue. Tout indique que les renseignements américains ont réussi à intercepter cette conversation, si le document est véridique.

En réponse à une question du Post sur la véracité des informations contenues dans le document, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères égyptien a réitéré la position de son pays qui « est fondée sur la non-implication dans cette crise et l’engagement à maintenir une distance égale avec les deux parties, tout en affirmant le soutien de l’Égypte à la charte des Nations unies et au droit international dans les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies. »

« Nous continuons d’exhorter les deux parties à cesser les hostilités et à trouver une solution politique par la négociation », a-t-il ajouté.

Sous le couvert de l’anonymat, un responsable américain a déclaré que son pays n’avait « pas connaissance d’une quelconque exécution de ce plan ». Et d’insister : « Nous n’avons pas vu cela se produire ».

L’histoire n’améliorera pas les relations entre les États-Unis et l’Égypte, qui pâtissent notamment des critiques américaines concernant le bilan du Caire en matière de respect des droits humains. En septembre dernier, les États-Unis ont annoncé qu’ils retiendraient 130 millions de dollars sur l’enveloppe annuelle de 1,3 milliard de dollars allouée au Caire au titre de l’aide à la sécurité, en raison de la situation des droits de l’homme en Égypte.

De son côté, l’Égypte, l’un des plus importants importateurs de blé au monde, compte plus que jamais sur la Russie pour son approvisionnement depuis l’invasion de l’Ukraine et a signé récemment avec Moscou une série d’ententes, dont l’un porte sur la construction d’un vaste atelier ferroviaire par la Russie en Égypte.

Rappelons que le ministère de la Justice a ouvert une enquête sur l’origine de la fuite apparente de documents du Pentagone. On parle d’environ 100 pages photographiées dont l’authenticité n’a pas encore été confirmée. La révélation la plus importante concerne la défense aérienne ukrainienne, qui pourrait être en péril à cause de l’épuisement de ses stocks de missiles.

Mais qui aurait intérêt à faire fuiter ces documents ? Dans un article sur le sujet, David Ignatius, spécialiste des questions de renseignement, pose les deux questions suivantes :

« Ces documents ont-ils été divulgués par les Russes pour exposer la faiblesse de l’Ukraine et briser son moral, comme cela semble le plus probable aux analystes que j’ai contactés ? Ou bien ont-ils été diffusés par l’Ukraine, comme certains blogueurs russes semblent le croire, dans le cadre d’un complot visant à faire croire au Kremlin que l’Ukraine est faible et à dissimuler ainsi ses véritables forces en prévision d’une contre-offensive prévue au printemps ? »

Selon un responsable américain anonyme cité par Ignatius, les documents du Pentagone ayant fait l’objet d’une fuite apparente semblent authentique, bien que certains aient été « falsifiés ».

(Photo AP)