Le blogue de Richard Hétu

Des dizaines de milliers d’Israéliens se sont rassemblés ce lundi devant la Knesset pour manifester contre des réformes dont l’adoption par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ébranlerait les « fondements de la démocratie » israélienne et exposerait l’État juif au danger d’un « effondrement sociétal et constitutionnel », selon le cri d’alarme du président israélien Isaac Herzog. S’invitant dans ce débat explosif, Joe Biden a déclaré de son côté que « le génie de la démocratie américaine et de la démocratie israélienne est que chacune est fondée sur des institutions fortes, des contre-pouvoirs et un système judiciaire indépendant ».

Or, selon ses nombreux critiques, le gouvernement Nétanyahou menace l’indépendance de ce système avec ses réformes, dont l’examen débute à la Knesset, le parlement israélien. Il veut mettre fin à ce que la droite israélienne dénonce depuis des années, à savoir la prétendue confiscation par les juges de la Cour suprême du pouvoir des députés démocratiquement élus par le peuple. Comment entend-il y parvenir ? De deux façons principales. D’abord, en permettant au parlement de revoter au bout de trois mois une loi ordinaire annulée par la Cour suprême, à une simple majorité de 61 députés sur les 120 que compte la Knesset. Puis, en permettant au gouvernement de contrôler la sélection des juges, nommés jusqu’à maintenant par une commission indépendante.

Selon un sondage publié vendredi dernier, plus de 60 % des Israéliens sont opposés à ces réformes qui, selon leurs critiques, rapprocheraient Israël de pays qui, eux, s’éloignent de la démocratie, tels la Hongrie, la Turquie et la Pologne.

Dans une déclaration transmise au chroniqueur du New York Times Thomas Friedman, Joe Biden s’est montré favorable à l’approche préconisée par le président israélien, qui demande au gouvernement Nétanyahou de retirer son projet de loi controversé et de lancer un débat plus large et plus serein sur une réforme du système judiciaire qui gagnerait l’appui de la majorité.

« Il est très important de parvenir à un consensus sur les changements fondamentaux afin de s’assurer que les gens y adhèrent et qu’ils puissent être maintenus », a estimé le président américain.

Pourquoi Biden se mêle-t-il d’une telle affaire israélo-israélienne ? Friedman propose une réponse : parce que les États-Unis ont l’habitude de justifier leur appui militaire et diplomatique à Israël en invoquant le fait que ce pays, à défaut de toujours promouvoir les intérêts américains, partage les valeurs américaines et représente la seule démocratie véritable au Moyen-Orient.

Les critiques d’Israël, qui dénoncent notamment son traitement des Palestiniens, estiment depuis longtemps que tout ce discours n’est que poudre aux yeux. Mais Joe Biden, vieil allié de l’État juif et interlocuteur de longue date de Benyamin Nétanyahou, y croit. Bibi défiera-t-il à la fois le président de son pays et celui des États-Unis ?

En attendant une réponse à cette question, notons que l’ancien procureur général d’Israël Avichai Mandelblit croit que Nétanyahou appuie les réformes pour des raisons personnelles :

P.S. : J’ai donné le coup de départ ce lundi matin à la première campagne de financement de ce blogue en 2023. Merci à tous ceux et celles qui ont déjà contribué, ainsi qu’aux autres qui le feront d’ici la fin de la journée !