Le blogue de Richard Hétu

La diffusion par la police de Memphis de quatre vidéos montrant l’arrestation et la torture de Tyre Nichols n’apporte aucun éclairage sur la raison pour laquelle il a été interpellé par des membres d’une unité spéciale appelée Scorpion et chargée de lutter contre la criminalité dans les points chauds de la ville du Tennessee. Les policiers impliqués dans le passage à tabac qui allait entraîner la mort de l’homme de 29 ans ont indiqué que ce dernier avait été arrêté pour « conduite dangereuse », un motif qui a depuis été mis en doute par la cheffe de la police de la ville.

Ce que les vidéos démontrent clairement, cependant, c’est le manque de professionnalisme effarant et l’inhumanité innommable des policiers, qui ont été inculpés pour meurtre au second degré jeudi, près d’une semaine après avoir été virés. En se fiant aux vidéos diffusées vendredi soir, le New York Times a établi le fil des événements qui se sont produits à partir de la première confrontation de Nichols avec les policiers, vers 20 h 34, le 7 janvier dernier. Dès le début du contrôle routier, les policiers emploient la force, tentant de clouer au sol Nichols qui dit : « Je n’ai rien fait. »

Alors qu’il est au sol et que plusieurs policiers tentent de l’immobiliser, Nichols ajoute : « OK ! je suis par terre. Vous en mettez beaucoup là. J’essaie juste d’aller à la maison. » Quelques secondes plus tard, un policier semble utiliser un pistolet électrique contre Nichols, qui parvient peu après à se libérer et à se mettre à courir pour échapper aux policiers. En aucun moment, Nichols ne se montre violent à l’endroit des policiers.

Or, il aurait commis une faute impardonnable aux yeux des policiers en prenant la fuite. Car, selon des experts interrogés par les médias, il n’y a pas grand-chose que les policiers détestent plus dans la vie que d’avoir à courir après quelqu’un qui a désobéi à leurs ordres. Ceux de Memphis ont semblé le prouver après avoir rejoint Nichols, en le torturant pendant environ trois minutes, à environ 60 mètres de la maison de sa mère. Coups de pied sur la tête, coups de bâton sur le corps, coups de poing sur la tête, tout cela pendant que Nichols n’offrait aucune résistance.

« Selon moi, c’était pire que Rodney King », a confié un expert au New York Times en faisant allusion à l’automobiliste noir passé à tabac par des policiers de Los Angeles en 1991, brutalité policière qui avait été filmée par un témoin et qui avait choqué le monde entier.

C’était pire pour plusieurs raisons, dont le fait troublant que ces événements de brutalité policière (à l’encontre des Noirs de façon disproportionnée) continuent à se reproduire sans mener à des réformes qui changent les méthodes et surtout les mentalités policières.

Pendant l’arrestation de Nichols, le micro d’une caméra corporelle fait entendre deux policiers qui semblent déjà préparer leur défense, comme le souligne le journaliste Wesley Morris. L’un dit : « Il a tenté de s’emparer de nos armes. » L’autre dit : « Il était drogué. »

Un dernier détail : vers 20 h 41, deux ambulanciers sont arrivés sur les lieux de la torture. Nichols était alors menotté depuis environ quatre minutes, grièvement blessé et placé par les policiers dans une position assise contre une auto-patrouille. Il s’écoulera 16 minutes avant que les ambulanciers ne commencent à offrir des soins à Nichols. Seize minutes. Il va presque sans dire qu’aucun policier n’a levé le petit doigt pour aider Nichols pendant tout ce temps.

Nichols est décédé trois jours plus tard à l’hôpital.

(Photo Ville de Memphis/AP)