Le blogue de Richard Hétu

« Nous ne voulons nous en prendre à personne. Nous voulons juste que ça s’arrête. » Ainsi s’est exprimé mardi le représentant républicain Jim Jordan après l’adoption par la Chambre des représentants d’une résolution créant une « commission spéciale sur l’instrumentalisation [weaponization] » des agences du gouvernemental fédéral. À en croire Jordan, membre fondateur du Freedom Caucus, groupe de représentants d’extrême droite, cette commission dont il sera le président a pour but de « protéger le premier amendement » de la Constitution américaine au moment où, selon lui, les conservateurs sont injustement ciblés par le ministère de la Justice et le FBI, entre autres. Le premier amendement garantit notamment la liberté d’expression et le droit de se rassembler.

Les républicains de la Chambre comparent cette commission à celle qui a été créée par le Sénat en 1975 sur les abus de la CIA, de la NSA, du FBI et de l’IRS. Mais la comparaison se bute dès le départ à une différence importante. En 1975, la résolution créant ce qui allait devenir la commission Church avait été adoptée par 82 voix contre 4. L’esprit bipartisan était tel à l’époque que le sénateur républicain du Texas John Tower s’était vu confier par le président de la commission, le sénateur démocrate d’Idaho Frank Church, la mission de présider certaines auditions. Cette commission avait révélé une série d’abus réels et troublants, dont les tentatives d’assasinat de Fidel Castro par la CIA et l’infiltration de plusieurs groupes civiques par le FBI.

À l’opposé, aucun démocrate n’a voté pour la résolution créant la commission de Jordan, un des républicains les plus partisans et controversés de la Chambre. « Je l’appelle la commission McCarthy, et je ne parle pas de Kevin, je parle de Joe », a dénoncé le représentant démocrate du Massachusetts Jim McGovern, en faisant allusion à la commission qui avait fait la chasse aux communistes dans les années 1950. « Cette commission n’est rien d’autre qu’un stratagème dérangé des extrémistes MAGA qui ont pris le Parti républicain en otage et veulent maintenant utiliser l’argent des contribuables pour pousser leurs complots absurdes d’extrême droite. »

L’ancien président de la commission judiciaire de la Chambre, le représentant démocrate de New York Jerrold Nadler, a ajouté : « La mission de la commission est de permettre aux républicains de la Chambre des représentants d’entraver le libre fonctionnement des enquêtes qu’ils n’aiment pas, d’inhiber la lutte contre le terrorisme intérieur et de régler des comptes politiques au nom de Donald Trump. »

Chose certaine, la commission s’est donnée des règles qui visent à lui permettre d’obtenir des informations confidentielles sur des enquêtes en cours, dont celle portant sur les efforts pour renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020. Or, un certain nombre de représentants républicains ont participé directement à ces efforts ou demandé à Trump une grâce présidentielle en raison de leur rôle.

Autre enquête explosive : celle du ministère de la Justice sur les documents de Mar-a-Lago.

La nouvelle commission veut également avoir accès à des informations hautement classifiées des services de renseignement américains. Les agences fédérales qui seront ciblées par l’enquête de la commission spéciale ne manqueront pas de contester devant les tribunaux les demandes que leurs avocats jugeront inadmissibles ou illégales.

En attendant, le représentant républicain de Pennsylvanie Scott Perry, qui est visé par l’enquête du ministère de la justice sur le 6-Janvier, ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas siéger sur cette commission. « Pourquoi devrais-je être limité, pourquoi quelqu’un devrait-il être limité, juste parce que quelqu’un a porté une accusation ? En Amérique, tout le monde est innocent jusqu’à preuve du contraire », a-t-il déclaré sur ABC dimanche dernier. « Je dirais ceci : le peuple américain est vraiment, vraiment fatigué de la persécution et de l’instrumentalisation du pouvoir fédéral utilisés contre lui. »

(Photo Getty Images)