Le blogue de Richard Hétu

Les personnes qui sont engagées dans la lutte contre les injustices raciales et sociales desservent parfois leurs causes en faisant preuve d’un dogmatisme caractérisé. Les exemples de ce dogmatisme font souvent les manchettes de nos médias et relèguent au second plan les vraies injustices qui devraient interpeller le public. Ils contribuent aussi à rendre toxique le climat au sein même d’organisations engagées dans le combat contre les inégalités.

Or, on assiste peut-être à un retour de balancier au sein même de la gauche américaine face à ce phénomème. En juin dernier, par exemple, le journaliste Ryan Grim du site Intercept a publié un dossier sur les controverses et les psycho-drames qui ont éclaté au sein de plusieurs organisations progressistes en raison de l’attitude intransigeante de leurs employés les plus jeunes qui remettaient en question le fonctionnement même de ces organisations au prétexte qu’elles perpétuaient les injustices raciales ou sociales qu’elles étaient censées combattre.

Plus récemment, Maurice Mitchell (photo), militant de Black Lives Matter de la première heure devenu directeur national du Working Families Party, a pondu un essai de 6 000 mots sur les mêmes dérapages, déplorant notamment l’exploitation par certains progressistes de l’identité raciale ou sexuelle dans des combats ou des débats qui auraient intérêt à être livrés autrement. Il ne s’adresse pas à monsieur ou madame tout le monde, mais son message fait son chemin au sein de la gauche américaine, selon cet article de la chroniqueuse du New York Times Michelle Goldberg.

Je cite dans le texte un extrait de l’essai de Mitchell (dont je souligne un passage en caractères gras) :

A growing group of new organizers and activists are becoming cynical or dropping out altogether. Most read their experiences as interpersonal conflict gone awry, the exceptional dynamics of a broken environment or a movement that’s lost its way. A “bad supervisor,” a “toxic workplace,” a “messy movement space,” or a “problematic person with privilege” are just some of the refrains echoed from all corners of our movements. Individuals are pointing fingers at other individuals; battle lines are being drawn. Identity and position are misused to create a doom loop that can lead to unnecessary ruptures of our political vehicles and the shuttering of vital movement spaces. 

Comme le souligne Goldberg, le dossier de Grim, l’essai de Mitchell et d’autres interventions du genre ne signalent pas la fin des dérapages dogmatiques. Mais c’est peut-être le signe qu’une certaine fièvre est en train de tomber.

(Photo Reuters)