Le blogue de Richard Hétu

Elon Musk a tenté jeudi soir d’expliquer la décision de Twitter de suspendre les comptes d’au moins huit journalistes lors d’une rencontre sur Twitter Spaces. Il a quitté la rencontre de façon abrupte lorsqu’un journaliste du Washington Post lui a demandé quelle était la différence entre la décision de Twitter de censurer l’histoire de l’ordinateur de Hunter Biden et celle de suspendre les comptes de journalistes qui communiquent au public d’autres façons de suivre le compte suspendu @ElonJet ou qui écrivent sur la controverse soulevée par la suspension de ce compte qui relayait automatiquement tous les déplacements du jet du milliardaire.

« Tu doxes, tu es suspendu. Fin de l’histoire, c’est tout », a répondu Musk à Drew Harwell, un des journalistes dont le compte a été suspendu, avant de quitter brusquement la rencontre.

Here is Elon’s full appearance in @katienotopoulos’ spaces with banned journalists tonight pic.twitter.com/1xPFtrVjf6

— Brennan Murphy (@brenonade) December 16, 2022

Doxer fait référence à une pratique consistant à publier sur internet des informations personnelles susceptibles de nuire à une personne. Plus tôt dans la soirée de jeudi, Musk avait déclaré sur son compte Twitter que les informations fournies par le compte @ElonJet mettait sa vie et celle de sa famille en danger.

Outre Harwell, les journalistes Ryan Mac du The New York Times, Donie O’Sullivan de CNN, Micha Lee d’Intercept, Matt Binder de Mashable ont vu leurs comptes être suspendus, de même que les journalistes indépendants Keith Olbermann, Aaron Rupar et Tony Webster, entre autres.

Le compte @ElonJet utilisait des données de vol publiques pour partager la localisation de l’avion privé de Musk. Les comptes Twitter de certains journalistes semblent avoir été suspendus pour avoir fourni à leurs abonnés les coordonnées d’autres sites, dont Mastodon, où ils pouvaient continuer à recevoir les mêmes informations de la même source.

Le New York Times fait partie des médias qui ont contesté la suspension du compte de leur journaliste qui couvre Twitter. Un porte-parole a qualifié cette décision de « discutable et malheureuse » dans une déclaration jeudi soir. « Ni le Times ni Ryan n’ont reçu d’explication sur les raisons de cette situation. Nous espérons que les comptes de tous les journalistes seront rétablis et que Twitter fournira une explication satisfaisante pour cette action. »

Dans un courriel adressé jeudi a site The Verge, la responsable de la sécurité chez Twitter, Ella Irwin, a fait état d’une mise à jour de la politique de l’entreprise qui interdit le partage des « informations de localisation en direct, y compris les informations partagées sur Twitter directement ou les liens vers une ou plusieurs URL tierces d’itinéraires de voyage ».

« Sans parler de comptes spécifiques, je peux confirmer que nous suspendrons tous les comptes qui violent nos politiques de confidentialité et mettent d’autres utilisateurs en danger. Nous ne faisons pas d’exception à cette politique pour les journalistes ou tout autre compte. »

Musk a peut-être de bonnes raisons de vouloir protéger sa famille. Mais il vient de retirer de façon arbitraire un outil qui permettait notamment aux environnementalistes de souligner l’hypocrisie des PDG qui promettent de réduire l’empreinte carbone de leur entreprise tout en se déplaçant constamment en jet privé.

En octobre 2020, des dirigeants de Twitter ont pris une autre décision controversée pour protéger la démocratie américaine, celle de censurer pendant un temps les infos sur l’ordi du jeune Biden. Celle-là, Musk ne l’a pas acceptée. Mais quand vient le temps de choisir entre la sacro-sainte liberté d’expression et la sécurité de sa propre personne, le choix semble être plus facile.

Ah oui ! j’oubliais. Au cours de la soirée de jeudi, Musk a lancé sur Twitter un de ses sondages pour savoir quand il devait rétablir les comptes suspendus des journalistes. Il l’a repris à zéro après s’être rendu compte qu’une majorité de personnes interrogées voulaient qu’il le fasse immédiatement.

(Photo AP)