Le blogue de Richard Hétu

Ça devient mêlant. Joe Biden qualifie le courant MAGA de « semi-fasciste », une expression qui rappelle le vieux dicton : « Moitié-amoureux, c’est comme moitié-enceinte ». Et voici qu’arrivent d’autres façons de tourner autour du pot après la percée historique de l’extrême-droite en Italie, certains décrivant les Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni de parti « néo-fasciste » ou, comme le fait le New York Times, de « post-fasciste ».

Ruth Ben-Ghiat, elle, refuse les faux fuyants. Pour la spécialiste américaine de Benito Mussolini, le succès de Meloni et de ses partenaires sulfureux annonce bel et bien le retour du fascisme en Italie.

« Les Fratelli d’Italia, que Meloni dirige depuis 2014, ont une familiarité sous-jacente et sinistre », écrit la professeure d’histoire et d’études italiennes à l’Université de New York dans le magazine The Altantic. « Le parti s’est formé il y a une décennie pour perpétuer l’esprit et l’héritage de l’extrême droite en Italie, qui remonte au Mouvement social italien (MSI), le parti qui s’est formé à la place du Parti national fasciste, qui a été interdit après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, à quelques semaines du 100e anniversaire de la Marche sur Rome – l’événement d’octobre 1922 qui a mis Mussolini au pouvoir – l’Italie pourrait avoir pour première ministre une ancienne militante du MSI et un gouvernement ancré dans le fascisme. Pour reprendre les mots d’Ignazio La Russa, le prédécesseur de Meloni à la tête des Frères d’Italie : “Nous sommes tous les héritiers d’Il Duce.” »

L’historienne ajoute, en faisant référence à l’obsession de Meloni pour le faible taux de natalité des Italiens (de souche, pourrait-on dire) : « Cette préoccupation nationaliste fait écho aux avertissements de Mussolini. “Les berceaux sont vides et les cimetières s’agrandissent”, déclarait Il Duce en 1927. “Toute la race blanche, la race occidentale, pourrait être submergée par d’autres races de couleur qui se multiplient à un rythme inconnu du nôtre.” La variation de Meloni sur ce thème est la “substitution ethnique”. Depuis 2017, elle a tweeté à plusieurs reprises que l’identité italienne est délibérément effacée par des mondialistes tels que Soros et des fonctionnaires de l’Union européenne, qui ont conspiré pour déclencher une “immigration de masse incontrôlée”. Le style paranoïaque de la politique italienne se traduit par des propositions xénophobes visant à refuser la citoyenneté aux enfants nés en Italie de parents étrangers et à réduire l’accès des étrangers aux prestations sociales. »

D’accord, mais les Italiens ont-il vraiment voté pour un retour du fascisme dans leur pays ? Le correspondant du Times à Rome introduit un doute dans son reportage sur le triomphe de l’extrême droite :

« Mme Meloni a passé la campagne à chercher à rassurer un public international sur le fait que son soutien à l’Ukraine était inébranlable. Elle a cherché à apaiser les inquiétudes en condamnant Mussolini, qu’elle admirait autrefois, et le passé fasciste de l’Italie. Elle a également fait des déclarations plus favorables à la place de l’Italie dans l’Union européenne et s’est distancée de Mme Le Pen et du Premier ministre hongrois Viktor Orban, qu’elle avait auparavant imités.

« Mais ce pivot était davantage destiné aux marchés internationaux qu’aux électeurs italiens, qui ne se souciaient guère de son passé, ni même de son affinité avec les démocraties illibérales. Selon les politologues, l’électorat italien ne s’est pas déplacé vers la droite, mais a eu recours à l’éternel désir d’un nouveau leader qui pourrait peut-être, et providentiellement, résoudre tous ses maux. »

Reste un fait indéniable : il souffle sur l’Europe un vent de droite qui fait renaître la peur du fascisme, comme l’illustre le quotidien français Libération sur sa une du mardi 27 septembre 2022 :

(Photo AP)