Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

« C’est moi qui parlais aux gouvernements, c’est moi qui insistais auprès des médias, c’est moi qui disais aux gens qu’ils devaient changer les règles parce que les conducteurs allaient en profiter et que les gens allaient bénéficier de tant d’opportunités économiques. Quand il s’est avéré que ce n’était pas le cas – nous avions en fait vendu un mensonge aux gens – comment pouvez-vous avoir la conscience tranquille si vous ne vous levez pas et n’assumez pas votre contribution à la façon dont les gens sont traités aujourd’hui ? »

Mark MacGann, ancien responsable du lobbying d’Uber pour l’Europe de l’Ouest, l’Afrique et le Moyen-Orient, se dévoilant dans une entrevue au Guardian en tant que responsable de la fuite à ce quotidien britannique des centaines de milliers de messages et documents internes de la société américaine qui constituent les « Uber Files » et qui sont datés de 2013 à 2017. Il reproche aujourd’hui à Uber une volonté « d’enfreindre toutes les règles et d’utiliser son argent et son pouvoir pour avoir un impact, pour détruire ».

P.S. : Le Guardian, dont les données ont été partagées avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), a levé le voile sur les pratiques douteuses d’Uber. « La violence est garante de succès », affirmait le cofondateur d’Uber, Travisr Kalanick, au moment où des membres de la direction de sa société exprimaient leurs doutes dans l’envoi de chauffeurs d’Uber dans une manifestation en France. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie sous François Hollande, aurait secrètement aidé l’entreprise à s’implanter en France.

(Illustration The Guardian)

35 réflexions sur “La citation du jour

  1. gl000001 dit :

    Ent-Uber !!

    1. Ziggy9361 dit :

      Très profondément, c’est les chauffeurs de taxi qui vont être content

      1. Haïku dit :

        @Ziggy9361
        Très bon point !

  2. ralbol dit :

    Ouais, un beau gâchis.

    Au début d’Uber, j’ai salué l’arrivée d’une nouvelle prise de pouvoir citoyenne sur le transport en commun.

    J’ai crû que les gens qui se déplacent pourraient enfin prendre comme passagers d’autres personnes, ce qui pouvait enlever des véhicules de la circulation et permettre aux chauffeurs de faire un peu d’argent…

    Naïf.

    La « business », le capitalisme s’est mis là dedans et comme tout ce que touche ce virus, ça nous à mené à la lente décrépitude de l’hôte.

    Une bonne idée de départ, tuée par les rapaces.

    Encore une.

    1. Maximilien dit :

      c’est comme airbnb, une bonne idée qui a mal tourné.

      1. gl000001 dit :

        Ca dépend ou. Certains gouvernements/villes les ont bien encadrés et ça fonctionne plutôt bien. Au Portugal entre autres (à ce que j’ai entendu dire par plusieurs amis).

  3. Boozadvisor dit :

    Bien fière de ne jamais avoir tomber dans le panneau et de ne jamais avoir utilisé cette compagnie.
    Est-ce que les chauffeurs de taxi avaient besoin de se faire secouer les puces? Absolument. Je ne les ai pas abandonnés pour autant.

    1. Dekessey dit :

      Idem.

  4. chrstianb dit :

    Dossier numérique de Radio-Canada:
    https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/4351/uber-files-france-quebec-macron
    Quand la pensée libertarienne est là pour tout détruire.

    1. Haïku dit :

      @chrstianb
      Merci pour le lien. 👌
      En effet, l’article est très révélateur !

  5. L’art de blanchir de l’argent et de passer sous le radar des gouvernements…

    Uber…RBnB… un capitalisme sauvage qui détruit des entreprises familiales un peu partout, sans nuire aux « grands »….

    toujours le même pattern …. et les gouvernements n’y voient que du feu et se réveillent 10 ans trop tard….

  6. Je me fait souvent rabrouer quand je dit que les US sont une civilization violente.
    Cela ne veut pas dire que tout le monde est violent.
    C’est que les violent ne sont pas importuné et les moins violent / les violenté l’accepte comme une réalité de la vie.

    J’ai quelque fois mentionné que les US un boss qui engeule le monde c’est normal.
    Les New-Yorkais sont fier d’etre une ville  »though ».

    Le cofondateur de Uber vient de prouver mes dire : « La violence est garante de succès », affirmait le cofondateur d’Uber, Travisr Kalanick.

    C’est la base de la mentalité des US: des relation gagnant/perdant, ou le gagnant est adulé et le perdant est le loser auquel on se donne le droit d’abusé.

    1. chrstianb dit :

      @philippe deslauriers
      «C’est la base de la mentalité des US: des relation gagnant/perdant, ou le gagnant est adulé et le perdant est le loser auquel on se donne le droit d’abusé.»
      Tiens, ça me fait penser à un ancien président de teinte orangée qui n’aurait jamais dû l’être…

    2. gl000001 dit :

      C’est un peu à cause d’eux que le mot « disruptif » est devenu à la mode il y a quelques années. Les changements radicaux sont devenus souhaitables. Nous, on se battait en informatique pour avoir un peu plus de stabilité dans nos développements et les « grands penseurs » n’avaient que ce mot en bouche. Ils nous ont fait faire des niaiseries qui ont déplu à la clientèle. Qui a eu l’air cave ? Tout le département d’informatique. Pis là, ils ont essayé d’implanter Agile pour pallier à la cassure avec la clientèle. Encore une solution magique qui ne fonctionne pas dans une compagnie sur deux.

      disruptif, disruptive adjectif
      (latin disruptum, de disrumpere, rompre)
      1. Se dit de la décharge électrique qui éclate avec étincelle.
      Économie 2. Se dit d’une entreprise, d’un produit, d’un concept, etc., qui créent une véritable rupture au sein d’un secteur d’activité en renouvelant radicalement son fonctionnement.

    3. MarcoUBCQ dit :

      Vous répétez à votre façon ce que je dis aussi: Tout aux gagnants, chanceux, privilégiés ou tout simplement habiles à intimider, harceler et forcer autrui.

    4. jeanfrancoiscouture dit :

      « La violence est garante de succès » Travisr Kalanick.

      Il a raison. Les deux intimidateurs adolescents auxquels j’ai fini par casser la gueule à l’école et au billard ont subitement arrêté de m’écœurer. Étrange «coïncidence» vous ne trouvez pas?
      Le problème avec les Travisr Kalanick de ce monde, c’est qu’ils se cachent. Ils sont comme Putin: ils travaillent par personnes interposées mais ramassent la vraie caisse qui leur sert à acheter les politiciens et autres «objets» de consommation. Conséquemment, ils s’en foutraient si les chauffeurs de taxi se mettaient à casser la gueule des «Uberistes». La solution ne passe que par la Loi et pour cela, nous avons besoin de décideurs incorruptibles et ça ne se trouve pas en donnant un coup de pied sur un lampadaire.

      Quant à la chimère de l’économie dite de «partage» à laquelle les naïfs se rapportaient quand sont débarqués ces machins à la Uber, AirBnB et autres systèmes basés sur le «principe du salami» qui n’enrichissent vraiment et très substantiellement ceux qui les maitrisent, je pense que cette naïveté a depuis longtemps frappé le mur et c’est tant mieux.

  7. M.Rustik dit :

    J’ai eu la même naïveté de Ralbol lors de l’arrivée de cette entreprise.

    Comme Boozadvisor je pense que « secouer les puces » de l’industrie n’a pas eu que du mauvais, et à quelque part je salue toujours le décrassage que cela a permis de faire dans cette industrie…

    Sauf que… cette économie ubérienne n’a rien de « l’économie de partage », et bien que j’ai essayé une fois leur service (je n’ai pas de cellulaire, donc avec une amie), je n’ai jamais voulu retenter l’expérience. Vive les bons vieux services de taxis!

    1. L’idée de base était bonne mais pas sa mise en application par Uber!

      Le mieux qui pourrait arrivé est qu’une autre entreprise avec une culture d’entreprise plus humaine prennent le relais de Uber.

      1. ralbol dit :

        Un site web où les gens donnent leur disponibilité à transporter quelqu’un, et où ceux qui ont besoin de transport disent leur besoins, la disponibilité relie les parties et donne le prix.

        Le site maintenu par une coop qui demande un abonnement annuel aux chauffeurs pour maintenir le site.

        C’est si compliqué ?

        C’est compliqué parce que tout le système est rendu compliqué.

        Assurances, avocats, droits de ci et de ça, taxis…

        C’est ça une société ayant atteint son niveau d’absurdité… plus rien n’est simple.

      2. gl000001 dit :

        Je me demande comment les sites similaires se débrouillent. Location de piscine, de chargeur de voiture électrique, d’outils. Il doit bien y en avoir d’autres.

  8. MarcoUBCQ dit :

    « La violence est garante de succès », affirmait le cofondateur d’Uber, Travisr Kalanick, au moment où des membres de la direction de sa société exprimaient leurs doutes dans l’envoi de chauffeurs d’Uber dans une manifestation en France. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie sous François Hollande, aurait secrètement aidé l’entreprise à s’implanter en France.

    Qui va encore cautionner ce con de Macron?

    La violence est la base du capitalisme barbare, tel que voulu par les Répugnants, maganeurs-de-la-vie et autre sordides choses genre Erdogan ou Duterte.

    C’est bien la violence sans sanctions que réclament tous ces salauds de fanatiques, pléonasme d’ailleurs, car un fana c’est débile rare.

    Ces entreprises modernes, incluant Alibaba et Amazon, sont là pour porter un coup fatal à tout capitalismes, humain ou pas. La croissance n’est plus possible. Il faut changer, sous peine de disparition de l’espèce humaine.

    C’est peut-être pour ça que le désir de quitter la Terre pour aller sur Mars existe: Ça indique une peur inconsciente que la planète soit bientôt impropre à toute vie humaine.

  9. _renaud dit :

    Pas vraiment scandalisé par les pratiques d’Uber, le vrai scandale c’était de les laisser s’implanter en laissant les chauffeurs de taxi traditionnels s’arranger avec leurs troubles alors qu’ils devaient payer leurs licences à 150K et que les Ubers pouvaient faire n’importe quoi.

    D’ailleurs je trouve ça drôle aujourd’hui de voir que tout le monde dans les médias s’insurge contre Uber. Quand ils sont arrivés c’était plutôt le contraire, tout le monde trippait sur Uber et ils blâmaient l’industrie traditionnel du taxi.

    1. jeanfrancoiscouture dit :

      @_renaud: «…tout le monde trippait sur Uber»

      Comme je le dis souvent en réponse à l’argument: «Ben voyons donc! Réveille! Tout le monde fait ça! ».
      Non, pas tout le monde. Moi, je ne le fais pas. Je n’ai JAMAIS pris un Uber. J’ai toujours encouragé ma coop de taxis.

  10. Gilles Morissette dit :

    On se doutait un peu que les pratiques commerciales d’UBER étaient, pour le moins douteuses mais on en a maintenant des preuves concrètes.

    UBER est le pus bel exemple de capitalisme sauvage qui a exploité la crédulité de ses chauffeurs et qui s’en est mis plein les poches au détriment du bien commun.

  11. Toile dit :

    « La violence est garante de succès », affirmait le cofondateur d’Uber« .

    Quand tu as ca comme principe moral ca revient à toutes fins pratiques à « la fin justifie les moyens ». Ce lanceur d’alerte ou ce cadre en passe de se chercher une virginie, a bien fait d’agir. Reste à savoir à quel prix pour lui. Pour les autres, les consommateurs, c’est une situation de farce dans la dinde. Vive le capitalisme sauvage !

    Et dire le combat des chauffeurs de taxi de Montreal, avoir payé et toujours remboursé des sommes faramineuses pour leur permis. Perso, ai jamais affaire avec eux: Concurrence assez déloyale que je ne cautionnerai pas.

  12. gl000001 dit :

    Vu sur les nouvelles françaises, l’Affaire Macron-Uber n’aurait rien d’illégal. C’était juste du lobbying. Enfin !! On verra 😉

    1. _renaud dit :

      En fait j’irais même jusqu’à dire que cette histoire est un peu du sensationnalisme, il n’y a rien de vraiment compromettant ou de nouveau.

  13. Apocalypse dit :

    HS – « Secular Talk » commente sur un politicien irlandais – ayant un bien curieux look – qui parle de la soi-disante démocratie aux Etats-Unis et le gars tombe en plein dans le mille.

    *https://www.youtube.com/watch?v=wRC2xGwYaF4&ab_channel=SecularTalk

    Irish Politician DESTROYS American Politics In Viral Rant | The Kyle Kulinski Show

  14. Superlulu dit :

    Bof. Uber. De l’aéroprt à ma voiture, que stationne près de l’aéroport à mon travail. $35.00
    Avec un taxi, 12$ et 20$ de pourboire.
    Et ils sortent mes valises.

  15. marie4poches4 dit :

    HS en lien avec le billet précédent

    Donald J. Trump
    22h
    @realDonaldTrump

    President Biden is one of the oldest 79s in
    History, but by and of itself, he is not an old
    man. There are many people in their 80s,
    and even 90s, that are as good and sharp as
    ever. Biden is not one of them, but it has
    little to do with his age. In actuality, life
    begins at 80!

    1. gl000001 dit :

      En clair « Élisez-moi même si je vais être vieux ! »
      Il a eu une épiphanie. Depuis le temps qu’il chiale contre le vieux Biden alors qu’ils a presque le même âge.

  16. Mona dit :

    Je suis d’accord avec beaucoup de post et je partage cet excellent article que je viens de lire dans le Monde.
    Nous qui sommes habitués en suivant la politique américaine à la violence, la manipulation de l’information, le lobbying décomplexé, le mensonge et la fraude … avec Uber, nous sommes servis !

    « Uber Files » : une « stratégie du chaos » assumée pour conquérir le monde
    Par Adrien Sénécat
    Réservé à nos abonnés Le Monde

    L’enquête « Uber Files » révèle que le groupe américain a sciemment joué avec les limites de la loi et cherché à utiliser la violence à son profit pour s’imposer par le fait accompli dans les métropoles du monde entier.
    Il ne suffit pas d’interdire Uber pour arrêter Uber. Encore faut-il faire appliquer et respecter la loi. Telle est la morale de l’enquête internationale « Uber Files », qui révèle les coulisses de la plate-forme américaine de transport par chauffeurs privés. Les milliers de documents obtenus par le Guardian et partagés avec les membres du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde, jettent une lumière crue sur la brutalité des méthodes employées par l’entreprise pour s’implanter un peu partout dans le monde. Dans leur volonté de briser le monopole des taxis, les dirigeants et salariés d’Uber ont sciemment violé la loi et semé le désordre dans de nombreux pays, en espérant s’imposer par le fait accompli.
    « Uber Files », une enquête internationale
    « Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.
    Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.
    Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.
    Retrouvez tous nos articles de l’enquête « Uber Files »
    Voir plus
    Un échange symbolise l’état d’esprit inculqué par le fondateur et PDG, Travis Kalanick, à son entreprise. Vendredi 29 janvier 2016, Uber essuie un sérieux revers en France. Mis sous pression par une semaine de forte mobilisation des taxis, le gouvernement promet de multiplier les contrôles et de réprimer sévèrement les chauffeurs qui contournent la loi. La plate-forme, qui a déjà dû abandonner son service controversé de conducteurs particuliers UberPop dans le pays sept mois plus tôt, est en train de s’enliser dans sa guérilla juridico-réglementaire.
    Mais Travis Kalanick appelle à la riposte dans un échange de SMS internes : « Désobéissance civile. 15 000 chauffeurs. 50 000 passagers. Une marche pacifique ou un sit-in. » A un lobbyiste qui l’alerte sur la présence de casseurs d’extrême droite au sein des cortèges des taxis les jours précédents, le dirigeant rétorque : « Si nous avons 50 000 passagers, ils ne pourront rien faire. Je pense que le jeu en vaut la chandelle. La violence garantit le succès. »
    Les dirigeants naviguent en permanence dans une zone grise de l’emploi, où travaillent des chauffeurs ni salariés ni tout à fait indépendants
    Respecter la loi ne semble être qu’une option parmi d’autres dans la philosophie d’Uber. « Parfois, nous avons des problèmes parce que nous sommes foutrement illégaux », constate ainsi une communicante dans des échanges internes. Une présentation à destination des cadres de la plate-forme en Europe datée du 11 décembre 2014 dresse ainsi l’inventaire de ses déboires judiciaires, qualifié de « pyramide de merde ». On y trouve, entre autres, plusieurs centaines de procédures visant des chauffeurs et plus d’une vingtaine de contentieux ciblant la société elle-même, dont deux relevant du pénal.
    Une telle accumulation aurait de quoi donner des sueurs froides à la plupart des dirigeants d’entreprise. Mais pas à ceux d’Uber, qui naviguent en permanence dans une zone grise de l’emploi, où travaillent des chauffeurs ni salariés ni tout à fait indépendants. « Uber a fait son trou en imposant sa proposition de valeur, puis en essayant de manœuvrer pour que la loi s’adapte à son activité », analyse Mathilde Abel, économiste à l’université Sorbonne-Nouvelle.
    Le socialiste Alain Vidalies le constate dès son installation au secrétariat d’Etat aux transports, fin août 2014 : « Il me paraît tout de suite évident qu’ils ignorent le dialogue social et pensent que la bataille juridique est plus importante que la négociation, voire que le respect de l’autorité publique, se souvient-il. C’est un conflit culturel. »
    Les frais de procédure, une charge parmi d’autres
    Les milliards de dollars levés par la start-up au début des années 2010 lui confèrent une assise suffisante pour conquérir de nouveaux marchés en opérant à perte, tout en déployant d’importants moyens de lobbying. Ces liquidités permettent également de payer, si besoin, les amendes infligées à l’entreprise et à ses chauffeurs.
    En interne, les frais de procédures et les pénalités sont vus comme une charge parmi d’autres. En 2014, plus d’une trentaine de chauffeurs UberPop voient leur véhicule immobilisé par les autorités belges, avec une amende de 6 000 euros par dossier, selon un chiffrage interne. Pas de quoi effrayer la plate-forme, qui sort le chéquier.
    Cette ligne de conduite a été appliquée dans de nombreux pays d’Europe. Fin 2015, Zac de Kievit, le directeur juridique Europe, alerte ses équipes sur la première mise en demeure d’un chauffeur UberPop aux Pays-Bas. A ce stade, « il n’y a pas d’amende », mais des entorses répétées à la loi pourront être punies à hauteur de 10 000 euros, ajoute-t-il. L’entreprise opère dans l’illégalité et ses chauffeurs se font verbaliser ? « Bonne nouvelle, Zac », répond du tac au tac Pierre-Dimitri Gore-Coty, directeur général d’Uber en Europe. Puisque les sanctions sont négligeables, « nous devons continuer à pousser Pop au maximum ».
    A Berlin, Uber a un temps ignoré l’interdiction qui lui était faite de rémunérer ses chauffeurs UberPop, faute de licence adéquate pour une activité de transport, et leur versait 10 euros par heure de service. « Si on vous demande [si vous êtes payés], dites que vous le faites pour le plaisir de conduire des gens », exigeait alors l’application de ses conducteurs. Mais, à l’automne 2014, l’entreprise est alertée d’un risque de fuite de la combine dans la presse.
    Plutôt que de se conformer à la règle, son état-major rivalise là encore d’ingéniosité pour la contourner, imaginant notamment camoufler les paiements faits aux chauffeurs dans un contrat de location des voitures. Une solution probablement fragile juridiquement, mais qui « minimise le risque » de contrôle et de sanction, se satisfait un dirigeant de la branche allemande d’Uber.
    Défier frontalement l’Etat
    En France, l’ancien député socialiste de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud a fait les frais de ces pratiques. Missionné début 2014 pour apaiser le conflit entre taxis et VTC, il raconte au Monde avoir cru alors aboutir à un équilibre pour « faire en sorte que tout le monde puisse travailler ». Objectif de sa loi : moderniser le secteur des taxis, ajuster la réglementation des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) et interdire UberPop.
    Mais la société n’a pas attendu la promulgation du texte, au mois d’octobre, pour le saborder. Dès l’été, pour contourner les futures contraintes applicables aux VTC, elle a dévoyé un autre statut, le LOTI (transport collectif à la demande), issu de la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982. Huit ans plus tard, Thomas Thévenoud ne conteste pas s’être fait berner sur ce point : « Le processus parlementaire était déjà engagé, et je n’ai pas pu adapter la loi… »
    Surtout, Uber a défié frontalement l’Etat dans le dossier UberPop, refusant de fermer son service controversé pendant de longs mois. Non seulement en utilisant tous les recours juridiques imaginables, jusqu’au Conseil constitutionnel, pour tenter d’annuler ou de retarder l’interdiction. Mais aussi en faisant le dos rond face aux contrôles, allant jusqu’à lancer UberPop dans de nouvelles villes en juin 2015 (Marseille, Strasbourg et Nantes), près de neuf mois après la loi Thévenoud.
    Selon nos informations, c’est une énième provocation de Thibaud Simphal, alors patron d’Uber France, qui a précipité l’épilogue du feuilleton. Le 25 juin 2015, sur BFM-TV, il affirme que le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, « n’a pas le pouvoir » d’interdire son application. Les deux principaux lobbyistes de la plate-forme en France, Mark MacGann et Alexandre Quintard Kaigre, sont convoqués le 30 juin Place Beauvau. Le ministre, en colère, reçoit les deux « flibustiers » et les sermonne sur les principes de l’Etat de droit. L’heure n’est plus au dialogue : il menace Uber et ses dirigeants de poursuites pour « délit d’organisation d’activités illicites de transports de personnes » – des faits passibles de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
    Trois jours plus tard, M. Simphal annonce l’arrêt d’UberPop en France dans Le Monde, au prétexte de la nécessaire « sécurité des chauffeurs » et d’un prétendu « esprit d’apaisement ». Il sera condamné en première instance l’année suivante par la justice dans ce dossier, aux côtés de M. Gore-Coty et d’Uber. Ce jugement a été confirmé en appel en janvier 2022, mais l’entreprise et ses dirigeants indiquent au Monde s’être pourvus en cassation.
    Ces revers juridiques semblent signer l’échec du lobbying d’Uber. Ce serait ignorer que le temps gagné est déjà une victoire pour l’entreprise. Chaque contournement de la loi lui permet de développer son vivier de chauffeurs et sa clientèle, augmentant son poids dans le paysage médiatique et politique français.
    Pour l’ancien député socialiste Laurent Grandguillaume, Uber a réussi, « à un certain moment, à imposer un état de fait à l’Etat de droit »
    Fin 2016, la loi Grandguillaume ôte à Uber la possibilité de détourner le régime des LOTI. Mais le groupe négocie des conditions de transition plutôt clémentes pour une entreprise aux pratiques si contestables : les chauffeurs LOTI obtiennent un délai confortable, jusqu’à 2018, pour basculer de manière quasi automatique vers le statut de VTC, tandis que la plate-forme échappe à de nouvelles poursuites judiciaires. Auprès du Monde, l’ancien député socialiste Laurent Grandguillaume admet aujourd’hui qu’Uber a réussi, « à un certain moment, à imposer un état de fait à l’Etat de droit ». Etre trop sévère aurait aussi laissé des milliers de chauffeurs démunis, argue-t-il.
    Le député dit avoir reçu, au moment des débats sur sa loi à l’Assemblée nationale, des centaines d’e-mails identiques émanant de chauffeurs : « Je souhaite juste développer mon entreprise et créer des emplois. Aujourd’hui on m’en empêche. Est-ce normal ? » Un procédé éprouvé chez Uber : en 2015, alors que le maire de New York, Bill de Blasio, veut limiter le nombre de chauffeurs sur la plate-forme, celle-ci réplique en lançant un bouton « De Blasio » dans son application. Quelque 50 000 courriels de récrimination auraient été adressés automatiquement à l’élu. Des cadres de la société ont envisagé à plusieurs reprises des coups similaires en France (« UberHollande », « UberValls »), avant de se raviser.
    Un désordre profitable
    La stratégie du chaos ne s’arrête pas au lobbying réglementaire : elle s’appuie aussi sur l’idée que le désordre serait profitable à Uber. En 2014, alors que les mauvaises nouvelles s’accumulent en Inde, le directeur en Asie, Allen Penn, envoie un long courriel pour rassurer ses équipes : « Nous aurons probablement des problèmes locaux et nationaux dans toutes les villes d’Inde pour le reste de votre contrat chez Uber… Alors habituez-vous à ça. (…) C’est une part normale des affaires chez Uber. » Et leur préconiser d’ignorer les demandes des autorités locales : « Nous choisissons généralement de faire traîner, de ne pas répondre ou de dire non à leurs demandes. C’est comme ça que nous fonctionnons et c’est presque toujours pour le mieux. (…) Embrassez le chaos. »
    Début 2016, un document de coordination interne préconise de se saisir de tout débordement pour « mettre une pression supplémentaire sur les décideurs politiques »
    Quand les protestations des taxis débouchent sur des violences à l’encontre de chauffeurs ou de clients d’Uber en Europe, l’entreprise y voit une occasion de communiquer. Début 2016, un document de coordination interne préconise ainsi de se saisir de tout débordement pour « mettre une pression supplémentaire sur les décideurs politiques ». Ce serait « très efficace d’avoir des photos de violence à Barcelone cette semaine et d’autres incidents », glisse le lobbyiste Mark MacGann en préparant une rencontre avec un cadre de la Commission européenne.
    Ces pratiques ont parfois suscité des doutes en interne, sans faire bouger les lignes. Quand, en 2014, un nouveau venu l’interpelle sur le rapport d’Uber au risque, le patron, Travis Kalanick, lui répond sans fard : « Nous allons probablement être beaucoup plus agressifs que ce à quoi vous êtes habitués. Mais dans six mois (…), vous vous y habituerez. »
    L’un des arguments récurrents du dirigeant pour justifier cette attitude est que la réglementation des transports est, dans bien des régions, inadaptée à l’économie moderne, voire incohérente. « C’est un point-clé du discours de l’entreprise : on présente la situation préexistante comme inefficiente et Uber arrive avec une solution technologique, comme si on résolvait une équation », observe l’économiste Mathilde Abel.
    Dans sa réponse à l’enquête « Uber Files », l’entreprise assure que la nomination d’un nouveau dirigeant à la tête d’Uber en 2017, Dara Khosrowshahi, a fait entrer la société dans une nouvelle ère, plus modeste et respectueuse de la loi. Mais pour beaucoup, les faits ont donné raison à la stratégie ultra-agressive de son prédécesseur, Travis Kalanick. « Il n’aurait probablement pas été possible de “disrupter” autant le secteur en s’y prenant autrement », juge avec le recul Grégoire Kopp, ancien directeur de la communication d’Uber en France. « L’application n’aurait jamais eu autant de parts de marché aussi vite si tout avait été fait dans les règles, c’est certain », abonde son ancien collègue Maxime Drouineau, lobbyiste de la plate-forme jusqu’en 2016 .
    Loin d’être désavoués, plusieurs cadres des années Kalanick, qui ont parfaitement décliné à leur échelle sa philosophie, occupent encore des postes-clés de l’entreprise. A commencer par les deux dirigeants français, Pierre-Dimitri Gore-Coty, désormais vice-président chargé des activités de livraison Uber Eats, et Thibaud Simphal, responsable monde du développement durable. Le premier admet aujourd’hui avoir parfois suivi des décisions de ses supérieurs à « l’éthique discutable », tandis que le second reconnaît avoir pu user de mots « maladroits ».
    Travis Kalanick n’a pas souhaité répondre dans le détail aux questions qui lui ont été adressées par l’ICIJ et Le Monde. Mais sa porte-parole Devon Spurgeon assure dans un communiqué que l’ancien PDG d’Uber « n’a jamais autorisé quelque action ou programme qui ferait obstruction à la justice » ni « suggéré qu’Uber devrait tirer profit de la violence au prix de la sécurité des chauffeurs ».

    1. Toile dit :

      Merci. Comme je ne suis pas abonné je n’ai pu qu’en lire une infime partie.
      Des gentils « géos » du chaos, violence en prime. L’etat c’est moi. Mots d’église…

  17. _cameleon_ dit :

    Uber et AirBnB des « bonnes idées qui ont mal tournée » ?

    Jamais de la vie !

    Ces entreprises de pseudo économie sociale sont parmi les pires plaie du capitalisme sauvage qui écrase tout sur son passage grâce au pouvoir des $$$ qu’ils utilisent pour corrompre (oui …) les dirigeants complaisants au mépris des règles et lois existantes.

    Les coûts en sont l’injustice envers des chauffeurs de taxis opérants selon les règles avec les permis acquis à un coût exorbitant et les appartements qui en plus de n’être plus disponibles deviennent des nuisances pour tout un voisinage.

    Que crèvent toutes ces entreprises de pseudo économie sociale à la Rambo libertarienne.

  18. InfoPhile dit :

    @ ralbol à 15:23

    « Un site web où les gens donnent leur disponibilité à transporter … »

    Ici au Québec il y a la coopérative de solidarité Eva qui offre un bon service de co-voiturage et même de livraison. Tous les entrepreneurs ne sont pas animés d’une cupidité maladive. Une réussite québécoice :

    https://www.eva.coop/#/

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