Le blogue de Richard Hétu

Le roman Beloved, qui a valu en 1988 un prix Pulitzer à Toni Morrison, lauréate du prix Nobel de la littérature, figure au programme de lecture de plusieurs écoles secondaires aux États-Unis. Ce n’est pas un livre écrit à l’eau de rose, puisqu’il raconte l’histoire de Sethe, qui tue sa propre fille plutôt qu’elle ne devienne, comme elle, esclave. S’inspirant d’un fait vécu, la romancière déterre les racines du racisme et étale toutes les injustices et violences, y compris sexuelles, que ce mal engendre.

Or, en 2013, une mère blanche de Virginie a cherché à faire retirer le livre des lectures obligatoires de la commission scolaire du comté de Fairfax jusqu’à ce que celle-ci adopte une politique exigeant la notification des parents quand des livres contenant des descriptions sexuelles explicites étaient au programme, histoire de donner aux élèves la possibilité de ne pas les étudier. Elle avait fait valoir que son fils, finissant au secondaire, avait eu des cauchemars après avoir lu des passages de Beloved dans sa classe d’anglais enrichi.

« Pour moi, les références adultes signifient l’esclavage ou l’Holocauste. Je ne pense pas que mon enfant va lire un livre avec de la bestialité », a déclaré à l’époque Laura Murphy, la mère, au Washington Post.

La commission scolaire n’a pas donné suite à sa demande. Mais Laura Murphy est parvenue à convaincre le parlement de Virginie, alors dominé par les républicains, à adopter un projet de loi baptisé « The Beloved Bill ». Le texte était destiné à étendre à la grandeur de l’État la politique souhaitée par la mère. Le gouverneur démocrate de l’époque, Terry McAuliffe, l’a bloqué en utilisant son veto.

Ce même Terry McAuliffe brigue à nouveau le poste de gouverneur de Virginie, qui sera mis en jeu mardi à l’occasion d’une élection à portée nationale. Et son adversaire républicain, Glenn Youngkin, vient de diffuser une pub mettant en scène la même mère, Laura Murphy, qui accuse McAuliffe de vouloir nier aux parents tout droit de regard sur les programmes scolaires offerts à leurs enfants. À noter que la mère ne précise pas dans l’annonce que son fils était inscrit dans une classe d’anglais enrichi et qu’il a lu Beloved une année avant de commencer ses études universitaires. Elle ne donne pas non plus le titre du livre dont elle parle, qui est considéré comme un chef d’oeuvre.

Cette pub, faut-il préciser, intervient à la fin d’une campagne où le candidat républicain a mis l’accent sur des questions liées aux écoles publiques et au rôle réel ou imaginé qu’y joue la théorie critique de la race. À vous de juger si elle est efficace :

What's it like to have Terry McAuliffe block you from having a say in your child's education?

This mom knows – she lived through it. Watch her powerful story. #VAgov pic.twitter.com/u8EjmMQX0n

— Glenn Youngkin (@GlennYoungkin) October 25, 2021

P.S. : Lancée lundi, la troisième et dernière campagne de financement de ce blogue en 2021 se poursuit de plus belle. Merci à tous ceux et celles qui y ont déjà contribué, ainsi qu’aux autres qui s’exécuteront d’ici la fin de la journée!