Le blogue de Richard Hétu

Prenons le temps de se rappeler comment à commencé le feuilleton à Washington autour des deux grandes projets voulus par Joe Biden. Le 13 août dernier, neuf démocrates modérés, menés par Josh Gottheimer (photo), envoient une lettre à Nancy Pelosi, la prévenant qu’ils n’appuieront pas un budget de réconciliation de 3 500 milliards de dollars pour financer des programmes sociaux et environnementaux avant qu’elle ne tienne un vote sur un projet de loi bipartisan de 1 000 milliards de dollars sur les infrastructures déjà adopté par le Sénat. La présidente de la Chambre des représentants propose un compromis qui les satisfait : un vote sur les infrastructures aura lieu le 27 septembre, ce qui devrait donner aux démocrates du Sénat le temps de progresser sur l’autre grand chantier démocrate.

Cette semaine, Pelosi est revenue deux fois plutôt qu’une sur son engagement envers les neuf modérés, sachant que des dizaines de progressistes au sein du groupe démocrate étaient prêts à voter contre le projet sur les infrastructures. Ceux-ci se servent de ce projet de loi comme moyen de pression auprès des sénateurs Joe Manchin et Kyrsten Sinema, qui refusent d’appuyer le plan de 3 500 milliards de dollars pour élargir le filet de sécurité sociale et combattre les dérèglements climatiques. Plan qui, à l’origine, devait être adopté en même temps que le projet sur les infrastructures.

Or, Joe Biden a pris fait et cause vendredi pour les progressistes. Il a affirmé qu’il n’y aurait pas de vote sur les infrastructures avant qu’une entente n’intervienne sur le plan qui contient ses grandes priorités. Il est entendu que ce plan, en bout de ligne, ne sera pas financé à hauteur de 3 500 milliards de dollars. Joe Manchin a indiqué jeudi qu’il ne voulait pas y consacrer plus de 1 500 milliard de dollars. Il semble que Biden et Pelosi pensent pouvoir le convaincre d’accepter un plan de 2 000 milliards de dollars. Même s’il est inférieur aux 3 500 milliards, un tel montant engendrerait des « investissements historiques », selon le président.

Ce qui nous amène à la réaction furieuse du représentant du New Jersey Josh Gottheimer, exprimée tard vendredi dans un communiqué qu’il aurait tenté en vain de faire contresigner par les autres membres de son camp. Dans ce communiqué, Gottheimer reproche à Pelosi d’avoir « rompu son engagement ferme et public envers les membres du Congrès et le peuple américain d’organiser un vote et d’adopter le projet de loi bipartisan sur les infrastructures ».

« Nous ne pouvons pas laisser cette petite faction d’extrême gauche détruire le programme du président et empêcher la création de deux millions d’emplois par an – y compris pour les millions d’hommes et de femmes qui travaillent dur », a ajouté Gottheimer. « Nous avons été élus pour trouver des solutions raisonnables et de bon sens pour le peuple américain, et non pour faire de l’obstruction depuis l’extrême gauche. »

Josh Gottheimer est un homme téméraire. Nancy Pelosi pourrait lui faire payer cher cette sortie. En attendant, le directeur du comité électoral des démocrates de la Chambre, qui n’a rien d’un tenant de l’extrême gauche, a déjà remis à sa place son collègue qui est l’incarnation d’un centrisme inféodé aux plus puissants lobbys :

This afternoon @POTUS stood with @SpeakerPelosi and 95% of the @HouseDemocrats and said the opposite: that his historic vision for America first requires a Build Back Better reconciliation deal. That’s the way a bipartisan infrastructure bill will win the votes to become law. https://t.co/77y2VXJsQg

— Sean Patrick Maloney (@RepSeanMaloney) October 2, 2021

La furie de Gottheimer n’est peut-être pas étrangère au fait qu’il disait jeudi à qui voulait l’entendre qu’il boirait du champagne à la fin de la journée après l’adoption du projet de loi sur les infrastructures. Pelosi a démontré l’insignifiance de sa position et l’ascendance des progressistes au sein de son parti. Pour le meilleur ou pour le pire.

(Photo Zuma)