Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

Les statues en hommage au général confédéré Robert E. Lee sont légion dans les États du Sud. Érigées en réaction à l’émancipation des esclaves et aux nouveaux droits qui leur étaient conférés, elles symbolisaient cette « Cause perdue » sur laquelle les nostalgiques de l’esclavage et du suprémacisme blanc ont fondé leurs mythes mensongers à propos de la noblesse et du courage des militaires qui avaient fait la guerre pour perpétuer cette institution inhumaine. Et aucune d’entre elles n’étaient aussi imposantes que la statue qui a été retirée ce mercredi matin de son piédestal au coeur de Richmond, capitale de Virginie et des anciens États confédérés.

Le mouvement Black Lives Matter a précipité ce retrait qui était réclamé depuis longtemps par les Afro-Américains de Richmond et d’ailleurs en Virginie. Mais les Noirs n’ont pas attendu la génération « woke » pour exprimer leur parfait dégoût à l’égard du culte de Lee et de cette statue, comme le rappelle l’historien David Blight dans un passage de son livre Race and Reunion dont j’offre cette humble traduction :

« Les Afro-Américains réagirent au culte de Lee en général, et au monument de Richmond en particulier, par un mélange de silence et de défiance. Dès 1871, lorsque le culte de Lee prit racine, Frederick Douglass dénonça son potentiel comme source de renouveau politique. Douglass craignait ‟les sentiments dévotement chéris et inséparablement identifiés à la cause perdue”. Il dénonça les ‟éloges grandiloquents du chef rebelle” et se lamenta de pouvoir ‟à peine prendre un journal… qui ne soit pas rempli de flatteries nauséeuses au sujet de feu Robert E. Lee”. ‟Il semblerait”, écrivit-il comme s’il tentait de répondre aux irréductibles, ‟que le soldat qui tue le plus d’hommes au combat, même pour une mauvaise cause, soit le plus grand chrétien et ait droit à la plus haute place au paradis”.

« En 1890, Lee occupait certainement la plus haute place dans le paysage de Richmond ainsi que dans la mémoire nationale de la guerre civile. Mais les trois Noirs qui survécurent politiquement au Conseil municipal de Richmond votèrent contre les crédits pour le monument. Ceux qui portaient les ‟chaînes cliquetantes de l’esclavage”, écrivit John Mitchell, rédacteur en chef du Richmond Planet, avaient parfaitement le droit de ‟garder le silence” sur le monument…

« Le silence ou la condamnation rhétorique étaient à peu près les seules options qui s’offraient aux Noirs en 1890. Leur place dans la mémoire de la Confédération, ainsi que dans la Cause perdue, était devenue soigneusement prescrite. Mitchell rapporta avoir entendu un ‟vieil homme de couleur” qui, ‟après avoir vu le défilé gigantesque des ex-confédérés le 29 mai et contemplé le drapeau rebelle, s’exclama : ‟Les Blancs du Sud sont au sommet – les Blancs du Sud sont au sommet.” »

(Photo Getty Images)



33 réflexions sur “La statue de Robert E. Lee et les Noirs

  1. Madalton dit :

    Il faudrait aussi renommer le 12 comtés nommés en l’honneur de Lee aux ÉU.

    1. Stéphane dit :

      On les renomme, ou on les déboulonne!

  2. Stéphane dit :

    Le ciel est partiellement couvert, mais n’est pas sombre. On aperçoit un dégagement à l’horizon.

  3. lanaudoise dit :

    Que dire de la légende sur Lee-pas-si-raciste-que-ça. Foutaise.

    Toutes ces statues, érigées souvent cinquante ans après la Guerre de Sécession étaient là pour rappeler aux Noirs qu’ils n’avaient pas leur place.

  4. gl000001 dit :

    Au sommet de la connerie et du mépris oui !!!

  5. NStrider dit :

    À quand un « refaçonnement » de Stone Mountain, lieu vénéré par ces charmantes personnes du KKK. Pour donner une perspective historique, il ne faut pas oublier qu’on a rénové ce site en 1987 et qu’on y donne un spectacle son et lumière à la gloire des états confédérés. Faut quand même reconnaître la résilience de ces dinosaures suprémacistes et la rémanence de leur idéologie.
    Je verrais bien l’ajout de la sculpture d’un esclave libéré de ses chaînes qui balaie du revers de la main ces trois « zéros » confédérés.

  6. Vox Populi Vox Dei dit :

    On ne peut pas publier de vidéos sur le blogue, dommage, j’avais envoyé un extrait d’une adresse à la nation de Macron qui répondait parfaitement à pourquoi déboulonner ces statues étaient de la bêtise. Faites une rechecher Youtube sur « Macron : aucune statue ne sera «déboulonnée» si ça vous intéresse.

    Un extrait : « Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations, mais ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé et en un combat inacceptable quand il est récupéré par les séparatismes »

    « La République ne déboulonnera pas de statue. Nous devons plutôt regarder ensemble toute notre histoire et en aucun cas nier ce que nous sommes».

    1. el_kabong dit :

      @Vox Populi Vox Dei

      Rappel : enlever des statues n’efface aucunement l’histoire; ça ne fait qu’enlever l’artificielle auréole de gloire à des humains ignobles qui n’en méritait aucune…

    2. gl000001 dit :

      Vous pouvez mettre un lien vers le vidéo. Mettez un * devant.

    3. Benton Fraser dit :

      Vous semblez oublier tout le contexte du discours de Macron… ou vous n’avez pas compris son discours!

      Il parle avant tout de combattre les séparatistes…. et les confédérés étaient des séparatistes, pas seulement dans le sens de la sécession mais avant tout dans le sens de séparation des races!

      Les statuts confédérés sont un éloges de la division des races et il sont la pour rappeler la place que doive tenir les afro-américains, c’est-a-dire au bas de l’échelle.

      Réécoutez le discours de Macros en ayant en tête cette perspective…

      1. Jacques Hetu dit :

        Comme Nelson dans le vieux Montréal…

    4. Achalante dit :

      En fait, enlever des statues *corrige* l’histoire; cela rétablit les faits, et fait cesser l’aveuglement volontaire face à certaines figures historiques.

      Malheureusement, Macron est un homme blanc issu de la bourgeoisie, donc avec très peu de connaissances sur ce que c’est de vivre quand on est victime de l’histoire. Et quand cette histoire est nettoyée pour ne pas avoir à faire face à ses erreurs passées, il ne peut y avoir ni excuse officielle, ni réparation offerte. C’est bien commode pour Macron et les autres de son genre…

  7. Apocalypse dit :

    ‘Mais les Noirs n’ont pas attendu la génération « woke » pour exprimer leur parfait dégoût à l’égard du culte de Lee et de cette statue…’

    Et on a bien fait de demander, de déboulonner ces statues et les mettre dans un musée en donnant leur histoire pour obtenir un minimum de justice envers la communauté noire qui a tant souffert de l’ignorance de bien des hommes blancs, une ignorance qui existe … malheureusement … encore de nos jours.

    Pour ce qui est du « woke », à éviter après le brûlage de livres en Ontario au nom d’une justice envers les Autochtones. Ce n’est pas de la justice, c’est de la stupidité à la puissance 1000.

    Joseph Facal dans cet article du Journal de Montréal parle de cette culture woke, wokisme:

    https://www.journaldemontreal.com/2021/02/27/petit-cours-accelere-de-wokisme

    Petit cours accéléré de wokisme

  8. Apocalypse dit :

    @Vox Populi Vox Dei – 13:34

    Voici la vidéo en question:

    *https://www.youtube.com/watch?v=8dcM_SHR3Kg&ab_channel=LeParisien

    Macron : aucune statue ne sera «déboulonnée»

  9. jcvirgil dit :

    Enlever Lee de ses piédestals changera t-il quoique ce soit ? Le passé c’est la passé et on ne peut rien y changer. On peut faire en sorte de ne pas perpétuer ses erreurs , c’est tout ….

    En Ontario dans un effort de révisionnisme historique ils ont fait un autodafé de livres et bandes dessinées écrits il y a des dizaines d’années , qui charriait semble t-il des stéréotypes, incluant des albums de Tintin et d’Astéryx !

    Peut-on être plus niaiseux que ça ? Probablement… il doit y avoir d’autres génies qui s’y attèlent présentement…

    1. Jean Létourneau dit :

      Comme l’image liée à votre Avatar, c’est un symbole. Dans ce cas-ci celle de la domination totale des afro-américains par les blancs. La pavaner ainsi en public c’est l’encenser. Imaginez-vous des statues du Führer sur une place publique en Allemagne? Cette statues doit être envoyé au musée où elle sera accompagnée d’un panneau explicatif et d’une mise en contexte.

      1. jcvirgil dit :

        @Jean Letourneau

        Ouais il y a ça évidemment…, mais pendant qu’on s’attarde à des symboles y a t- il de réelles réformes pour donner l’accès à l’égalité sociale pour les afros-americains ?

        Qu’elles mesures sont prises pour mettre fin à leur emprisonnement de masse , eux qui sont sur représentés dans la population carcérale, où se perpétue une forme d’esclavage , alors qu’ils travaillent gratuitement pour d’autres maîtres blancs dans des prisons privées subventionnés par l’État?

      2. Richard Hétu dit :

        Vous pensez vraiment qu’il n’y a personne qui lutte contre ce problème? Cette idée qu’on ne peut s’attaquer aux symboles du suprémacisme blanc parce qu’il y a des problèmes persistants liés au racisme me dépasse.

  10. Apocalypse dit :

    @jcvirgil – 13:50

    Il n’y a absolument aucune équivalence à faire entre déboulonner les statuts de Robert E. Lee et brûler des livres à cause, par exemple, qu’on voit un Autochtone avec la peau rouge.

    Ces statues représentent un douloureux souvenir d’incroyables injustices commises envers les noirs aux États-Unis. Est-ce que ça va changer quelque chose? Peut-être, peut-être pas, mais: « it’s a start ».

    Qu’on fasse une révision de l’histoire et qu’on corrige CERTAINES choses, entre autres, l’histoire de ce billet, on pourra me convaincre, mais avec la culture woke, il ne restera plus rien nulle part, il n’y a place pour aucune subtilité, on pense en terme d’absolus. 🤮

    1. lanaudoise dit :

      Au fait, la brûleuse de livre ontarienne est une fausse autochtone.

  11. chrstianb dit :

    Petit message pour ceux qui sont hésitants au déboulonnage de la statut de Lee: Lee était le défenseur d’un système esclavagiste qui reniait l’humanité d’une bonne partie de la population. C’est une botte qui écrase le visage des Noirs américains.

    1. lanaudoise dit :

      Et en maître sudiste bon teint, il n’hésitait pas une seconde à séparer les familles de ses esclaves.

  12. Layla dit :

    Pas rapport peut-être …

    Mais en regardant la photo j’ai essayé d’imaginer comment en 1890 ils ont fait pour amener cette imposante statue sur son piédestal, ils ont dû en suer un bon coup.

    « Sa statue, pesant 12 tonnes, culminait à la hauteur d’un immeuble de six étages. » La Presse.

    J’ai vu des photos du piedestal, c’était rendu une laideur avec tous les graffitis.

    La place de cette statue c’est dans un musée.

    1. Benton Fraser dit :

      Effectivement, sa place est dans un musée.

      Cette statut ne doit pas être un monument de gloire mais de mémoire.

      1. Layla dit :

        @Benton Fraser
        Je n’aurais pas su mieux dire.

      2. Igreck dit :

        @Benton Fraser
        Comme le Musée de l’Holocauste à Montréal qui a pour mission d’éduquer et ne pas oublier les horreurs du passé❗️

    2. Achalante dit :

      Pour répondre à votre question, je vais suggérer des poulies. Lorsque correctement utilisées, elles permettent de diviser la charge en augmentant la distance à tirer. Un échafaudage solide, trois ou quatre poulies, de bons chevaux de traits, et c’est facile comme tout.

  13. lanaudoise dit :

    Parlant de racisme, il y a celui des algorithmes et intelligence artificielle concoctés par des petits mâles blancs. Cela donne des absurdités comme celle-ci: https://www.motherjones.com/mojo-wire/2021/09/facebooks-ai-seems-to-have-a-racism-problem/?utm_source=mj-newsletters&utm_medium=email&utm_campaign=daily-newsletter-09-08-2021

    Il y a ainsi des robinets qui refusent de couler parce que votre peau est trop foncée…

  14. Toile dit :

    « En 1874, Benjamin Harvey Hill, homme politique de Géorgie, futur représentant et sénateur au Congrès des États-Unis, prononça l’éloge de Robert Lee devant la Southern Historical Society à Atlanta en ces termes : Robert Lee était « un ennemi sans haine, un ami sans trahison, un soldat sans cruauté, un vainqueur sans oppression, et une victime sans murmure. Il était un officier public sans vices, un citoyen sans mal, un voisin sans reproche, un chrétien sans hypocrisie, et un homme sans ruse. Il était un César sans son ambition, un Frédéric sans sa tyrannie ; un Napoléon sans son égoïsme et un George Washington sans sa récompense ». Wikipedia.

    Pas de défaut ? Fait penser à un quelqu’un… Il s’oppose à l’octroi immédiat du droit de vote aux anciens esclaves au motif qu’ils n’étaient pas assez éduqués pour voter intelligemment et seraient ainsi la proie des candidats démagogues.

    N’empêche que sa plantation a été confisquée. C’est désormais le cimetière Arlington.

    1. gl000001 dit :

      Sans ci, sans ça … il était plate en ta….. Il essaie de dire quoi ? Il faisait juste suivre les ordres. Ce n’est pas une défense comme il a été décidé bien après lui !!

  15. cotenord07 dit :

    La statue du général louisianais confédéré Pierre Gustave Toutant-Beauregard (1818 – 1893), communément appelé P.G.T. Beauregard, qui était d’origine créole et canadienne-française, a été enlevée de son piédestal, à la Nouvelle-Orléans, les 16 et 17 mai 2017, malgré l’opposition du gouverneur de l’état, Bobby Jindal.

    https://en.wikipedia.org/wiki/General_Beauregard_Equestrian_Statue

  16. cotenord07 dit :

    La statue du général louisianais confédéré Alfred Mouton (1829 – 1864), qui était d’origine acadienne, a été enlevée de son piédestal, à Lafayette, le 17 juillet 2021.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Alfred_Mouton

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