Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

Il y a eu la « doctrine Monroe », énoncée par le président James Monroe lors de son message annuel au Congrès en décembre 1823 et résumée par la formule suivante : « Aux Européens le vieux monde, aux Américains le Nouveau Monde ». Le président américain envoyait ainsi un message clair : l’ensemble du continent américain, de l’Alaska à la Terre de feu, ne devait plus être l’objet d’interventions européennes. Cette doctrine a été suivie en 1904 par le « corollaire Roosevelt », du nom de Theodore Roosevelt, qui a servi à justifier les interventions étasuniennes dans la zone latino-américaine afin d’y défendre les intérêts de l’oncle Sam.

Il y a aussi eu la « doctrine Bush ». Après les attentats du 11-Septembre, le président américain a adopté le concept néoconservateur des guerres préventives pour changer les régimes susceptibles de favoriser le terrorisme international afin de les remplacer par des démocraties dignes de Thomas Jefferson. Joe Biden a mis fin à cette doctrine mardi et présenté la sienne en défendant de façon claire et vigoureuse sa décision de quitter l’Afghanistan après un conflit de 20 ans qui aurait dû prendre fin il y a longtemps selon lui.

« [N]ous devons apprendre de nos erreurs », a-t-il déclaré en s’adressant à la nation américaine. « Pour moi, il y en a deux qui sont primordiales. Premièrement, nous devons définir des missions avec des objectifs clairs et réalisables, et non des objectifs que nous n’atteindrons jamais. Et deuxièmement, nous devons rester clairement concentrés sur l’intérêt fondamental de la sécurité nationale des États-Unis d’Amérique. Cette décision sur l’Afghanistan ne concerne pas seulement l’Afghanistan. Il s’agit de mettre fin à une ère d’opérations militaires majeures visant à remodeler d’autres pays.

« Nous avons vu une mission de contre-terrorisme en Afghanistan – stopper les terroristes et arrêter les attaques – se transformer en une mission de contre-insurrection, d’édification d’une nation – essayer de créer un Afghanistan démocratique, cohésif et unifié – ce qui n’a jamais été fait au cours des nombreux siècles d’histoire de l’Afghanistan. En abandonnant cet état d’esprit et ce type de déploiement de troupes à grande échelle, nous serons plus forts, plus efficaces et plus sûrs chez nous. »

Joe Biden pouvait être considéré comme un adepte de la « doctrine Bush » il y a 20 ans. Mais il lui a tourné le dos il y a plus de dix ans, s’opposant notamment en privé aux décisions de Barack Obama sur l’Afghanistan qui ont mené ce dernier à rompre avec sa promesse de mettre fin à cette guerre lancée par son prédécesseur républicain.

Certains d’entre nous ne pourront malheureusement pas découvrir ce qu’il restera de la « doctrine Biden » dans 20 ans.

(Photo AP)


28 réflexions sur “La « doctrine Biden »

  1. marylap dit :

    Pour tout ceux qui doutais des capacités mentales de Biden, le gars est clairement lucide. Malheureusement, la doctrine Biden ne survivra pas à un président Républicons.

  2. March dit :

    Tu ne peux forcer un pays a adopter la démocratie quand le peuple ne veut pas de la démocratie. Tu ne peux passer une éternité à occuper faire la police dans un pays si le peuple ne veut même pas se battre à tes côtés.

    Si le peuple Taliban préfère vivre sous la Charia, ça devient aussi leur droit de le faire. Pour ceux qui ne veulent pas, il faut s’assurer qu’ils puissent quitter le pays en toute sécurité.

    1. Dekessey dit :

      Ma conjointe me désapprouve fortement quand je parle en ces termes.
      Pourtant, si après une génération d’occupation les USA n’ont pas réussi a transformer ce pays, il me semble que c’est clair, et la vitesse avec laquelle les Talibans ont repris le pouvoir en dit long: Il y a beaucoup d’Afghan qui préfèrent la charia.

  3. gl000001 dit :

    « [N]ous devons apprendre de nos erreurs ».
    Si ils font ça, les républicains ne reprendront pas le pouvoir avant au moins 16 ans. Le temps que les dinosaures soient réellement éteints.

  4. Mouski dit :

    Les États Unis sont deux pays en un. Un pays républicain et un autre démocrate. Lorsque l’on est rendu à politiser à grande échelle une pandémie, que nous entendons des déclarations irresponsables d’élus sur la possibilité d’une guerre civile, nous ne somme pas bien loin d’une possibilité d’éclatement de ce pays.

  5. gl000001 dit :

    « Eille vous autres, y parait que la Doctrine, c’est meilleur que l’Invermectine » -ce qu’un républicain ne dira jamais. Quoique …

    1. Haïku dit :

      😂🤣 !!!

  6. cotenord07 dit :

    Tout cela est très sensé.

    Espérons que les dirigeants du complexe militaro-industriel américain auront compris le message et l’accepteront, car plusieurs d’entre eux profitent énormément, sur le plan financier et du point de vue du statut social et de l’influence, de la propension des États-Unis à aller faire le ménage dans la cour des autres pays, alors que les États-Unis ont tant de problèmes à régler dans leurs propre cour (relations entre les citoyens, égalité raciale, équité sociale, soins de santé, environnement, etc.).

    1. Guy LB dit :

      @ cotenord :
      « Espérons que les dirigeants du complexe militaro-industriel américain auront compris le message et l’accepteront »
      Ciel ! Vous êtes d’un optimisme étonnant ce matin. Que se passe-t-il ? Trop de soleil sur la côte Nord ?

      M’est avis que les dirigeants du complexe militaro-industriel vont tout mettre en œuvre pour rappeler aux non-Biden que leur intérêt commun réside ailleurs que dans leur cour, et qu’il faut s’empresser de trouver une raison valable d’aller labourer les terres d’un nouveau voisin avec les joujous et les bombes qui ont tant fait pour la prospérité américaine. C’est bien connu : on ne change pas une formule gagnante.

  7. Loufaf dit :

    La doctrine Biden pourra apporter quelque chose de positif, car je ne crois pas que le Américains iront partir une autre guerre de 20 ans , quelque part dans le monde .
    Oui ils pourront surveiller de près , les activités des terroristes susceptibles de les attaquer, mais il serait plus important de surveiller attentivement leurs terroristes intérieurs qui ont tenté un coup d’ état et risque de détruire leur démocratie.C’ est là-dessus qu’ ils devraient dépenser temps et argent.

  8. jcvirgil dit :

    La doctrine Biden semble en parfait accord avec ce que veulent les Américains. Les sondages sont clairs depuis un certain temps , les interventions militaires extérieures n’ont plus la côte auprès des électeurs. En attendant la venue des robots sur lesquels planchent activement la recherche et développement au profit du fameux complexe militaro-industriel , il semble que l’industrie de la mort devra prendre un certain recul.

    À moins que des *armes de destruction massives* réelles ou inventées, en Iran par exemple ne posent un enjeu vital pour la sécurité des États-Unis….

    Quand on lit la liste de leurs interventions depuis 150 ans , on voit qu’ils n’ont pas chômé …

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Interventions_militaires_des_%C3%89tats-Unis_dans_le_monde

  9. Louise dit :

    « Il s’agit de mettre fin à une ère d’opérations militaires majeures visant à remodeler d’autres pays. »

    C’est un changement majeur dans la politique extérieure américaine ainsi que dans la façon dont les américains perçoivent leur rôle dans le monde. On va sûrement en entendre parler pendant longtemps.

    Malgré toutes les critiques qu’il reçoit, Joe Biden a pris la bonne décision et doit être félicité pour son courage et sa détermination. Il a fait ce que trois présidents avant lui n’ont pas eu l’audace de faire même s’ils savaient que c’était une guerre impossible à gagner.
    Surtout depuis que Ben Laden a été éliminé, ils n’avaient plus d’affaire dans ce pays.

    Les Américains devraient être fiers de ce que le gouvernement et l’armée ont accompli depuis le 14 août.
    Malgré le chaos, c’est un exploit logistique extraordinaire qui a permis de sauver des milliers de vie et de donner espoir à ces familles qui sont maintenant en sécurité.

  10. cotenord07 dit :

    Il va être intéressant de voir si cette doctrine aura des effets sur l’action des États-Unis en Europe de l’Est, dans les pays qui faisaient autrefois partie de l’URSS où qui étaient dans sa zone d’influence : pays baltes, Bélarus, Ukraine, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, etc.

    Concrètement, cette doctrine aura-t-elle des effets sur l’expansion de l’OTAN vers l’est, et sur les relations tendues entre les États-Unis et la Fédération de Russie ?

    1. gl000001 dit :

      Vous venez probablement de trouver l’angle que les républicains vont utiliser pour l’attaquer. Cette doctrine donne champ libre à la Russie et à la Chine pour augmenter leur sphère d’influence. Même si c’est ce que le 45 voulait.

    2. jcvirgil dit :

      Depuis la rencontre Biden, Putin et l’incursion d’un destroyer britannique dans les eaux au large de la Crimée en juin , il semble y avoir une accalmie sur le front des opérations militaires gouvernementales contre les séparatistes dans le Donbass… comme s’ils n’avaient pas la certitude d’être soutenus par les États-Unis en cas d’escalade du conflit…

      Une autre facette de la doctrine Bideen ?

    3. Madalton dit :

      Il y aussi Taïwan que la Chine lorgne depuis un certain temps.

      1. Dekessey dit :

        Bon point!
        Je crois que les Taiwannais devront se faire à l’idée.

  11. Charlot dit :

    « Il s’agit de mettre fin à une ère d’opérations militaires majeures visant à remodeler d’autres pays. ». Oh boy! Hâte de voir ça! Et pas certain que ça va prendre 20 ans pour voir les résultats……

    1. gl000001 dit :

      Il dit bien « opérations militaire majeures ». Il pourrait y en avoir des mineures ou conjointes avec d’autres pays ou … cachées comme la CIA le faisait !!

  12. Guy LB dit :

    Comme le fait remarquer Louise ci-dessus (7h47),
    « C’est un changement majeur […] dans la façon dont les américains perçoivent leur rôle dans le monde.» On ne peut qu’espérer que ce regard nouveau soit accepté et adopté par tous ceux qui ont une influence sur la direction vers laquelle la société américaine va tendre avec le temps. Mais comme le passé est souvent garant de l’avenir, il y a de quoi être sceptique. Il serait étonnant qu’une société aussi belliciste devienne soudain pacifiste.

    La Russie et la Chine vont vite venir chatouiller les susceptibilités de l’oncle Sam et piquer suffisamment son orgueil pour le faire revenir à ses bonnes vieilles habitudes.

    Respectueux de la conclusion de M. Hétu dans ce billet, je ne pourrai cependant pas revenir vous écrire « Hein ! Je vous l’avais bien dit…»

  13. Apocalypse dit :

    Dans le cas de l’Afghanistan, sortir était la bonne décision. Il faudra voir si dans d’autres situations, il ne serait pas bon d’intervenir, mais intelligemment et effectivement, avec des objectifs clairs et réalisables.

    Protéger les Etats-Unis, vous êtes protégé de tout ennemi extérieur, votre problème est intérieur et vous pourriez bien vous effondrer sur vous-mêmes. On l’a vu, les Américains ne sont pas en sécurité avec le nombre effarant de morts par armes à feu et vous ne pouvez rien faire. De plus, la division dans ce pays s’accentue chaque jour un peu plus. Bonne Chance pour refaire le train sur les rails. 🤞

  14. Jean Létourneau dit :

    @Louise 7h47
    @Charlot 8h15

    Louise, je suis entièrement d’accord avec vous. L’efficacité de l’opération logistique a été remarquable, surtout dans les circonstances que l’on connait. D’un autre côté dans l’urgence de réagir rapidement, il y a sûrement quelques indésirables de la même trempe que notre Chakoui local ou même pires qui en ont profité pour se glisser à travers les Afghans que les ÉU devaient moralement et légitimement sauver.

    Que va-t-il se passer si un de ces énergumènes commence à tout faire sauter sur le territoire étasunien ?
    Même une attaque faite par un extrémiste non issu de ces nouveaux réfugiés risque de leur être associé.

    FBI, CIA et Homeland Security ont un travail préventif énorme en vue pour maintenir la sécurité des nouveaux arrivants autant que celles des résidents étasuniens. Si un malheur grave arrivait sur le territoire de nos voisins du sud – on ne l’espère pas – je suis de l’avis de Charlo, on ne pourra pas vraiment parler de plan Biden dans 20 ans.

  15. Apocalypse dit :

    ‘Certains d’entre nous ne pourront malheureusement pas découvrir ce qu’il restera de la « doctrine Biden » dans 20 ans.’

    Second commentaire à connotation négative en quelques jours! J’espère que vous allez bien M. Hétu!

    Pour répondre, Joe Biden ne sera plus là en 2025 et la doctrine pourrait bien avoir pris le bord avec la fin de sa présidence. Le lobby des armes et de la guerre est si puissant qu’il n’est pas certain qu’on va les faire taire bien longtemps 😢.

  16. Alexander dit :

    Recentrer les EU sur sa sécurité nationale et ses besoins.

    Pour une fois, Biden et Trump se rejoignent.

    Est-ce que l’ère des faucons et des guerres préventives de type Irak serait passée à l’Histoire?

    En fait, les deux présidents disent des choses semblables: recentrer les EU sur ses besoins et cesser de vouloir changer le monde. Avec Trump, c’était de l’aveuglement volontaire et du laisser-aller qu’on peut questionner quant aux intérêts occultes, avec Biden c’est de ne pas engloutir les ressources du pays pour essayer de changer le monde, sauf avec des objectifs précis.

    Mais les deux comprennent qu’il faut se servir de la force interne phénoménale des EU pour rayonner.

    Les marchands d’armes n’ont pas à s’inquiéter. Au lieu de dépenser des milliards en guerres stériles, on va dépenser les mêmes milliards en armes de dissuasion pour renforcer la puissance américaine de l’intérieur.

    Le problème du recentrage, c’est de laisser beaucoup plus de place aux concurrents, chinois, russes ou même européens, sur le terrain.

    Je pense à des endroits chauds comme la Corée ou Taïwan. Si les EU se désengageaient là-bas, la Chine en profiterait immédiatement.

    Le recentrage absolu ne peut donc se faire sans problème.

  17. citoyen dit :

    il faudrait rentre la nasa, les jeux olympiques, la médication scientifique et la fixation des prix dans la discussion à la maison blanche.

  18. Guy LB dit :

    Oh la la ! Quand ça se met à mal aller…
    « New Law Requires Texans to Have Counselling Before Being Allowed to Vote »
    By Andy Borowitz (The New Yorker, sept. 1 2021)

    https://www.newyorker.com/humor/borowitz-report/new-law-requires-texans-to-have-counselling-before-being-allowed-to-vote?

    (Oui, oui, je sais que c’est une parodie… mais ne pensez-vous pas que ça se pourrait ? )

    1. Guy LB dit :

      Ô la gaffe !
      Publié dans la mauvaise page.

  19. Igreck dit :

    L’« hubris »
    Cet orgueil arrogant des dirigeants américains, qui explique qu’ils se croient toujours les meilleurs : pour une partie importante de l’électorat, les États-Unis sont les instruments de la divine Providence. Biden réussira-t-il à leur inculquer de la modestie ? On peut en douter… ☹️
    https://www.journaldemontreal.com/2021/09/01/les-talibans-vont-devoir-se-soumettre-aux-regles

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