Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

Le ministère de la Justice veut continuer à défendre Donald Trump dans la poursuite en diffamation intentée à son encontre par la journaliste E. Jean Carroll, qui reproche à l’ancien président de l’avoir violée dans une cabine d’essayage dans les années 1990 et d’avoir affirmé qu’elle avait inventé ses accusations. En octobre dernier, un juge de première instance a conclu que les avocats du gouvernement américain ne pouvaient défendre le président dans une affaire qui n’avait aucun rapport avec ses fonctions officielles. Décision qui avait aussitôt été portée en appel.

Or, sous un nouveau président, le ministère de la Justice continue le processus d’appel, affirmant dans un document de 24 pages présenté lundi soir que le fait de répondre aux questions des journalistes, comme l’avait fait Donald Trump, faisait partie de son travail. «S’adresser au public et à la presse sur des questions d’intérêt public fait incontestablement partie du travail d’un élu», a écrit le chef de la Division civile du ministère de la Justice, Brian Boynton, dans le document. «Les tribunaux ont donc jugé de manière constante et répétée que les déclarations prétendument diffamatoires faites dans ce contexte relèvent de l’emploi des élus – y compris lorsque les déclarations ont été suscitées par des enquêtes de la presse sur la vie privée de l’élu.»

Boynton précise que la défense de ce principe ne devait pas être vue comme un appui au commentaire «inapproprié» de Donald Trump. «L’affaire ne concerne pas la question de savoir si la réponse de M. Trump était appropriée. Elle ne porte pas non plus sur la véracité des allégations de Mme Carroll», a-t-il écrit.

N’empêche : après que les médias ont fait état de l’appel du ministère de la Justice, la Maison-Blanche s’est distanciée de sa position. «La Maison-Blanche n’a pas été consultée par le ministère de la Justice sur la décision de déposer ce mémoire ou son contenu», a déclaré un porte-parole. «Nous n’allons pas commenter ce litige en cours, mais le peuple américain sait bien que le président Biden et son équipe ont des normes tout à fait différentes de celles de leurs prédécesseurs en ce qui concerne ce qui constitue des déclarations acceptables.»

L’avocat de Carroll et sa cliente ont réagi avec colère à la position énoncée par le ministère de la Justice. «Il est horrible que Donald Trump ait violé E. Jean Carroll dans un grand magasin de New York il y a de nombreuses années», a déclaré Roberta Kaplan. «Mais il est vraiment choquant que le ministère de la Justice actuel permette à Donald Trump de s’en tirer en mentant à ce sujet, privant ainsi notre cliente de son procès. La position du ministère n’est pas seulement juridiquement mauvaise, elle est aussi moralement mauvaise puisqu’elle donnerait aux fonctionnaires fédéraux une licence gratuite pour couvrir des inconduites sexuelles privées en brutalisant publiquement toute femme qui a le courage de se manifester.»

Carroll a déclaré de son côté : «Alors que, dans tout le pays, des femmes se lèvent et demandent aux hommes de rendre des comptes en cas d’agression, le ministère de la Justice tente de m’empêcher d’exercer ce même droit. Je suis en colère! Je suis offensée!»

Les lecteurs de ce blogue savent qu’il ne s’agit pas du premier dossier où le ministère de la Justice, dirigé aujourd’hui par l’ex-juge fédéral Merrick Garland, adopte une position semblable au précédent, dirigé par William Barr.

(Photo Reuters et Getty Images)

20 réflexions sur “Affaire de viol : l’administration Biden au secours de Trump

  1. Nefer111 dit :

    Le Garland à bien berné tout le monde avec ses larmoiement, quand il parlait de sa famille déporté …
    Il va faire la guerre aux suprémacistes parce qu’ils s’en prennent aux synagogues mais sinon … pour le reste … on l’a ou je pense !

    1. J Pollock dit :

      Ben là…faudrait savoir ce que vous voulez…un DOJ à la solde de la présidence ou une straight separation of powers comme l’excerce Biden. Trouvez-vous pas que c’est une maudite bonne nouvelle que Biden ne sache pas ce que le DOJ fait dans cette affaire, comme dans celle des courriels des journalistes du NYT, qui a été montée en épingle ici?

  2. Léo Mico dit :

    Le DOJ est il en train de préparer les futures défenses de Trump avec l’argument : « Trump est un ancien président, il ne pourra jamais être condamné » ?

  3. Youno dit :

    Il faut distinguer entre la défense de la présidence et la défense de l’homme en poste. Ici le DOJ défend la présidence. On ne veut pas que les républicains parte à la chasse d’un président démocrate. Et une opinion du DOJ est qu’on ne peut inculper un président en fonction, mais lorsqu’il a quitté, oui. C’est pourquoi DJT va possiblement tenter de se représenter en 2024 si les enquêtes en cours n’aboutissent pas avant 2024.

  4. Achalante dit :

    Ma question est: est-ce que ça fait partie du travail d’un élu d’insulter et de diffamer ses adversaires? Un président a-t-il le droit de dire tout et n’importe quoi? J’aimerais avoir l’avis juridique de ces avocats pour savoir où se trouve la ligne…

  5. Madalton dit :

    On parle de la cause en diffamation mais est-ce que la cause du viol a été déposée par Carroll? Elle disait qu’elle avait encore la robe avec les preuve d’ADN.

  6. POLITICON dit :

    La démocratie va très mal chez notre voisin. Lorsqu’un pays édifie ses élites politiques au point de les rendre intouchables devant la Loi et la Justice, ca encourage la création des classes, accentue la distance entre riches et pauvres et permet à un gars comme Gaetz de s’en sortir pattes blanches peu importe les accusations.

  7. jeani dit :

    Si j’étais Mme Carroll, je serais « tellement » heureux que mes taxes servent à continuer à me détruire pour l’un des crimes les plus dégueulasse qu’un humain peut perpétrer.

    Ce que la « justice », mêlée à la politique, me laisse un arrière-goût ce matin!

  8. Apocalypse dit :

    Pour ce que ça vaut (i.e. mon opinion), je suis bien d’accord avec le juge de première instance; le ministère de la Justice n’aurait pas dû se mêler de cette histoire qui datait de bien avant que Donald Trump devienne – hélas – président des Etats-Unis. 😱

    Après un bon nombre de politiciens, le ministère de la Justice semble avoir oublié que lui aussi servait le peuple. Donc, quelqu’un du ‘petit’ peuple – E. Jean Carroll – a peut-être subi une grave injustice, mais notre priorité est de protéger la présidence qui, rappelons-le, doit être au-dessus des lois et ce petit peuple. 🤦‍♂️

    Laissez-moi deviner? On fait cela pour protéger un éventuel président démocrate? Durant la présidence, qu’on veuille protéger le président, vous pourrez me convaincre, mais en dehors, il doit y faire face à la même justice que TOUT le monde, autrement le système de Justice perd en crédibilité et les gens sont cyniques, ce qu’ils sont déjà.

    1. marie4poches4 dit :

      Non pas que je sois d’accord avec le DOJ mais on parle ici de la poursuite en diffamation donc cette histoire a bien eu lieu durant la présidence de 45.

      1. Madalton dit :

        La diffamation a eu lieu pendant la présidence. Le viol, lui, a eu lieu bien des années auparavant.

      2. marie4poches4 dit :

        @Madalton

        Est-ce que vous dites que le viol fait aussi partie de cette défense par le DOJ? Parce que moi je comprends que seulement la diffamation en fait partie.

      3. Madalton dit :

        @marie4poches4,

        Le DOJ défend Trump dans la cause de diffamation qui a eu lieu quand Trump était POTUS. Madame Carroll veut déposer sa preuve de viol durant ce procès. Cependant, la cause du viol est une cause criminelle et elle ne fait pas partie de la défense par le DOJ. Je ne sais pas si une accusation a été déposée pour ce viol allégué.

      4. el_kabong dit :

        l n’y a aucune poursuite criminelle pour le viol; Mme Carroll poursuit au civil pour diffamation, la prépondérance de la preuve étant différente au civil (de la même façon qu’O.J. Simpson n’a pas été condamné au criminel mais l’a été au civil).

  9. Apocalypse dit :

    @POLITICON – 08:11

    ‘Lorsqu’un pays édifie ses élites politiques au point de les rendre intouchables …’

    Même si ce n’était pas le cas qu’on veuille protéger à tout prix la présidence, c’est malheureusement l’impression que cela donne et donc, le mal est fait. La population va être encore plus cynique.

    Joe Biden et son administration auront beau dire qu’ils n’ont rien à voir avec cette décision, ce qui est sans doute le cas, les gens ne le verront pas de cet oeil et on parlera encore une fois, de justice à deux vitesses.

  10. brady4u dit :

    Peu importe qui occupe la présidence, le devoir du DOJ est de la défendre.

    Dès que l’on se met à mettre des noms à la place des règles de droit, il faudrait, selon d’aucuns, rétablir la Lynch Law.

    Le statement de Joe Biden est pour sauver la face politiquement.

  11. gl000001 dit :

    Redonnez-lui Twitter pour une semaine et que les médias n’arrêtent pas de parler de ça. Il va s’ouvrir la trappe et répéter sa diffamation. Comme il n’est plus en fonction, la chasse est ouverte 😉

  12. Alexander dit :

    Notre méconnaissance du fonctionnement des lois et de la justice nous pousse vers des raisonnements plus partisans du type, Barr défendait Trump ou Garland défendrait Biden.

    Le DoJ a une fonction légale bien particulière. Si les positions du temps de Barr sont maintenues sous l’angle d’un Garland, c’est sûrement que nous comprenons mal comment l’institution fonctionne et ce qu’elle doit défendre.

    Qu’on soit d’accord ou pas avec les résultats.

    Les lois sont écrites par l’Homme, donc bien imparfaites par définition.

    Mais un juriste répondra que la loi, c’est la loi.

    On verra pour la suite. Mais la fonction présidentielle est largement défendue par ladite loi.

  13. Gilles Morissette dit :

    Je comprends que la position du DOJ dans ce dossier peut porter à controverse et susciter des interrogations de la part de certains intervenants.

    On doit cependant comprendre que le système de justice américain diffère de notre système de justice.

    Les lois et les façons de faire sont différentes.

    Même si LA CHOSE est un être odieux, sans scrupule, sans honneur, un salaud de la pire espèce et tout ce que vous voudrez, il a droit, comme tout accusé, à une défense pleine et entière, advenant qu’il soit inculpé d’un crime ou qu’il fasse l’objet d’une poursuite.

    Même le pire enfoiré qui a commis le pire crime peut en bénéficier.

    C’est de cette façon que cela fonctionne dans une société de Droit où la Loi et la Constitution ont préséance.

    Toutefois, même si l’administration Biden prend ses distances au regard de la position de DOJ. Il n’en demeure pas moins que ça peut paraître plutôt mal aux yeux de l’opinion publique.

    Ça laisse entendre qu’un président même s’il n’est plus en fonction comme c’est le cas pour LA CHOSE, est INTOUCHABLE.

    Ça laisse également entendre que la politique peut intervenir dans certaines causes judiciaires impliquant des élus ou des ex-élus, même si cela bafoue le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs.

    C’est cela, pour moi, qui est difficillement acceptable.

    Boyton a beau tenter de justifier la position du DOJ par une certaine logique. il n’en demeure pas moins que la victime, Mme Carroll, comme toutes les victimes d’agressions sexuelles, a de bonnes raisons de se sentir humilié. C’est comme si elle subissait une autre agression.

    Donc, je pose la question suivante:

    Ne serait-on pas en présence d’une autre tentative des pions de « DiaperDon », encore présent au sein du DOJ, d’embarasser l’administration Biden, comme on l’a constaté hier dans un autre post de M. Hétu ( « La bataille secrète du Ministère de la Justice contre le New York Times, 07/06/2021 »)?

  14. lechatderuelle dit :

    le DOJ défend son indépendance et sa vision pour protéger les futurs Présidents….

    rien à voir avec machin …

    c’est de l’administration judiciaire, pas un parti pris….

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