Le blogue de Richard Hétu

Même s’ils appartiennent au même parti, Bill de Blasio et Andrew Cuomo ont souvent été à couteaux tirés. Le maire de New York dispose d’un budget massif mais le gouverneur de New York a le pouvoir d’empiéter dans ses champs de compétence, ce dont il ne se prive pas, ne serait-ce que pour prouver qu’il pisse plus loin que l’autre. Dans ce contexte, Bill de Blasio ravale souvent sa colère ou sa frustration, sachant que le sort de ses concitoyens est plus important que son égo. Mais il semble avoir abandonné toute réserve à la suite des allégations de harcèlement sexuel dont fait l’objet Andrew Cuomo.

Dimanche après-midi, faut-il rappeler, le gouverneur de New York a tenté de réajuster son tir en publiant une longue déclaration dans laquelle il s’est dit «vraiment désolé» que son comportement et ses commentaires aient pu être interprétés «comme du flirt non sollicité». «Au travail, je pense que je joue, que je fais des blagues que je crois drôles. Parfois je taquine les gens de façon que je pense bon enfant, en public comme en privé. Je comprends maintenant que mes interactions ont pu être insensibles ou trop personnelles et que certains commentaires, vu ma position, ont pu avoir chez certains des effets non intentionnés», a-t-il dit.

Les observateurs de longue date de la politique new-yorkaise ne se souvenaient pas d’une controverse où Andrew Cuomo se soit dit «désolé». À leurs yeux, le gouverneur doit se sentir vulnérable comme jamais pour en être venu à utiliser ce mot. Mais Bill de Blasio a ridiculisé sa déclaration ce lundi. Selon lui, cette déclaration n’avait rien d’un mea-culpa.

«En plus, il dit : ‟Oh, je plaisantais.” Le harcèlement sexuel n’est pas drôle! Qui diable essaie d’expliquer cela en disant que je ne faisais que plaisanter. Cela confirme encore plus un état d’esprit d’une toute autre époque que nous avons laissé derrière nous», a déclaré le maire de New York lors d’une émission radiophonique. Et d’ajouter : «Il y a peut-être d’autres histoires de ce genre, et tout le monde devrait se manifester, car nous devons connaître la vérité… Vous ne pouvez pas traiter quelqu’un de cette façon. On ne peut pas en rire, on ne peut pas le balayer sous le tapis.»

Deux anciennes collaboratrices d’Andrew Cuomo l’ont accusé de harcèlement sexuel. Lindsey Boylan, 36 ans, affirme notamment que le gouverneur lui a proposé de jouer au «strip-poker», lui a fait savoir qu’il l’a trouvait de son goût, l’a affublée du prénom de son amie de coeur de l’époque et l’a embrassée sur les lèvres sans son consentement.

Charlotte Bennett, 25 ans, dit que le gouverneur lui a posé des questions sur sa vie sentimentale et lui a demandé si elle avait déjà eu une relation sexuelle avec un homme plus âgé.

«Cela m’a rendu malade. Cela m’a rendu malade, la pensée d’un homme puissant essayant de tirer profit de son pouvoir, d’intimider une jeune femme», a déclaré de Blasio, ajoutant que si les affirmations de Lindsey Boylan ou Charlotte Bennett sont vraies, Cuomo «la traitait comme si elle était sa propriété. C’est tout simplement dégoûtant, effrayant».

De Blasio réclame une enquête sur les allégations de harcèlement sexuel visant Cuomo. Il est déjà entendu que la procureure générale de New York Letitia James nommera une personne pour mener cette enquête et que cette personne aura le pouvoir d’assigner des témoins à comparaître et à produire des documents.

Le bureau du procureur fédéral de Brooklyn et le FBI mènent déjà une enquête sur la façon dont l’administration Cuomo a géré la pandémie de coronavirus dans les établissements pour personnes âgées de New York. Bref, ça va très mal pour le héros du printemps dernier.

(Photo AP)