Le blogue de Richard Hétu

Le 12 décembre 2000, la Cour suprême des États-Unis, par 5 voix contre 4, refusait de permettre à la Floride de compléter un recomptage des bulletins de vote déposés lors de l’élection présidentielle du 7 novembre 2000 avant la rencontre des grands électeurs de l’État, prévue six jours plus tard. Par cette décision rendue par une majorité de juges nommés par des présidents républicains, George W. Bush remportait la Floride par 537 voix ainsi que les 25 grands électeurs de l’État. Il accédait ainsi à la présidence avec un total de 271 grands électeurs, soit un de plus que le minimum nécessaire.

Le 13 décembre 2020 marquera un autre anniversaire, celui du discours de concession d’Al Gore au lendemain de l’arrêt Bush c. Gore de la Cour suprême. Pour mémoire : le vice-président avait remporté le vote populaire par 500 000 voix et perdu la Maison-Blanche au Collège électoral dans des circonstances qui avaient fait crier au vol bon nombre de démocrates. Certains membres de son entourage lui avaient recommandé de continuer à se battre. Il n’en avait rien fait, concédant plutôt la victoire au gouverneur du Texas lors d’une brève allocution qui, avec le recul, tranche avec les jérémiades lamentables du 45e président.

«Il y a quelques instants, je me suis entretenu avec George W. Bush et je l’ai félicité d’être devenu le 43e président des États-Unis. Et je lui ai promis que je ne le rappellerais pas cette fois-ci», avait déclaré d’entrée Al Gore avec une pointe d’humour. Lors de la fameuse soirée électorale du 7 novembre, il avait concédé la victoire à son rival avant de revenir sur sa décision aux petites heures du matin lors d’un appel téléphonique glacial.

Et d’ajouter : «Il y a près d’un siècle et demi, le sénateur Stephen Douglas a déclaré à Abraham Lincoln, qui venait de le battre pour la présidence: ‟Le sentiment partisan doit céder le pas au patriotisme. Je suis avec vous, Monsieur le Président, et que Dieu vous bénisse”. Dans le même esprit, je dis au président désigné Bush que ce qui reste de rancœur partisane doit maintenant être mis de côté, et que Dieu bénisse sa gestion de ce pays. […]

«Maintenant, la Cour suprême des États-Unis s’est prononcée. Qu’il n’y ait aucun doute, bien que je ne sois pas du tout d’accord avec la décision de la cour, je l’accepte. J’accepte le caractère définitif de ce résultat qui sera ratifié lundi prochain par le Collège électoral. Et ce soir, au nom de notre unité en tant que peuple et de la force de notre démocratie, j’offre ma concession. J’accepte également la responsabilité, dont je m’acquitterai sans condition, d’honorer le nouveau président désigné et de faire tout mon possible pour l’aider à rassembler les Américains dans l’accomplissement de la grande vision que notre Déclaration d’indépendance définit et que notre Constitution affirme et défend.»

Comme quoi un perdant peut s’élever.

(Photo History.com)