Le blogue de Richard Hétu

Dans un livre sur Joe McCarthy, dont il avait été le bras droit durant la «chasse aux sorcières» contre les communistes dans les années 1950, l’avocat Roy Cohn expliquait aux lecteurs des années 1970 comment un homme si influent et intimidant était devenu du jour au lendemain une figure ridicule et pitoyable. «Les auditions [sur l’armée] ont sans aucun doute été un revers», écrivait-il en faisant allusion à ces auditions sur l’infiltration présumée des communistes au sein de l’armée américaine au cours desquelles le conseiller juridique de l’armée, Joseph Welch, marqua les esprits en disant au sénateur McCarthy : «Vous en avez fait assez. N’avez-vous enfin aucun sens de la décence, monsieur? Ne vous reste-t-il aucun sens de la décence?»

«Mais il y avait d’autres raisons, peut-être plus fondamentales, à son déclin», ajoutait Cohn. «À la fin des auditions, McCarthy avait été au centre de l’attention nationale et mondiale pendant trois ans et demi. Il avait un message universel urgent, et les gens, tant ceux qui l’idolâtraient que ceux qui le détestaient, l’écoutaient. Presque tout ce qu’il a dit ou fait a été consigné.»

Or, «la nature humaine étant ce qu’elle est, tout acteur exceptionnel sur la scène des affaires publiques – et en particulier un titulaire d’une haute fonction – ne peut pas rester indéfiniment au centre de la controverse. À la longue, le public a perdu son intérêt pour lui et sa cause. Et Joe McCarthy n’avait plus rien d’autre à offrir que la même chose.»

J’ai cité ces mots dans un article paru dans La Presse en août dernier en pensant qu’ils pourraient un jour s’appliquer à Donald Trump. Je pense encore que ça pourrait être le cas. D’où mon scepticisme sur la capacité du président de continuer à dominer le Parti républicain jusqu’en 2024 ou même de mettre sur pied une chaîne en ligne qui reprendrait ses jérémiades et connaîtrait le succès.

D’autant que l’homme risque d’être diminué par les enquêtes et les poursuites dont il fera l’objet, de même que par le poids de ses dettes, comme le souligne la chroniqueuse du New York Times Michelle Goldberg dans un article intitulé «L’après-présidence d’un escroc».

C’est peut-être en pensant à cette réalité, à la date de péremption de son influence et de son pouvoir, que Donald Trump s’enlise dans un déni pathétique depuis plus d’une semaine.

(Photo AFP/Getty Images)