Le blogue de Richard Hétu

Le hasard veut que Donald Trump et Joe Biden participeront mardi soir à leur premier débat télévisé à Cleveland, la même ville où, il y a 40 ans, Ronald Reagan a affronté Jimmy Carter dans leur unique duel télévisé de la campagne de 1980 et dissipé les doutes sur ses capacités d’occuper la fonction de président. Même s’il jouit aujourd’hui d’une situation dans les sondages plus favorable que celle de Reagan, Biden pourrait sceller l’issue de l’élection présidentielle du 3 novembre en offrant une performance semblable à celle du Gipper.

Carter, président aux prises avec une mauvaise situation économique et un problème lancinant sur la scène internationale (la prise des otages américains en Iran), était au coude à coude avec Reagan dans les sondages au moment de leur débat. Celui-ci était survenu très tard dans la campagne (le 28 octobre, pour être précis, soit à quelques jours du scrutin).

Jusque-là, Carter avait dépeint le candidat républicain comme un danger pour la planète en raison notamment de sa proposition de décupler l’arsenal nucléaire des États-Unis. Ses alliés et les médias avaient ajouté au portrait de l’ancien acteur et gouverneur de la Californie en le décrivant comme un idéologue de droite pas trop intelligent et, à 69 ans, probablement trop vieux pour occuper le Bureau ovale.

Au lendemain du débat, les avis étaient partagés sur le verdict. Bon nombre d’observateurs avaient conclu que Carter avait remporté la bataille des idées et Reagan celle de l’image. Le Plain Dealer de Cleveland, de son côté, avait refusé de déclarer un vainqueur.

Avec le recul, cependant, les historiens ont vu ce débat comme un facteur majeur de la victoire électorale sans appel de Reagan quelques jours plus tard. Les Américains étaient prêts à virer Carter et le candidat républicain, par sa performance, les avait rassurés.

L’histoire retient deux répliques de Reagan. L’une est intervenue à la toute fin du débat lorsque le futur président, en s’adressant aux téléspectateurs, leur a demandé : «Êtes-vous dans une meilleurs situation aujourd’hui qu’il y a quatre ans?» L’autre est survenue après une intervention où Carter avait accusé son rival d’avoir opposé Medicare, le populaire programme d’assurance santé pour les personnes âgées.

En inclinant la tête d’un côté et en souriant, Reagan avait répliqué : «Here you go again.» Et c’en était fait de Carter.

Joe Biden n’affrontera évidemment pas un Jimmy Carter en Donald Trump. Il devra éviter de se laisser ensevelir sous une avalanche de propos mensongers et d’attaques personnelles. Mais il pourrait lui suffire d’une ou deux répliques bien placées pour régler le sort du président sortant.

(Photo AP)