Le blogue de Richard Hétu

À la mi-novembre, Donald Trump a fait fi de l’opposition des responsables du Pentagone, graciant deux militaires accusés de crime de guerre et réhabilitant un troisième. Le cas du troisième soldat, le Navy Seal Eddie Gallagher (photo), a mené dimanche soir au congédiement du chef de la Marine, Richard Spencer, après un désaccord avec Donald Trump sur le traitement qui devait lui être réservé.

Résultat : l’homme qui a refusé de fermer les yeux sur un crime de guerre part et celui qui a été condamné reçoit l’appui du président. C’est, en quelque sorte, le triomphe des valeurs de Fox News.

La chaîne préférée de Donald Trump et d’autres médias conservateurs ont mené une longue campagne d’appui en faveur d’Eddie Gallagher, accusé d’avoir poignardé à mort un détenu de l’État islamique, en Irak. Il a été acquitté de cette charge après un coup de théâtre lors de son procès – un témoin a changé sa version des faits à la dernière minute. Il a néanmoins été condamné pour avoir posé sur une photo avec le cadavre du jeune détenu.

Fox News et ses semblables ont également défendu les causes du premier lieutenant Clint Lorance, condamné en 2013 pour avoir ordonné le meurtre d’un groupe de trois civils, en Afghanistan, et du major Mathew Goldsteyn, ancien membres des Bérets Verts, accusé du meurtre prémédité d’un Afghan non armé, en 2010.

Comme le rappelle aujourd’hui le Washington Post dans un éditorial, Donald Trump a résumé en octobre dernier sa pensée sur ces criminels de guerre traités comme des héros par Fox News et cie. «Nous formons nos gars pour qu’ils deviennent des machines à tuer et nous les poursuivons lorsqu’ils tuent!» a-t-il tweeté.

Sur Twitter, l’ancien amiral et haut responsable de l’OTAN, James Stavridis, avait rappelé que «nous ne formons pas des machines à tuer» mais des «machines pensantes qui font les choix éthiques difficiles au combat». Selon lui, les graces présidentiels allaient «affaiblir» l’armée.

Dans le cas de Gallagher, Donald Trump s’est opposé à la mise en place d’un panel qui devait décider si le Navy Seal devait conserver une prestigieuse décoration militaire et être exclu de l’unité d’élite. Richard Spencer, chef de la Marine, entendait aller de l’avant avec ce panel malgré un tweet publié par le président jeudi dernier affirmant qu’il n’était pas question que la Marine punisse Gallagher.

Selon le New York Times, le tweet a consterné les hauts gradés de la Marine et incité le chef de la Navy à menacer de démissionner. Il a plutôt été viré dimanche soir par le secrétaire à la Défense, Mike Esper. Celui-ci a reproché à Spencer d’avoir passé au-dessus de sa tête pour négocier en secret un accord avec la Maison-Blanche promettant que le panel ne punirait pas Gallagher si Donald Trump n’intervenait plus publiquement dans le dossier.

Cette version, qui est accueillie avec scepticisme, ne concorde pas avec la lettre publiée dimanche soir par Richard Spencer après son congédiement, lettre que je cite dans le billet précédent.

Chose certaine : dans ce dossier comme dans plusieurs autres, ce n’est ni les valeurs et ni les traditions des institutions américains qui triomphent, mais celles de Fox News.