Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

En nommant John Paul Stevens à la Cour suprême des États-Unis en 1975, le président républicain Gerald Ford ne s’attendait pas à ce que cet avocat républicain originaire de Chicago, décédé hier à l’âge de 99 ans, devienne un jour le pilier de l’aile progressiste de la plus haute instance américaine. C’est pourtant ce qui s’est produit – et qui ne se reproduira peut-être plus jamais dans un pays où les juges fédéraux semblent considérer que leur fonction consiste à défendre les intérêts d’un parti.

Dans une chronologie publiée par le New York Times, Linda Greenhouse note deux facteurs pouvant expliquer l’évolution de John Paul Stevens, qui s’est retiré en 2010. Elle évoque d’abord les critiques de l’administration Reagan concernant les précédents de la Cour suprême découlant de l’application des dispositions du «Bill of Rights» non seulement au gouvernement fédéral mais également aux gouvernements des États. Dans un discours prononcé en 1985, le juge Stevens avait notamment reproché au procureur général de l’époque, Edwin Meese, d’«ignorer la profonde importance de la guerre de Sécession et des amendements de l’après-guerre sur la structure de notre gouvernement».

Greenhouse cite ensuite l’opinion de John Paul Stevens selon laquelle «l’apprentissage sur le tas est essentiel au processus» qui permet de rendre des jugements éclairés. Au fil des ans, le juge a notamment exprimé dans diverses décisions son opposition à la façon dont la peine de mort était appliquée et, plus tard, à la peine de mort elle-même. Il a également participé à des décisions importantes protégeant les minorités raciales.

Pendant l’administration Bush II, John Paul Stevens a aussi signé, au nom de la majorité, des arrêts clés limitant les pouvoirs de la présidence dans sa guerre contre le terrorisme. Et il a pondu des opinions dissidentes mémorables, notamment sur la décision de la Cour suprême, par 5 voix contre quatre, mettant fin aux recomptages des votes en Floride et donnant les clés de la Maison-Blanche à George W. Bush en 2000.

Selon lui, cette décision ne pouvait que «donner du poids au jugement le plus cynique sur le travail des juges d’un bout à l’autre du pays». Après l’imbroglio de la Floride et l’intervention de la Cour suprême, «le perdant est évident». Il s’agit de «la confiance du pays dans un juge qui soit le gardien impartial de l’État de droit», avait-il écrit.

(Photo Getty Images)

14 réflexions sur “L’évolution d’un juge

  1. gl000001 dit :

    Parfois, les gens changent !

    1. Henriette Latour dit :

      gl000001

      C’est la différence entre un homme intelligent et un abruti!

      1. gl000001 dit :

        Les femmes ne changent pas ? 😉 😉 😉
        Elles essaient de changer leurs hommes 😉 😉 😉

      2. Michèle dit :

        « Elles essaient de changer leurs hommes »
        C’est pour les rendre encore meilleurs! 😉😉😉

  2. Normand Latour dit :

    Et c’est le début de la fin…
    À partir du moment ou sont nommés les juges, en fonction de leurs allégences par le parti au pouvoir, ce n’est qu’une question de temps.

    Ce n’est vraiment pas une nouvelle procédure. Cependant, son effet « backlash » va s’accentuer et est accéléré par les propos et décisions irréfléchies de Trump.

    Lorsque le peuple Américain aura perdu confiance en sa plus haute instance juridique, et ça s’en viens vite, ça va péter solide…
    Selon moi, ça ne prendra pas des décennies…

    1. Lecteur-curieux dit :

      Backlash je vois plus cela comme un ressac réactionnaire. Et pas juste l’inverse. Il y a eu un ressac contre Obama mais contre Trump ce n’est pas un ressac.

      Les contraires s’attirent donc avec Trump au final le progressisme pourrait finir par se lever et plus fort que jamais mais pas besoin d’être masochiste et de lui laisser faire deux mandats.

  3. Madalton dit :

    Pour ajouter au texte de monsieur Hêtu, voici un texte que j’ai lu hier soir sur ce juge qui a dit que Trump s’était accaparé des droits qui ne lui appartenaient pas. Qu’il n’était plus sur qu’il était républicain.

    https://www.politicususa.com/2019/07/16/ex-scotus-justice-john-paul-stevens-dies-trump.html

  4. Lecteur-curieux dit :

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/John_Paul_Stevens

    Lui se voyait comme un conservateur modéré mais son parcours est plus celui d’un progressiste.

    Et sur sa carrière d’avocat? Il luttait contre les trusts. Ce qui est très bien mais qui est plus libéral que conservateur.

    Pourquoi était-il républicain? Et en quoi se définissait-il comme conservateur ? Mais modéré.

    Il y a tellement de variantes possibles et il faut remonter en 1975 en 1970 et avant.

    C’est comme ma dame démocrate du Texas je ne la vois pas autrement que progressiste mais elle était républicaine sous Reagan et encore sous Bush père mais elle est bien plus jeune que feu ce juge.

    L’appartenance à une famille politique allait au-delà.

    Je n’imagine pas notre Gary Carter feu Gary être un partisan de Trump. Il était pourtant républicain.

  5. Lecteur-curieux dit :

    https://en.m.wikipedia.org/wiki/John_Paul_Stevens

    Je le vois comme un libéral dès le départ mais attention les définitions sont inversées aux États-Unis.

    Les lois antitrust c’est libéral économique mais cela peut aussi être socialiste.

    Conservateur cela peut être pour l’histoire aussi.

    J’aime mieux le diagramme de Nolan il y a au moins 4 quadrants mais c’est insuffisant. Est-il l’équivalent d’un left libéral proche du centre ou plus d’ un tes tory s’il avait été canadien ou noblesse obligée chez les Britanniques.

    Et faudrait voir des démocrates et républicains de 1975 et avant.

    Il y a toujours évolution mais il y a aussi compréhension de la réelle identité.

  6. kintouai dit :

    Ce juge fait démentir le dicton qui veut que « les meilleurs partent en premier ».

    Dans un autre ordre d’idées, on a une belle illustration de la mentalité tordue et belliqueuse des Amaricains dans la série «Walking Dead». Pour celles et ceux qui n’ont pas vu cette série, un virus quelconque crée un monde de zombis, dont la seule préoccupation est de se nourrir des vivants qui restent. Or, au lieu de s’entraider pour lutter contre ce fléau, que font les vivants ? Ils se battent entre eux pour le pouvoir, leurs clans étant bien souvent sous la coupe de malades mentaux du genre Trump.

    « Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange. »
    Alfred de Musset

    1. chrstianb dit :

      @kintouai
      Avez-vous déjà vu une série post-apocalyptique où les gens font autre chose que de se battre et de s’entretuer ?
      Moi, non. Et j’en ai marre…

      1. Achalante dit :

        Mais une série post-apocalyptique où les gens s’organisent et s’entraident sans drame, ça ne ferait pas de grosses cotes d’écoute…

  7. Richard Desrochers dit :

    Corrigez-moi si j’erre. Les nominations partisanes des juges de la SCOTUS ont un effet pervers, étant donné que ceux-ci sont en fonction plus longtemps que le gouvernement qui les nomme. Si les Démocrates étaient au pouvoir en 2020 avec une SCOTUS majoritairement ou totalement pro-républicaine, il y aura un décalage entre l’adoption des lois et leur contestation en cours, décalage qui ne pourra être rattrapé que si un gouvernement démocrate parvient à nommer des juges favorables à leurs causes, ce qui dépend de la vitesse des décès et des démissions des juges, et de la vitesse à laquelle une cause arrive à la Cour. Tout ce que se retrouve à la SCOTUS en vient à en faire une troisième chambre, mais qui n’agit pas nécessairement durant le mandat du gouvernement

  8. V-12 dit :

    Il neige abondamment et il fait froid à fendre les pierres. Les routes sont désertes, les gens se terrent chez eux. Un semi-remorque se retrouve en panne au bord de la route. Le moteur est en panne et le service de téléphone cellulaire ne fonctionne pas. Le conducteur a regardé s’il pouvait faire quelque chose, mais ne trouve pas le problème. Il attend des secours patiemment dans le camion.

    1-2 heures passent. Plus de chauffage, plus rien. Le chauffeur commence à avoir froid et décide de sortir du camion et de continuer à pieds pour trouver des secours. Il est gelé, mais c’est mieux que de ne rien faire dans son camion. Après à peine quelques minutes, il voit une bâtisse éclairée, il y a du monde! Il entre demander des secours et se réchauffer. Le lendemain seulement, un dépannage va sortir le camion de là.

    Le chauffeur qui serait probablement mort de froid s’il était resté dans le véhicule, se fait mettre à la porte par sa compagnie qui lui repproche d’avoir brisé une clause de son contrat exigeant qu’il n’abandonne jamais son véhicule en cas de bris.

    L’employé a poursuivi son employeur mentionnant qu’il ne pouvait rester là au péril de sa vie. Il a perdu en cour d’appel. Le juge? Neil Gorsuch qui a démontré un manque de jugement évident en se rangeant du côté de l’entreprise au mépris de la possible perte de vie d’un employé.

    Alors oui, ils sont rares les juges comme Stevens.

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