Le blogue de Richard Hétu

Mardi, c’était journée de primaires en Virginie, un des rares États à avoir des élections aux années impaires. Tout électeur inscrit pouvait y participer, sans devoir s’enregistrer comme membre d’un parti, contrairement à la pratique de la plupart des États. Après une campagne âpre, les résultats étaient plutôt mitigés.

Un peu de contexte d’abord. En Virginie, l’Assemblée générale est constituée de deux chambres: les sièges de la Chambre des délégués sont soumis au scrutin à chaque deux ans, tandis qu’au Sénat, c’est aux quatre ans. L’Assemblée a été sous contrôle unique des démocrates jusqu’aux années 1990. Depuis, ce sont les républicains qui ont la mainmise sur les deux chambres, pratiquement sans interruption. Le gouverneur et le lieutenant-gouverneur sont élus au suffrage direct et plus d’alternance y est observable. Les deux rôles sont d’ailleurs assumés par des démocrates depuis les élections de 2018. Les électeurs sont aussi appelés à élire différents officiels: shérifs, procureurs, etc. C’est un des États où les tentatives de gerrymandering sont les plus agressives. Lors des dernières élection législatives, les démocrates avaient reçu 54% du vote, soit 9% de plus que les républicains, mais ces derniers y ont obtenu 63% sièges. Un récent jugement risque de faire diminuer cette marge en mettant fin à un découpage qui favorisait les républicains. On s’attend donc à une vague bleue dans l’État cet automne.

Le débat est donc féroce en politique virginienne: Richard et moi avons déjà discuté des multiples scandales y ayant éclaté cette année (ici, ici et là). Mais la Virginie n’est pas un État baromètre: il est difficile de généraliser les résultats au reste du pays alors que ses électeurs ont une grande volatilité politique.

Pourquoi s’intéresser aux primaires alors? C’est un terrain où l’on teste les idées qui influenceront les prochaines campagnes électorales nationales. Et c’est un avant-goût des tendances avant les élections automnales. Pour le moment, il semble qu’il n’y ait justement pas de tendances claires.

Côté démocrate, plusieurs politiciens aguerris ont vu leur siège menacé par l’aile gauche. Ainsi, le sénateur démocrate Richard Saslaw a dû faire face à sa première opposante dans une primaire en 40 ans : Yasmine Taeb, une jeune irano-américaine qui défend les idéaux de la branche démocrate-socialiste et appuie Bernie Sanders. Saslaw a remporté la primaire avec 48,5% des votes, alors que sa rivale en a eu 45,4%. Quelques socialistes ont cependant été choisis, dont le délégué sortant (et très contesté) Lee Carter. Deux socialistes ont remporté des primaires comme procureur : Parisa Dehghani-Tafti et Steve Descano.

On ne peut donc pas parler d’une vague, mais de percées. N’empêche, une seule élue démocrate mise au ballot a perdu sa nomination: Rosalyn Dance, une Afro-Américaine soutenue par le gouverneur Ralph Northam, embourbé dans son récent scandale de blackface. Dance a perdu contre Joe Morrissey, qui a servi une peine de prison pour avoir eu des relations sexuelles avec une adolescente, qu’il a mariée par après. Le nouveau candidat démocrate, un homme blanc dans un comté majoritairement afro-américain, a mené une campagne farouche, se positionnant comme un candidat anti-élite.

Chez les républicains, trois des élus sur les 19 qui ont rallié les démocrates pour étendre la couverture de santé en Virginie ont vu leur investiture aux prochaines élections remise en question (plusieurs de leurs alliés ont pris leur retraite). Les résultats: un a remporté la victoire, un second a perdu et le sort du troisième se règlera en cour, même si à première vue il devrait l’emporter. Pas non plus de bouleversements majeurs au Grand Old Party malgré la campagne aggressive.

Il y a donc une odeur de roussi qui émane de cette campagne, mais l’incendie a été maitrisé des deux côtés. Il faudra voir en novembre prochain si les électeurs, eux, seront du même avis.

P.S. : Je me joins à Richard pour vous inviter à participer à l’avant-dernière campagne de financement de ce blogue en 2019. Merci à l’avance de votre soutien!

(Photo AP)