Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

On annonçait le chaos : les chauffeurs d’Uber et de Lyft, les deux principales compagnies à offrir un service de partage de transport aux États-Unis, annonçaient une grève. Leur objectif : demander de meilleures conditions de travail, tout en dénonçant une politique de paiement qui n’est pas fondée sur le partage entre chauffeurs et grands patrons. Pire, l’algorithme ne laisse aucun contrôle aux chauffeurs, obligeant plusieurs à vivre sous le seuil de la pauvreté.

L’apocalypse annoncé n’a pas eu lieu : ni les prix, ni le temps d’attente n’a augmenté. En fait, la grève a été complètement invisible à Washington, alors qu’on voulait y envoyer un signal politique fort. À New York, pareil.

Pourtant, contrairement à plusieurs autres marchés étrangers où leurs services sont remis en question (pour ne pas dire carrément contestés), Uber et Lyft ont rencontré relativement peu d’obstacles aux États-Unis. Il est même inquiétant de voir à quel point ces compagnies ont été normalisées, au point même où la société des transports du district de Columbia songe à remplacer certains segments de transport en commun par des parcours subventionnés en Uber.  Si vous n’êtes pas convaincus que ce n’est pas une bonne idée, je vous recommande de lire ceci

Pourtant, ce n’est pas comme si le modèle se montrait très viable dans le marché américain. Lyft annonçait en début de semaine une perte de 1 milliard de dollars. La compagnie, qui a fait son entrée en bourse en mars dernier, a vu ses actions diminuer de 20% depuis. Uber, qui doit entrer en bourse vendredi, n’a pas un profil économique plus reluisant.

Le questionnement persiste : comment ces applications, toujours non-rentables, finiront-elles par l’être? Bloomberg souligne que l’inscription en bourse ne sera pas la panacée voulue.

Uber et Lyft continuent de miser sur la dépendance des consommateurs. Avant-hier, alors qu’il y avait une pluie diluvienne justifiant une augmentation des prix, j’ai dû traverser un groupe de cinq personnes dans le portail d’un restaurant, tous fixaient leur téléphone, attendant une voiture assignée. Uber et Lyft me demandaient environ 18$ et 10 minutes d’attente. Aussitôt sorti, je hèle un taxi. Deux s’arrêtent. Coût de la course: 10,25$, pas d’attente. Un autobus me suit du restaurant jusqu’au coin de ma rue (coût si je l’avais pris: 2$).

L’histoire n’a rien de bien originale. Mais elle représente très bien comment les Américain sont devenus dépendants des «solutions de mobilité», comme Uber se targue d’être, réduisant ainsi le service public et réduisant les options abordables disponibles. Alors que commence à apparaître différentes régulations pour contrer les effets négatifs de cette dépendance et pour instituer un minimum de respect du droit du travail, une bataille pour l’avenir du transport devra se mettre en branle.

Pour le moment, la grève invisible des chauffeurs ne changera rien à cette situation.

(Photo AP)

27 réflexions sur “Jour de grève (fantôme) pour Uber et Lyft

  1. _cameleon_ dit :

    Le modèle de la soit disant ‘économie de partage’ est une arnaque et un mensonge.
    A Montréal, on a déréglementé l’industrie du taxi et dépossédé les détenteurs de permis qu’ils on payé une petite fortune pour soit disant moderniser l’industrie. Le lobbying de compagnies comme Uber n’est sans doute pas étranger à cette loi sauvage. Le ministre des transport a même de la famille dans une compagnie semblable …

    1. gl000001 dit :

      Je seconde. Et je boycotte Uber.

      1. Haïku dit :

        Le pourboire ce retrouve dans votre humour noir. Non?😉

      2. Lecteur_curieux dit :

        Prendre l’autobus c’est intelligent.

        Dans un trajet que je connaissais pas encore il y a 3 ans je pensais à encourager des taxis mais au final cela se faisait bien en autobus.

        Tiens Coop-Taxi eux avaient ou ont des taxis colorés… Ah pas besoin et on débarque peu avant le métro Beaubien et on découvre une micro-brasserie. Parfait cela.

        On voit plus de monde en autobus bien qu’avec un chauffeur de taxi cela peut être plus personnalisé.

        On reste dans un autre monde c’est il y a des 32 ans et plus que je prenais plus les taxis et avec plus de souvenirs. Sinon un il y a 2 ans. Juste au besoin vraiment.

    2. Benton Fraser dit :

      Sous prétexte d’évolution technologique, Uber se démarque avant tout sur le transfert d’argent dans les paradis fiscaux.

      En France, lorsqu’il y a eu les attentats à Paris, (Bataclan en autre) Uber a majoré les prix multiplié par 5-6 alors que les compagnies de taxi offraient le service gratuitement!

      1. Haïku dit :

        Benton

        Ouch!! 👌

  2. Réal Tremblay dit :

    En lisant l’article complémentaire au vôtre, une image m’est venue à l’esprit; un beau mirage à l’horizon et soudain tout se dissipe et on voir apparaître une centre-ville plein de fumée, il fait chaud et c’est long long long. On dirait  » Blade Runner  » la pluie et les autos volantes en moins. Un peu extrême mais qui sait ce que l’avenir nous réserve.

    1. Haïku dit :

      Réal Tremblay

      « Taxi Driver » Martin Scorsese/Robert De Niro?

      1. Réal Tremblay dit :

        Encore mieux.

    2. gl000001 dit :
      1. Haïku dit :

        Merci pour le lien.
        Andy Kaufman était littéralement mort de rire .😎

  3. Boozadvisor dit :

    Eille leurs boss doivent-ti assez rire d’eux autres?! Foutus lâches! Ça prend du courage pour faire la grève, pis ces foutus-là en n’ont pas! Toujours the easy way avec eux: une voiture assez décente, une petite formation pis paf ça peut aller voler le pain et le beurre de vrais chauffeurs de taxi avec un permis en bonne et dûe forme gagné légalement a la sueur de leurs fronts!
    Je me félicite encore aujourd’hui de n’avoir JAMAIS encouragé ces entreprises au capitalisme sauvage et leurs « employés » si lâches!

    Pis à ceux qui oseront dire que la grève ne sert à rien et bien laissez-moi vous dire que le conflit de travail que j’ai traversé au cours des deux dernières années, dont 10 jours de grève, m’a permis de gagner des avantages qu’on me faisait miroiter que dans 8 à 10 ans!

  4. kintouai dit :

    «Les travailleurs ubérisés sont les prolétaires du XXie siècle» (https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/07/les-travailleurs-uberises-sont-les-proletaires-du-xxie-siecle_5446826_3224.html).

    Et cette prolétarisation nous vient directement de ce shithole que sont les USA, où le mot «socialisme» effraie tellement ces connards d’Américains qu’ils sont prêts à vendre leur droit d’aînesse pour un plat de lentilles. Ça se fait entuber par des séquoias et ça en redemande ! Peuple de tarés !

  5. chrstianb dit :

    Article qui fait réfléchir dans La Presse Auto.
    En chapô:

    Les trajets en Uber ou en Lyft remplacent souvent des déplacements à pied, à vélo ou en transport en commun à San Francisco et ont contribué à une hausse importante des embouteillages en centre-ville, concluent des chercheurs dans une étude mercredi.

    https://auto.lapresse.ca/201905/08/01-5225249-les-bouchons-ont-empire-a-san-francisco-a-cause-de-uber-et-lyft.php

    Dans Sciences Advances, l’article sur San Francisco:
    https://advances.sciencemag.org/content/5/5/eaau2670

    L’article sur New-York:
    http://www.schallerconsult.com/rideservices/unsustainable.pdf

    1. Lecteur_curieux dit :

      Rien de pire que tourner en rond en char en ville du moins trop longtemps pour se chercher du stationnement.

      Je veux sortir de l’auto! Même le transport en commun si cela ne sauve pas assez de temps je préfère marcher et même s’il est gratuit. Oui il y a une certaine gratuité pour des trajets locaux en banlieue.

  6. Gilbert Duquette dit :

    Voici ce que devait être la philosophie d’Uber en 2009.

    Uber devait changer les habitudes de consommation du transport des populations urbaines, de réduire le nombre de véhicules particuliers et de devenir acteur d’un écosystème de transports partagés. Les automobiliste pour arrondir leurs fin de mois pouvaient devenir chauffeur Uber (tout en utilisant leur propre auto)

    Aujourd’hui bien des Chauffeur Uber sont devenu chauffeur à temps plein. Ce n’était pas le but premier d’Uber. à moins que ce but premier (de belles promesse d’auto partage) ne fut que pour la galerie et que le but véritable d’Uber était de devenir un monopole et ramasser les $$$$$$

  7. V-12 dit :

    Uber, Lyft…

    C’est comme être associé chez Walmart. Associé dans le travail, mais pas dans le profit.

    1. karma278 dit :

      En effet, quelle perversion du langage quand on ose équivaloir employé au salaire minimaliste et associé. Vive le « free trade », la seule chose gratuite dans ce monde où même la santé est à vendre.

      Aussi fou que l’autre ke-klown qui tente de nous faire avaler que les changements climatiques sont une bonne nouvelle.

      1. Haïku dit :

        « Scott Pruitt » ?

  8. Lecteur_curieux dit :

    Cela parle beaucoup d’Uber au Québec aussi mais c’est tellement pas ma tasse de thé.

    Je ne prends jamais de taxi à Montréal. Je marche ou je prends le métro et possiblement parfois un bus.

    Le bus pour se rendre à Montréal. Le taxi de manière occasionnelle. Ma préférence était la station de taxi mais il y en a pas partout. Alors on appelait ou on demande à quelqu’un d’appeler. Le smartphone ? Sur le Wi-Fi le plus possible.

    Je suis donc d’une autre génération. La technologie ne fait absolument pas peur mais l’utilisation faite est différente.

    Une application cela en plus prend de la mémoire pour rien. Ils veulent que je me procure un iPhone et neuf plutôt qu’un smartphone de base ? Ok on peut acheter de la mémoire supplémentaire et du temps d’antenne aussi pour nos prépayés.

    Bon maintenant allons voir les états financiers Lyft.

  9. Lecteur_curieux dit :

    https://finance.yahoo.com/quote/LYFT/cash-flow?p=LYFT On a vu les nouvelles mais les états financiers nei sont pas reproduits.

    Les cash flow , flux monétaires en français sont plus importants que les pertes comptables. Ce sont les FMGO ceux générés par les opérations qu’il faut regarder. Et il faut actualiser ceux futurs. C’est une entrée récente en bourse , cela vaut combien ? Qui peut anticiper vraiment les cash flow futurs et à quel taux on les actualise ?

    C’est un secteur plus risqué aussi. Je passe. Les petits investisseurs prudents ou encore les fonds communs détenus n’investissent pas là-dedans. Pas les nôtres.

  10. Yannick dit :

    Je dois émettre un avis contraire à l’article et aux autres commentaires.

    Naturellement j’ai lu les conclusions par rapport aux hausses de congestion routière et de réduction d’utilisation de transport en commun.

    Je partage le même desarrois par rapport à la diminution de l’utilisation des transports en commun, toutefois je la tempere puisque j’estime que la raison est qu’Uber/Lyft offrent une solution de rechange abordable (ce qui n’est pas le cas de l’industrie du Taxi).

    Pour ce qui est de l’augmentation de la congestion routière en ville, mon seul commentaire est qu’avant de limiter le nombre de voitures Uber offrant du covoiturage en ville, vaudrait mieux limiter les voitures individuelles ou les taxis transportant un seul passager (personnellement, je préférais encore mieux des centres-villes entièrement piétonnier).

    Je pense qu’un service de covoiturage Uber a sa place lorsqu’on peut s’eviter plusieurs transferts sur un transport ou lorsque les transports en commun sont carrément fermés. Je n’ai d’ailleurs pas lu de bon argument à l’effet contraire.

    Pour ce qui est des salaires des employés d’Uber, une étude a démontré qu’ils sont payés à peu près au salaire minimum. Pas fort. Mais puisque la conduite sera automatisée dans un avenir proche, est-ce vraiment un combat qui en vaut la peine?

    Dernier commentaire: un système de transport par voiture à faible coût est un fort incitatif à ne pas prendre sa voiture après avoir pris quelques verres. Si le prix est trop élevé, on va continuer d’inciter des citoyens à prendre le volant pour sauver quelques dollars.

  11. galgator dit :

    Merci M.Boivert (auteur de l’article) pour avoir partagé votre expérience sur le terrain. C’est toujours intéressant de connaître un fait vécu pour comprendre le quotidien des américains.

  12. nickoleterrible dit :

    Et ici au Qc on paie 600 millions pour donner la business à Uber qui au final créera une armée de chauffeurs mal payés et rapatriera son profit hors du pays tout en faisant des pirouettes fiscales.Ça ne me rentre pas dans la tête que les gens ne voient pas ça.

    1. Benton Fraser dit :

      Et comme disait l’autre: « Il y a quelque chose de pourri dans le Royaume du Danemark…. »

  13. Rustik dit :

    Est-ce que l’industrie du taxi devait être revampé? Certainement.
    Est-ce qu’un permis de taxi devait coûter aussi cher? Probablement pas.
    Est-ce qu’un service comme Uner où Lyft aide à régler les problèmes de congestion et de déplacements? Certainement pas.

    Il n’y a pas grand chose qui colle à l’idée originale « d’économie de partage » dans ces services. Outre un travail de destruction contre l’industrie du taxi, ça n’apporte pas grand chose d’autre.

  14. tonygalo54 dit :

    grève logique : le développement important d’emplois « uberisés » implique des risques spécifiques pour ces travailleurs : les conditions de travail indépendant très modulables (horaire, emploi du temps, lieu…) rémunéré à la tâche présentent certains avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients pour la santé et la sécurité du travail avec de la précarité, et peu de prévention des risques professionnels et de protection sociale : voir « La prévention des risques professionnels liés aux plateformes de services » : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=574

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