Le blogue de Richard Hétu

L'Amérique dans tous ses états

Dans les deux premiers billets de cette série (ici et ), j’expliquais comment l’administration Trump a tenté, ces derniers mois, de mettre fin à plusieurs traités sur le contrôle des armes. On pourrait y voir une autre politique improvisée de Trump. Mais ce n’est pas le cas. C’est plutôt la victoire quasi personnelle du conseiller de la Maison-Blanche à la sécurité nationale, John Bolton, qui a fait de la lutte aux traités de non-proliféraition un combat personnel.

John Bolton n’est pas un néophyte : il gravite autour du pouvoir depuis l’ère Reagan, multipliant les fonctions officielles, notamment comme secrétaire d’État adjoint et ambassadeur des États-Unis à l’ONU. Tout au long de sa carrière, Bolton a clairement fait savoir ses positions contre tout traité qui limiterait la force de frappe américaine. Pour lui, le seul moyen de garder le contrôle, c’est par la force brute et l’accumulation des armes.  Il a publié plusieurs essais pour dénoncer « l’Église du contrôle des armes », selon ses propres mots. Le titre de son livre sur ses années au Conseil de sécurité de l’ONU ne peut être plus clair: «Abandonner n’est pas une option: défendre l’Amérique aux Nations unies».

Il est réputé être près de l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et de l’ancien vice-président Dick Cheney, ces «chickenhawks» qui ont justifié la guerre en Irak comme nécessaire pour renverser un régime menaçant la sécurité mondiale avec ses armes destruction massive (dont on n’a jamais trouvé la trace). Leur influence au sein du camp républicain a toujours été diluée par la présence de personnalités plus modérées. Par exemple, sous la présidence de Georges W. Bush, la secrétaire d’État Condoleezza Rice, dont la carrière de professeure universitaire spécialisée dans la politique russe lui donnait une forte crédibilité sur les dossiers de dénucléarisation, a été un facteur important pour contenir la pensée du va-t-en-guerre et du jusqu’au-boutisme de certains de ses collègues. L’ancien président Reagan lui-même, vers la fin de son mandat, a davantage privilégié les programmes de contrôle des armes, malgré la course aux armements qu’il a lancée.

Malgré tout, John Bolton a eu quelques succès. En 2001, il a été un facteur important dans le retrait des États-Unis du Traité contre les missiles antibalistiques, le traité ABM. Le site The Daily Beast a publié un article fascinant sur la saga de l’ABM à l’époque où Bolton était responsable des négociations avec les Russes. Comme je le disais dans mon dernier billet, il a laissé planer beaucoup d’incertitudes, menaçant la stabilité et l’équilibre nucléaire. L’article fait aussi état des accusations du président Poutine, comme quoi la présente course aux armes est une conséquence de ce retrait américain de 2011 (évidemment, l’homme fort de Moscou cherchera à justifier son retrait en accusant l’autre partie d’avoir commencé la chicane…).

On peut douter que le président Trump ait une stratégie claire sur le désarmement et sur le nucléaire. Mais, ce qu’on ne peut pas douter, c’est que Bolton en ait une. Il est ainsi la figure de proue d’une faction avec une idéologie et une rhétorique bien rodée. Et, par l’élection de Trump, cette faction a enfin trouvé un moyen de mettre en pratique ce que ses membres défendent depuis des décennies.

(Photo Getty Images)

36 réflexions sur “La politique Bolton de désarmement ou la victoire des «chickenhawks» (3e épisode)

  1. gl000001 dit :
    1. Haïku dit :

      En défilant vers le bas après la lecture du billet, je n’étais pas du tout surpris de voir votre avatar avec lien pour Chickenhawk. Merci 😎

  2. Claude Dallaire dit :

    Texte extrêmement intéressant qui illustre bien que le mandat de Trump, derrière les pitreries faites sur Twitter, permet à des factions conservatrices à bien à mettre en place leurs réformes. Ça me fait penser au texte hebdomadaire que CNN publiait la première année et qui portait le titre (traduction libre de memoire) : ce que l’administration Trump a fait pendant que l’on ne regardait pas… Texte abandonné je crois car pas vu depuis un bout de temps.

  3. Réal Tremblay dit :

    Donc si je comprend bien la philosophie de Bolton, la politique de la peur est le moyen de se défendre. Cette vieille avenue peut sembler efficace pour la majeure partie des pays mais que fait-on pour les têtes brûlées?
    Par contre avec tout cet arsenal militaire hors de proportion que les Américains n’ont pas vraiment besoin, ne serait-il pas plus approprié de redistribuer une partie de cet argent pour affronter les problèmes du 21ième siècle? La guerre du renseignement et de l’informatique.

  4. Et voilà une des raisons pourquoi 45 a encore l’appui de la majorité des républicains élus. Il est tellement niais et naïf, ils l’utilisent comme une marionnette pour arriver à leurs fins.

    1. PS:

      @M.Boisvert

      J’ai beaucoup apprécié le sujet de ces 3 billets ainsi que la forme qui en a permis l’approfondissement.

      1. Haïku dit :

        Je seconde .

    2. ghislain1957 dit :

      Une marionnette encore pire que W. Bush

    3. Igreck dit :

      Il s’agit pour eux de s’assurer d’être les derniers à lui parler… tous les autres entretiens ne comptant plus dans sa tite tête de linotte. Ainsi, oncle Dick (Cheney) a encore de l’influence sur la marche des choses, comme s’il n’en avait pas déjà trop fait du temps de W !? Le VICE sous couvert de démocratie !

      P.S. Vice : un film a voir pour se coucher moins naïf !

  5. jcvirgil dit :

    Bolton semble beaucoup plus un chicken qu’un hawk. De la Corée du Nord, à la Syrie, en passant par l’Ukraine et l’Iran il menace de frappes militaires.
    Les autres nations le regardent aller en se disant quand donc vont-ils lui passer une camisole de force à cet idiot néo-con qui a mis les États-Unis dans la mouise avec la guerre en Irak dont les coûts s’élèvent en milliers de milliards de dollars pour le citoyen américain. avec pour résultat d’avoir étendu l’islamisme radical à toute la planète.

    En passant Putin a raison sur un point, c’est le développement du bouclier anti-missile américain alors que la Russie était en faillite qui a relancé la course aux armements nucléaires. La Russie sachant fort bien qu’une fois entourée de silos avec des missiles soi-disant défensifs , ils étaient exposés à une première frappe dont ils n’auraient pas le temps de se prémunir advenant que les Américains selon leurs bonnes habitudes de petits fourbes , changent les missiles défensifs par des missiles nucléaires dans les silos entourant la Russie.

    D’ailleurs des génies comme Bolton ont déjà affirmer qu’aux coûts que représentent le développement des armes atomiques , il faudrait bien s’en servir un jour ou l’autre.

  6. jeani dit :

    Un administration de cinglés (lire aussi, pissous), dirigé par un autre cinglé.

    Il faut craindre le pire avec des individus de la sorte qui ont peur de leur ombre.

  7. Niouininon dit :

    Voilà qui explique l’engouement du POTUS pour les actions d’éclat qui parsèment sa politique internationale, en frappant de ses armes verbales et se retirant de divers traités qu’il ne comprend de toute façon pas. Il se laisse donc manipuler par Pompeo et Bolton, ces deux là en orgasme guerrier perpétuel. Le POTUS a toutefois ses propres opinions et dans ses obscures analyses des conseils reçus, je le soupçonne de tirer à la courte paille pour faire son choix ou bien de mélanger les stratégies pour leur donner sa propre couleur. L’Ukraine vient d’élire un humoriste? Les USA font encore mieux avec les 3 Stooges aux commandes du navire US dont le naufrage se pointe à l’horizon, possiblement rattrapé par ses propres décisions erratiques.

  8. Serge Mtl dit :

    Dans le même ordre d’idées folles

    https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/201905/07/01-5225062-des-bombardiers-americains-pour-dissuader-liran-dune-attaque.php

    …probablement le même genre de signes clairs que du temps des armes de destruction massive…

    Cette gang-là est complètement siphonnée….

  9. Henriette Latour dit :

    Serge Mlt

    Vous m’avez devancée. C’est l’Iran qui va faire les frais de toutes ces vantardises. Ils espèrent que les Iraniens n’oseront pas. Acculés au mur, on ne sait jamais ce qui peut arriver et ils pourront toujours dire, si les Iraniens ripostent, qu’ils n’ont pas respecté l’entente et ils se sentiront obligés de leur déclarer la guerre. 🤬🤬🤬🤬🤬🤬🤬🤬🤬

  10. Navy dit :

    Et comme les faucons sous l’ère Bush, ils vont se mettre les pieds dans un conflit sans fin qui va leur coûter des milliards et des pertes en vie humaine. C’est compter les milliers de saintes innocentes victimes civiles qui seront massacrées sur l’autel de la force brute et une idéologie issue de la pensée du Tea Party et des évangélistes de droite.

    1. jcvirgil dit :

      Eh oui ! Le tout sous l’influence de l’extrémiste sioniste Netanyayou qui a cette guerre contre l’Iran dans ses projets depuis des années.

      Avec les* fêlés du bocal *, en place présentement à la Maison des fous ,il pourrait bien avoir gain de cause.

      Ce qui risque fort bien cependant d’être pour eux la guerre de trop, si on en juge par les résultats de leurs dernières aventures militaires.

      1. Laurent Pierre dit :

        John Bolton, la créature politique américaine à la moustache hitlérienne et à la voix nazillarde, un digne descendant du célèbre général « Nuke them all » MacArthur, qui prônait la « stratégie » du tapis de bombes A pour régler la question nord-coréenne et chinoise.

  11. V-12 dit :

    C’est pas Bolton qu’il devrait s’appeler, c’est Bolt-off!

    La moustache ne voit les choses que de la perspective américaine du temps de la guerre froide. Et, c’est bien connu, les zoufs à p’tite queue sont toujours ceux qui se vantent d’en avoir une grosse…

    1. gl000001 dit :

      Missing bolt !!

      1. Haïku dit :

        We’re screwed

  12. Ziggy dit :

    Mr.Boisvert votre série de trois mérite un dix sur dix bravo continuer à nous gâtés.
    Votre dernier paragraphe donne froid dans le dos quand on sait que l’idiot plénipotentiaires incapables d’avoir la moindre stratégie ni la moindre idée sur l’importance d’avoir des traités pour limiter le retour à là course à un armements qui ne peuvent qu’être plus terrifiant et destructeur délègue à des sous-fifres la responsabilité de définir et appliqué les politiques en ces matières.
    On risque de se retrouver avec un fiasco qui viendra d’un va t’en guerre avec un pinceau sous le nez qui se croit investi d’une mission de Dieu.Les frappes chiurgicale avec ces armes sont impossibles et aucun pays ne serait épargné.

  13. el_kabong dit :

    Dans l’expression chickenhawk, il y a effectivement le mot chicken… tous ces va-t-en-guerres ont la particularités d’êtres des pleutres qui on soigneusement éviter l’armée quand il aurait été le temps de se battre.

    Ils préfèrent envoyer les autres se faire tuer à leur place…

    P.S. D’ailleurs, ils sont justement en train de montrer leurs gros bras au moyen-orient en y déployant un porte-avion et des bombardier sous prétexte que « l’Iran et ses acolytes envoient des signaux clairs de préparatifs à une attaque possible contre les forces américaines »… c’est encore plus pathétique que les adm…

    1. Igreck dit :

      Gosse corvette (navire de guerre) p’tite quéquette !

  14. Gilles Morissette dit :

    Quand on est proche de salopards comme Rumsfeld et Cheney, deux types qui ont plongé le pays dans une guerre coûteuse (Irak) notamment en vies humaines, on ne peut espérer grand chose d’un enfoiré comme Bolton.

    Cette administration est en train d’entraîner le pays vers les pires années de la Guerre Froide et de la course aux armements nucléaires.

    Devinez qui va profiter de tout ça?Les marchands d’armes bien sûr qui vont récolter de juteux contrats en échange de généreux dons à la campagne électorales du Gros Taré.

  15. dynopax dit :

    Consternant!

    « Back to square one » avec ces enc… dont la bave suinte à la commissure des lèvres, l’oeil injecté de sang, rêvant d’en découdre par procuration avec des « ennemis » créés de toute pièce. Wag the dog, right?

    Je voudrais être l’Ange de la Mort et tous les trucider pour le seul bienfait de l’humanité, voilà ce que m’inspire ces semblants d’êtres humains, des monstres plutôt. Leur profond mépris pour le droit à l’existence de chaque être humain ne mérite rien de pire… Go to hell!

  16. papitibi dit :

    Billet:
    ces «chickenhawks» [Donald Rumsfeld et Dick Cheney] qui ont justifié la guerre en Irak comme nécessaire pour renverser un régime menaçant la sécurité mondiale avec ses armes destruction massive (dont on n’a jamais trouvé la trace).

    Avec la Doctrine Moustache (a.k.a. Bolton), le plus gros nid d’armes de destructions massives, c’est notre charmant voisin.

    USA: la plus grosse erreur du bon Dieu depuis l’introduction de la mouffette. 🤬

  17. cotenord07 dit :

    Comme je l’ai souligné en réaction à un billet récent, il y a dans le numéro d’avril 2019 du magazine The Atlantic un excellent article sur John Bolton :

    – « Will John Bolton Bring on Armageddon—Or Stave It Off? », article de Graeme Wood, The Atlantic, numéro d’avril 2019, hyperlien.

    https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2019/04/john-bolton-trump-national-security-adviser/583246/

    De toute évidence, Bolton est très intelligent, extrêmement déterminé, très imbu de lui-même, et peu respectueux des conventions et de ses interlocuteurs.

    Pour moi, il personnifie plutôt fidèlement une certaine version (plus instruite que la moyenne) de l’image stéréotypée péjorative du « Ugly American », ce personnage bruyant, grossier, ignorant, ethnocentrique, etc., etc., qui est si détesté hors des États-Unis et peut-être même aussi par une partie de la population des États-Unis…

    Il va être intéressant de voir ce qu’il adviendra de la gouvernance des États-Unis s’ils sont dirigés pendant encore plusieurs années par une caste d’« Ugly Americans »…

    1. cotenord07 dit :

      Ajout : si vous voulez en savoir plus sur l’expression « Ugly American », je vous recommande ce court article en anglais de Wikipédia :

      https://en.wikipedia.org/wiki/Ugly_American_(pejorative)

    2. marcandreki dit :

      Il va être intéressant de voir ce qu’il adviendra de la gouvernance des États-Unis s’ils sont dirigés pendant encore plusieurs années par une caste d’« Ugly Americans »

      Simple: la gouvernance devra gérer d’autres guerres désastreuses, ruineuses, potentiellement apocalyptiques, tout en imaginant que de fabriquer et de vendre des canons est la chose intelligente à faire. Et si ça ne se produisait pas, ils gouverneront dans la peur, en l’entretenant soigneusement, religieusement. Jusqu’au jour peut-être où les USA se la feront fermer d’aplomb.

  18. simonolivier dit :

    Moi je ne les appelle pas les chickenhawks mais plutôt les chickenshits. Trop peureux pour s’enrôler mais prêts à envoyer les autres se faire tuer.

    1. cotenord07 dit :

      @ simonolivier (07/05/2019 à 19:58) :

      Il est effectivement extrêmement intéressant de noter que la plupart de ces éminences grises va-t-en-guerre n’ont jamais servi leur pays en uniforme et ont généralement servi leur pays dans un contexte d’avancement de leurs intérêts personnels et financiers.

  19. kintouai dit :

    Y lui manque pas yenque une bolt, on dirait !

    1. Haïku dit :

      Le Yemen serait d’accord avec vous.😭

  20. karma278 dit :

    Une chance que Hillary la va-t-en guerre n’a pas été élue!

    On l’a échappé belle.

    Make Am Grow Angrier!

    1. Haïku dit :

      Chapeau ?

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