Le blogue de Richard Hétu

Donald Trump trouve «crédible» la nouvelle explication de l’Arabie saoudite concernant la mort de Jamal Khashoggi, selon cet article du New York Times. Le président, qui a noué une relation privilégiée avec le prince héritier Mohammed ben Salmane, considère que cette explication et les arrestations annoncées par le royaume constituent de «bons premiers pas». Il a précisé qu’il considérait une «certaine forme de sanction» contre les Saoudiens tout en précisant qu’il préférait que «nous n’utilisions pas comme rétribution» l’annulation de ventes d’armes aux Saoudiens totalisant 110 milliards de dollars. Les renseignements américains ont jugé invraisemblable l’explication des Saoudiens, de même que plusieurs élus et experts.

«Si Khashoggi s’est battu dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, c’est qu’il luttait pour sa vie contre des gens qui voulaient le capturer ou le tuer», a déclaré le représentant démocrate de Californie Adam Schiff, numéro un de son parti au sein de la Commission du Renseignement de la Chambre des représentants.

Selon la nouvelle explication saoudienne, Jamal Khashoggi est mort après que «les discussions entre [lui] et ceux qu’il a rencontrés au consulat du royaume à Istanbul […] ont débouché sur une rixe». Le New York Times cite des sources saoudiennes affirmant que le journaliste et dissident a été tué par étranglement. Des sources turques ont déjà soutenu que Khasshoggi avait été décapité et démembré avec une scie de boucher.

John McLaughlin, ex-directeur de la CIA, est l’un des experts qui a refusé de croire à la nouvelle version saoudienne. «La déclaration saoudienne incroyablement boiteuse sur Khashoggi ne passera pas», a-t-il tweeté hier soir. «Les déclarations précédentes étaient fausses. Les arrestations ont sûrement pour but de couvrir MBS, qui doit savoir. Et qu’en est-il du corps de Khashoggi? Il semble de plus en plus probable que la famille royale devra mettre de côté MBS ou diluer son pouvoir – c’est la seule sortie de crise.»

«Dire que je suis sceptique de la nouvelle version saoudienne sur M. Khashoggi est un euphémisme», a tweeté de son côté le sénateur républicain de Caroline-du-Sud hier soir. «On nous a d’abord dit que M. Khashoggi avait prétendument quitté le consulat et il y avait un démenti catégorique de toute implication de la part des Saoudiens. Maintenant, une bagarre éclate et il est mort dans le consulat, tout cela sans que le prince héritier n’en sache rien. Il est difficile de trouver la dernière ‟explication” crédible.»

Chez les démocrates, le sénateur du Connecticut Chris Murphy a fait entendre le même son de cloche. «Pendant des semaines, l’Arabie saoudite a menti au monde, nous disant que Jamal était vivant quand ils savaient, tout au long de cette période, qu’il était mort. La nouvelle explication est ridicule, et notre boussole morale est déréglée si nous ne passons pas à l’action», a-t-il tweeté hier soir.

Or, malgré les critiques de sénateurs du GOP tels Lindsey Graham, Marco Rubio et Bob Corker à l’endroit des Saoudiens, la majorité républicaine ne fera rien pour répondre «au meurtre de Jamal Khashoggi par l’Arabie saoudite et cet audacieux camouflage», a prédit le sénateur Murphy.

Dans son article sur la nouvelle explication saoudienne, le New York Times précise que les 15 agents saoudiens avec lesquels Khashoggi a eu des «discussions» font partie des 18 personnes dont l’arrestation a été annoncée par l’Arabie saoudite hier. Un chauffeur et deux employés du consulat ont également été arrêtés.

Comme je l’évoquais dans le billet précédent, le général Ahmed al-Assiri est celui à qui le royaume a attribué la responsabilité de l’opération. Le militaire est un responsable du renseignement saoudien proche du prince héritier. Il n’aurait cependant pas obéi à un ordre de MBS mais à une directive générale du royaume de rapatrier les dissidents vivant à l’étranger.

(Photo AP)