Le blogue de Richard Hétu

J’ai consacré deux billets en mai dernier sur l’ascension politique de Stacey Abrams, cette politicienne de Georgie qui a écrit une page d’histoire en devenant la première candidate afro-américaine d’un des grands partis à un poste de gouverneur aux États-Unis. À l’époque, l’adversaire républicain de la démocrate de 44 ans n’était pas encore connu. C’est chose faite depuis hier soir. Il s’agit du secrétaire d’État de Georgie Brian Kemp, qui se définit lui-même comme «un conservateur politiquement incorrect» dans une pub où il tient un discours aussi provocateur que celui de Donald Trump, sinon plus. Voici la pub en question :

Kemp n’était pas le candidat favori de l’establishment républicain de Georgie ou de Washington. Il avait fini deuxième derrière le lieutenant-gouverneur Casey Cagle lors du premier tour d’une primaire tenue en mai. Ses positions clivantes sur l’immigration, la religion et les armes à feu ne plaisent guère aux gens d’affaires de Georgie, qui tiennent à projeter une image moderne et inclusive de leur État situé dans le Sud profond, et aux stratèges républicains, qui ne veulent surtout pas perdre les électeurs modérés des banlieues. Casey Cagle jouissait non seulement de l’appui du gouverneur républicain sortant, Nathan Deal, qui ne peut solliciter un troisième mandat, mais également de la National Rifle Association, le puissant lobby des armes à feu.

Qu’à cela ne tienne: Kemp comptait sur un allié influent à Washington, en l’occurrence Sonny Purdue, ancien gouverneur de Georgie devenu secrétaire à l’Agriculture au sein de l’administration Trump. Nourrissant une vieille rancune à l’égard de Casey Cagle, Purdue a réussi à convaincre le président d’intervenir dans la course. Une semaine avant le deuxième tour de la primaire, Donald Trump a donc défié ses conseillers politiques en appuyant Brian Kemp, qui a aussitôt pris la tête dans les sondages.

Il faut dire que Casey Cagle n’a pas aidé sa propre cause. Lors d’une conversation téléphonique enregistrée à son insu, il a déploré le fait que la primaire républicaine soit devenue une épreuve pour déterminer «qui a le plus gros fusil, qui a le plus gros camion, qui peut être le plus fou». Dans une autre conversation, il a admis avoir adopté des politiques auxquelles il ne croyait pas afin de couper l’herbe sous le pied de rivaux plus conservateurs.

La Georgie aura donc le choix en novembre entre un conservateur blanc qui, à certains égards, incarne le passé de la Georgie, et une progressiste noire qui se présente comme le futur de l’État. Devant ses partisans, hier soir, Brian Kemp ne semblait pas douter du choix final des électeurs de Georgie pour le poste de gouverneur.

«C’est l’État de Georgie: nous sommes un État rouge», a-t-il dit après avoir reproché à son adversaire démocrate d’attirer l’appui de progressistes d’un bout à l’autre des États-Unis. «Et nous n’avons pas besoin de la gauche radicale pour nous dire comment vivre, comment prier et comment élever nos familles. Nous avons rejeté Hillary Clinton en 2016 et nous ferons la même chose en novembre avec Stacey Abrams», a-t-il ajouté.

Stacey Abrams a réagi sur Twitter à la victoire de Kemp en employant un ton susceptible de plaire aux électeurs modérés qui feront la différence dans cette course dont l’intérêt dépasse largement les frontières de la Georgie : «Service, foi & famille inspirent notre vision pour la Georgie. Des soins de santé abordables. Des écoles publiques excellentes pour chaque enfant. Une économie qui profite à tout le monde.»